09 juin 2020 | Temps de lecture : 9 minutes

Théories du complot sur les « ANTIFA » d’OANN et de Trump

Un complot antifa contre Donald Trump ? Comme c’est commode…

Trump en mauvaise posture

Trump est en chute libre. Les sondages ne sont pas tout simplement mauvais, ils sont catastrophiques. D’autant que les plus fins montrent une érosion des électeurs convaincus de Trump. Pire, le nombre de gens mécontents/très mécontents augmente de façon impressionnante, en particulier depuis ces réactions ineptes depuis la mort de G. Floyd et le mouvement de fièvre anti raciste qui semble s’emparer de l’Amérique. Et déjà le délire Trumpien pendant la crise du covid avait « moyennement » séduit
BIEN ENTENDU ce sont des sondages et ils ne préjugent en rien des résultats des élections de novembre.
Mais un homme comme Trump n’ignore pas les sondages. Il est inquiet. IL se lance donc dans une sorte de quitte ou double en reprenant un voeux slogan de Nixon: « LAW & ORDER » qu’il twitte et retwitte au moins une fois par jour. L »excellent analyste Corentin Sellin, spécialiste des affaires politiques américaines et en particulier sur Trump, le rappelle: en 2020, comme en 2016, Trump tient le discours de Nixon. Et la même politique, au point que l’on peut parler d’un « match retour du Watergate« .
Trump faisait déjà dans les excès, mais c’est désormais une véritable fièvre d’activisme des réseaux sociaux qui s’empare de lui, comme par exemple ce twitt exprimant une phrase déjà prononcée dans des circonstances terribles et par un policier peu recommandable:

« When the looting starts, the shooting starts »

Au point que twitter (c’est sans précédent) indiquer que ce tweet enfreignait les règles de twitter sur la violence. Même twitter qui, une semaine plus tôt avait affublé un tweet de commentaires indiquant qu’il s’agissait d’une « fake news ». Fureur de Trump qui publie immédiatement un décret (qui a toute les chances d’être retoqué) sur la protection des réseaux sociaux.
Twitter passe ainsi pour un réseau social d’affreux gauchistes tandis que Facebook se débat dans ses contradictions et les critiques qui fusent au sein même de l’entreprise sur la conduite à suivre.
On rappellera que Trump a été obligé de se cacher dans le bunker de la Maison Blanche lors d’une manifestation à Washington. Il est manifeste que Trump est donc fébrile et même a peur. Très peur. D’autant que des scandales se profilent qui pourraient le menacer si il n’était pas réélu. Un journaliste très sérieux vient de publier un ouvrage très documenté sur les relations de Trump avec…la mafia. Et -surprise- le collectif « Anonymous » resurgit pour le menacer de dévoiler des affaires peu ragoutantes dont une complicité avec Epstein dans les réseaux pédophiles et que ce serait l’administration Trump qui aurait fait assassiner Epstein. Bien sûr on attend les faits/preuves, mais pour un président dont certains de ses plus fervents admirateurs, les QAnon, accusent les démocrates d’être des « satanistes cannibales pédophiles », c’est un coup de pied de l’âne très dur.
Il est assez savoureux de voir que les adeptes de « la Tempête » risquent de voir une Tempête se déchaîner sur l’agent Orange alors que « Q » ne leur avait rien dit…

On y ajoute d’autres petites choses comme l’affaire de la javel… Et on commence à la lecture de tout ceci à comprendre pourquoi les discours de Trump deviennent de plus en plus incompréhensibles. Voir même abscons. Au point qu’il faille que la Maison Blanche revienne une deuxième fois sur les discours de Donald pour s’expliquer.
Trump parlait déjà très mal sa langue natale, il la parle maintenant comme une vache espagnole

Le complot Antifa ? Un épouvantail idéal

Ceci étant posé venons en à l’affaire qui nous intéresse aujourd’hui. Depuis le début des manifestations, Trump a lancé une interprétation simple (simpliste) qui expliquerait tout (la base de la bonne théorie du complot: trouver un bouc émissaire fantasmatique et s’y accrocher comme la moule sur son bouchot.
Et ce bouc émissaire ce sont les « antifas ».
Pour Trump c’est simple, ils sont responsables de tout, des manifestations, des pillages, de l’ambiance en Amérique, des problèmes de reprise, bref « Antifa » comme dit Trump est un épouvantail bien pratique, une théorie du complot dans toute sa splendeur.
Une petite recherche sur twitter est très significative: Trump martèle ce mot dans tous les sens sans avoir la moindre idée de ce qu’il signifie.

Les aventures de Trump et les antifas

Pour Trump, « Antifa » est une organisation constituée, organisée, structurée, et …terroriste. Bon on voudraient bien voir en comparaison les chiffres des tueries provoquées par « ANTIFA » aux USA (de préférence en rapport avec les néo nazis copains de Trump, mais passons). Bref « ANTIFA », c’est le SPECTRE de Trump.

Trump et le Spectre

Ce n’est pas nouveau. Le #RN et toute la fachosphère française fait exactement pareil depuis des années. C’est ainsi que la cheftaine du RN peut, à bon compte demander la dissolution des « antifas », alors que ce ne sont pas des associations constituées et bien définies. On passera sur les légendes qui attribuent aux antifas des financements de Soros. Théorie du complot qui n’est pas réservé aux plus délirants de la fachosphère. Le « respectable et dédiabolisé RN » répand lui-même cette risible théorie du complot depuis des années.

Mais le but n’est pas là. Il est, comme d’habitude de trouver un bouc émissaire responsable. Quitte à ce qu’il soit inexistant. Le but, c’est d’assimiler en un seul mot, les « maux de la France ». L’expression « Anti-France » n’est plus guère usité à l’extrême droite, mais elle a joué le même rôle autrefois.
Quand Le Pen ou Trump disent « antifas » ils y confondent tout. Les « vrais » antifas, les autonomes qui pratiquent le black bloc, les antifachistes, les militants des droits de l’homme, l’extrême gauche, les anti racistes, les militants des droits de l’hommes, les féministes, les militants pour l’IVG, etc… Ce qu’il leur faut c’est un mot pour qualifier les ennemis.
Voilà pourquoi lors d’une affaire de violence policière, il y a une semaine, Trump s’est encore distingué.

Donald Trump a laissé entendre ce mardi 9 juin que le manifestant de 75 ans blessé après avoir été poussé par des policiers dans l’Etat de New York pourrait faire partie d’un coup monté.

La vidéo d’une manifestation la semaine dernière dans la ville de Buffalo, a suscité une vague d’indignation aux Etats-Unis. On y voit un homme âgé, Martin Gugino, fermement repoussé par deux policiers et heurtant violemment le sol, alors qu’il est seul face à des dizaines d’entre eux.

La chaine  d’extrême droite complotiste OANN , que nous avions déjà épinglé pour ses bidouillages, a affirmé que l’affaire était un coup monté. Désinfo reprise par Trump:

Le twitt complotiste de Trump

Le problème c’est qu’il n’y a pas l’ombre d’un fait ou d’une preuve dans le reportage d’OANN ou dans le twitt de Trump. La tactique habituelle: « j’ai vu cela, ça me fait penser à …, je m’interroge. ». Le mal est fait la théorie du complot est lancée. D’ailleurs que disent les fans de Trump sous son twitt?
L’un prétend qu’on « ne saigne pas de l’oreille après avoir chuté de cette façon » donc que c’est faux, l’autre que c’est un dispositif avec du « faux sang »… CQFD

Précisons qu’une otorragie peut justement être un signe d’une grave fracture du crâne
Il faut tout d’abord rappeler que Trump n’aime pas le sang, qu’il trouve ça « dégoûtant » et que l’empathie, ce n’est vraiment pas sa partie comme le montre cette autre affaire.

L’histoire est survenue alors qu’il discutait de son malaise à regarder le sang, ce qui l’a incité à se souvenir de l’incident. Son histoire rend la lecture inconfortable.

«J’étais à Mar-a-Lago et nous avons eu ce ballon incroyable, le ballon de la Croix-Rouge, à Palm Beach, en Floride.

Et nous avions les Marines. Et les Marines étaient là, et c’était terrible parce que tous ces riches, ils sont là pour soutenir les Marines, mais ils sont vraiment là pour avoir leur photo dans le Palm Beach Post.

Donc, vous avez tous ces gens vraiment riches, et un homme d’environ 80 ans – un homme très riche, beaucoup de gens ne l’aimaient pas – il est tombé de la scène …

Donc, ce qui se passe, c’est que ce type tombe directement sur son visage, se frappe la tête et je pensais qu’il était mort.

Et tu sais ce que j’ai fait? J’ai dit: « Oh mon Dieu, c’est dégoûtant », et je me suis détourné.

Je ne pouvais pas, tu sais, il était juste devant moi et je me suis détourné. Je ne voulais pas le toucher. Il saigne partout, je me sentais terriblement mal.

Vous savez, le beau sol en marbre ne lui ressemblait pas. Cela a changé de couleur. Est devenu très rouge.

Et vous avez ce pauvre gars, âgé de 80 ans, allongé sur le sol inconscient, et tous les riches se détournent …

Ce qui se passe, c’est ces 10 Marines de l’arrière de la salle.

Ils s’avancent en courant, ils l’attrapent, ils mettent du sang partout – c’est partout sur leurs uniformes – ils le prennent, ils le glissent, ils l’ont épuisé, ils ont créé une civière.

Ils appellent cela une civière humaine, où ils mettent leurs bras avec, comme, cinq gars de chaque côté …

Je disais: «Faites nettoyer ce sang! C’est dégoutant!’ Le lendemain, j’ai oublié d’appeler [l’homme] pour lui dire qu’il allait bien.

Ce n’est pas mon truc. « 

Effectivement. Ce n’est pas son truc. D’ailleurs à part twitter pour jeter de l’huile sur le feu, la mégalomanie, et le golf, on se demande ce qui est « son truc »…

Un peu d’huile sur le feu?

On apprend donc dans ce fameux reportage que les « ANTIFAS » disposent de matériels pour brouiller les communications de la police (ah bon?) et que c’est une « tactique couramment utilisée ».(ah bon?).

Le reste du reportage indique que « la gauche et la Chine » sont derrière tout cela pour cultiver l’agitation….

Le fameux  reportage est réalisé par « Kristian Rouz », journaliste à OAN, mais aussi, bah tiens, chez « Sputnik », la pravda officielle du Kremlin… Rouz est une figure complotiste d’OAN:

Kristian Brunovich Rouz , originaire de la ville sibérienne de Novossibirsk, est un ressortissant russe qui est l’un des journalistes à l’antenne de l’OAN. Rouz a rejoint le point de presse en 2017, s’installe à San Diego afin d’être proche de la gare. Rouz écrit également pour Sputnik, la machine de propagande parrainée par le Kremlin, depuis décembre 2014.

Pendant son mandat à l’OAN, Rouz a soutenu de nombreuses théories du complot d’extrême droite et extrémistes, dont beaucoup s’inscrivent parfaitement dans la rhétorique xénophobe et raciste de Trump.

L’un des reportages de Rouz visait le financier milliardaire juif George Soros , l’accusant de collaborer avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale lorsque Soros était adolescent en Europe de l’Est. Cette théorie a été réfutée à plusieurs reprises, mais les antisémites continuent de le jurer dans le but de salir une figure juive de premier plan. Rouz a également affirmé que Soros a utilisé sa vaste richesse pour financer les caravanes de migrants qui se dirigeaient vers les États-Unis.

Une autre histoire de Rouz a attaqué une cible préférée de Trump, Hillary Clinton , affirmant qu’elle avait utilisé 800000 $ de ses fonds de campagne pour soutenir les manifestants antifa (antifascistes). L’histoire, qui n’a aucune base ni preuve légitime, prétend que Clinton a donné aux manifestants de l’argent qui «allait à des choses comme des briques, des marteaux, des battes et des chaînes».

« Cela complète la fusion entre la propagande parrainée par l’État russe et les médias conservateurs américains », a déclaré l’ancien agent du FBI Clint Watts , qui est maintenant chercheur à l’Institut de recherche sur les politiques étrangères. «Nous avions l’habitude de le voir comme« Ils ont juste les mêmes vues »ou« Ils utilisent les mêmes pistes d’histoire ». Mais maintenant, ils ont le même personnel. »

En fait « OAN » « One America News » devrait plutôt s’appeler  « One Russia News »….
Des théories du complot bien évidemment reprises par les thuriféraires délirants habituels de Trump, nous avons nommé les « QAnon »:

OANN et les QAnon

Chez OANN, le fameux « Rouz » couvre quasi uniquement le culte de la personnalité de Trump.  En juillet 2017, le Washington Post rapporte que le milliardaire Robert Herring Sr (propriétaire d’OAN) avait intimé l’ordre à ses reporters de ne pas critiquer le régime russe.  Herring n’est pas connu pour des positions « libérales », bien au contraire. OAN relaie d’ailleurs assez souvent « RT » (Russian Today)… D’ailleurs le réseau de télévision « Herring Networks » propose RT dans son bouquet, ainsi qu’Infowars, le site complotiste d’Alex Jones.

Pour finir, on notera que effectivement la victime fait bien partie d’une association de défense des droits fondamentaux, mais qui n’a rien « d’ANTIFA » ou de dangereuse…
Comme nous le disions plus haut, Trump et l’extrême droite américaine cherche à mettre dans le même sac tous les activistes pour les droits… Donc, pas de complot antifa contre Trump. Désolé.

Debunked !!!

 

 

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