Des mèmes crées par des trolls Russes ? Mais de quoi s’agit-il ?
Si vous explorez régulièrement les sites de la fachosphère, vous tomberez inévitablement sur des « mèmes internet ». « Humoristiques, ou pas (d’ailleurs même quand ils se veulent humoristique, ils sont souvent à vomir), ils sont un des moyens les plus utilisés aujourd’hui, pour avancer des éléments de propagande. Toutes les tendances politiques les utilisent, mais la fachosphère les utilisent de façon industrielle.
Et c’est là qu’ils intéressent notre groupe ils véhiculent la plupart du temps un infaux, une propagande mensongère, un faux raisonnement. Pas question sur ce type de propagande de faire réfléchir, là on fait partager une émotion, un sentiment, un affect, et non pas un raisonnement. Et plus cet affect est simple, mieux c’est.
C’est le but des mèmes politiques. Qui deviennent une arme efficace de propagande de par leur rapidité à être conçus, leur simplicité d’utilisation, leur viralité. Et il permet de se « reconnaître » entre personnes partageant les mêmes idées, et accroît le sentiment de faire partie d’une communauté qui « sait ».
Certains termes sont devenus récurrents pour des raisons que nous allons exposer plus loin. Et c’est un de ces sujets que nous allons explorer dans cet article, le cas du sieur Poutine, un des héros récurrents de la fachosphère.
1) Le « Führerprinzip »
a) Le « Führerprinzip »
Si il est un problème pour l’extrême droite, c’est de se trouver des leaders qui transcendent les clivages apparents de cette nébuleuse politique. La petite plaisanterie que l’on raconte sur les groupes « gauchistes », entre nous:
« met deux gauchistes dans une pièce, au bout d’un quart d’heure, ils en ressortent avec trois courants »
est également valable, oh combien, pour l’extrême droite.
Parce que pour la gauche le « leader » n’est pas idéologiquement de première importance. Bien sûr dans les faits, il n’en va pas ainsi. Mais un des principes utopique des gauches est d’aller vers une démocratie partagée le plus possible.
Ce qui n’est pas du tout le cas pour l’extrême droite, c’est même l’exact contraire. Comme nous l’avons vu dans notre « black book » de l’extrême droite« , les principes fondateurs de l’extrême droite nécessitent un leader. Charismatique, et incontesté.
➥ Un chef charismatique : césarisme, autoritarisme, dictature, totalitarisme
Corollaire indispensable du populisme et de la vision organiciste, l’extrême droite est dirigé par un chef. Celui-ci sait. Il est en congruence avec les désirs de son peuple puisqu’il représente le « pays réel » contre les élites.
Elle va ensuite connaître la célébrité sous la plume de l’écrivain Charles Maurras, théoricien du « nationalisme intégral » devenu une inspiration du régime de Vichy après la « divine surprise » que constitua la débâcle de juin 1940. Dans son Enquête sur la monarchie (1900), Maurras écrit :
« Le pays officiel et légal, qui s’identifie au gouvernement parce qu’il en retire l’aliment de sa vie, ce petit pays constitutionnel commence néanmoins à voir et à entendre l’émotion qui gagne le pays vrai, le pays qui travaille et qui ne politique pas. […] Nous venons d’assister à des élections dites “républicaines” qui n’ont été que des coalitions d’intérêts organisées par de petits fonctionnaires inquiets. […] Ce sont […] 20.000 à 30.000 [citoyens] qui, aux jours d’élection, à la faveur d’occasions fortuites, font embrigader tout le reste. Par rapport à ce clan actif et politiquant, tout le reste des quarante millions d’habitants du pays est passif et politique, naît, vit, meurt, comme s’il était le sujet de ce souverain épars en 20.000 ou 30.000 membres. »
Rappelons que sous la plume de Maurras, ce « pays légal qui s’identifie au gouvernement » est occupé par « quatre États confédérés » : « juifs, protestants, maçons, métèques ». Trois décennies plus tard, l’expression de « pays réel » allait donner son titre au journal du mouvement rexiste de Léon Degrelle, principale figure du fascisme et de la collaboration en Belgique.
Suivant le degré de fanatisme de la population, le corpus idéologique du parti d’extrême droite, on assistera à la mise en place d’un style de gouvernement de type césariste à la pire dictature totalitaire.
b) Un leader
Il manque à l’extrême droite un de ces leaders universels qui puisse être reconnu par toutes les tendances de celle-ci.
Il devrait avoir essentiellement trois qualités:
- Etre un « théoricien ».
Disons-le au niveau « corpus idéologique », l’extrême droite est en panne depuis de très nombreuses décennies. Plus de Maurras, plus de Brasillach, plus de Latour-du-Pin, etc… Sa seule avancée est d’être passé ces dernières années du bon vieux « racisme biologique » de chez Gobineau, au « racisme social » et son corollaire « l’ethno-différentialisme« . Mais même cette théorie n’est qu’une évolution, pas une véritable « avancée » (si on peut parler d’avancée pour des ultras réactionnaires).
Par contre si elle est en panne de corps idéologique, l’extrême droite n’est pas en panne de stratégie, elle a adoptée le gramscisme avec enthousiasme. Et l’utilise à dessein sur le net.
Mais il reste qu’il manque une sorte de « penseur » qui pourrait asséner des aphorismes, des bouts de pensée, des slogans qui donnerait une direction idéologique au corpus fascistoïde.
- Etre « rassembleur »
JMLP avait réussi cet exploit d’unifier en France toutes les tendances de l’extrême droite. Mais non seulement il n’a jamais pu conquérir le pouvoir, mais l’idée selon laquelle il n’a jamais voulu vraiment y accéder est répandue, même à l’extrême droite. On lui reproche un manque de stratégie et une absence de réelle volonté de conquérir le trône. Le « bon leader » aurait soit déjà pris le pouvoir et pu faire étalage de « l’utilité/efficacité » de sa doctrine, ou bien un concurrent sérieux au pouvoir.
De préférence dans un pays qui a du poids. Vikto Orban par exemple, ne fait pas partie de ces candidats de l’absence de puissance internationale de la Hongrie.
- Incarner fantasmatiquement les « valeurs » de l’extrême droite
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- Une histoire du pays et/ou de la Nation fantasmée, d’où une propagande galopante et une réorganisation de l’éducation et de l’enseignement selon des critères dogmatiques ;
- Croyance en des lois intangibles ;
- Enjeux ésotériques et/ou complotistes ;
- Une vision organiciste excluante du groupe : « nous » et « eux ». Pour une organisation tribale de la société ;
- Populisme et démagogie ;
- Rhétorique particulière : discours « anti-système », « novlangue » ;
- La désignation de boucs émissaires étrangers au groupe comme cause de déclin, de l’unité et du fonctionnement du groupe ;
- Dédain des droits de l’Homme, sexisme, éloge des valeurs ultra réactionnaires, homophobie, persécution voire élimination des boucs émissaires, des opposants politiques ;
- Un chef charismatique : césarisme, autoritarisme, dictature, totalitarisme ;
- Une éloge du nationalisme dont découle naturellement une glorification des valeurs martiales, de l’armée ;
- Une obsession de la sécurité nationale envers les ennemis extérieurs mais aussi intérieurs, d’où une obsession du sujet de la criminalité ;
- Primauté de la police sur la justice (discours sécuritaire) ;
- Diminution, voire suppression des corps intermédiaires.
A ce jour, il n’en est guère qu’un qui peut incarner ce rêve fascisant, et c’est bien Vladimir Poutine, dirigeant autoritaire de la grande Russie! Et c’est bien pourquoi il existe florès de ces mèmes politiques à son sujet dont nous vous parlions plus au dessus.
c) De la propagande et des propagandistes
Une des grandes questions que nous nous posons depuis des années, c’est « quelle origine attribuer à ces éléments de désinformation ». Et malheureusement à ce jour, nous n’avons que des éléments de réponse.
Et ces quelques années nous ont fait comprendre que si la propagande d’acteurs isolés existe, elle n’est pas majoritaire. Il existe de véritables « usines à fake », des sortes de trolls payés ou suffisamment proche d’un parti ou d’un groupe pour passer du temps (et parfois important) à fabriquer ces infaux, cette fausse propagande.
Il y a derrière cette invasion, une activité méthodique et organisée.
Ce qui est tout de même cocasse lorsque l’on y réfléchis trois secondes. En effet, nos membres ne comptabilisent même plus les diverses attaques de l’extrême droite de faire partie de groupes structurés et payés par un/les pouvoirs pour répandre une « propagande » sur internet. Tandis que nos adversaires eux seraient dispensateurs d’une réalité révélée.
Nous savons aujourd’hui que des « think tanks » de propagande d’extrême droite existent, ce n’est plus un secret, avec comme exemple notre sujet d’aujourd’hui:
- L’agence des trolls russes
- Les contenus des trolls russes
- Une armée de trolls au service de Poutine
- L’armée de trolls de Poutine
Les révélations de buzzfeed de ces derniers jours accréditent également l’idée d’une fabrique d’infaux au fn.
Mais restons aujourd’hui sur le sujet russe. Parce que les trolls russes existent aussi en France…
Le Kremlin utilise une « armée de trolls payés » au service de la propagande russe. Mène-t-il une guerre d’information ?
En Russie, il y a des « usines à trolls », financées par les services secrets pour intervenir sur des forums, réseaux sociaux et sites d’information, à la fois en Russie et à l’étranger. Les « trolls », payés plus chers quand ils parlent une langue étrangère, sont moins chargés de diffuser une idéologie complotiste que de défendre la position du Kremlin. Ils mènent presque des opérations de communication.
Une femme ayant été elle-même « troll » avait expliqué qu’ils travaillent souvent par trois. L’un des trolls émet des doutes, tandis que les deux autres vont débattre avec lui et vont ainsi créer un débat. Chaque matin, il reçoivent une liste de sujets à commenter, accompagnée des idées à diffuser, en postant une centaine de commentaires par jour.
Les réseaux du Kremlin sont assez présents dans la politique française. Transcendent-ils les clivages politiques partisans ?
Anti-américanistes, anti-OTAN et anti-UE, les réseaux du Kremlin touchent à la fois l’extrême-gauche et l’extrême-droite de l’échiquier politique, sans oublier les souverainistes et une partie de la droite sarkozyste. Le Kremlin vise large, et mise à la fois sur un imaginaire d’extrême-gauche et d’extrême-droite. Pour séduire l’extrême-droite, le régime de Poutine diffuse des mythes propagandistes à propos de la Russie, sur sa prétendue défense des valeurs chrétiennes et de la famille. Pourtant, la politique familiale russe n’est absolument pas au niveau de celle de la France. Pour l’extrême-gauche, le Kremlin valorise un imaginaire stalinien et ressort les drapeaux rouges. Il fait ainsi coexister deux tendances politiques incompatibles en Occident, celles de l’extrême-droite et de l’extrême-gauche, rassemblées au sein d’une « idéologie rouge-brun ».
Les intérêts d’officier avec des réseaux du Kremlin ne sont pas seulement idéologiques, mais aussi matériels. Les 9 millions d’euros prêtés par une banque russe au Front national (FN) ont sûrement suscité des envies.
Les activités des « trolls russes » vont parfois même jusqu’à la manipulation internationale pour cacher les activités impérialistes du Kremlin ou de leurs alliés:
Le rapport relève que le début des attaques en ligne contre les Casques Blancs coïncide avec l’intervention militaire russe en Syrie, à l’automne 2015.
La gênante accumulation de preuves de crimes de guerre
Pourquoi un tel acharnement? C’est la deuxième activité des Casques blancs qui est en cause, avance The Syria Campaign. Outre les sauvetages, les volontaires filment leurs interventions et collectent des indices qui pourraient un jour service de preuves de crimes de guerre contre l’armée syrienne, soutenue par l’aviation russe.
La même escouade de propagandistes a également essayé, comme le rappelle le rapport, de démentir les accusations contre le régime syrien pour sa responsabilité dans l’attaque chimique de Khan Sheikhoun en avril 2017. Avant que l’ONU ne confirme ses accusations, la campagne de désinformation, soupçonnée d’être coordonnée par la Russie, a dominé la couverture médiatique en ligne, occupant la première place des tendances Twitter aux Etats-Unis.
Mais ils sont aussi à l’ouvre derrière des manipulations plus quotidiennes, plus méthodique comme cette inondation des « mèmes politiques » pro-Poutine.
Nous en voulons pour indices une page FB sur laquelle nous sommes allé piocher plusieurs de ces mèmes. Il s’agit du groupe « pro-russes ». 3 administrateurs gèrent celui-ci:
Si l’administrateur, malgré nos recherches restent un inconnu, les deux autres ne le sont pas.
Le premier est « Alain Jules » qui tient un site assez connu dans la fachoshère du même nom. Copain avec dieudonné qui lui aurait remis une « quenelle d’or » en 2014, il est proche de certains sites de la soralosphère « alter info » et « réseau international » par exemple. Il prétend être « antisioniste » cachant derrière ce terme (comme d’habitude, un antisémitisme et un complotisme sans borne ).
La troisième est une surprise. Et la plus intéressante.
C’est une complotiste pro poutine bien connue pour ses actions de propagande dans le Donbass. Proche de la soralo sphère elle travaille parfois avec benajam. Et dans des actions fleurant bon la stratégie de propagande de sous-marin russe:
D’après « Street-press, elle joue même un rôle essentiel de pivot entre l’extrême droite française et les extrêmes droites séparatistes du Donbass:
DES FRANÇAIS AU CŒUR DE LA PROPAGANDE
Deux français le secondent dans la surveillance des journalistes francophones. Dans un premier temps, c’est Laurent Brayard, dont le nom apparaît souvent dans ces leaks, qui se charge de cette tâche. Cet historien autoproclamé est membre de l’UPR, petit parti conspirationniste, dont StreetPress vous a déjà parlé. Il est recruté à Moscou par Svetlana Kissileva, qui l’invite à un congrès organisé à Donetsk où il intègre Novorossia Today, puis DONI. Cette francophone est l’un des principaux maillons qui lie l’extrême droite française et les séparatistes. Juste après les événements du Maïdan, elle participe à la création du site de « réinformation » Novorossia Vision et préside l’associaton parisienne Novopole, fondée par André Chanclu, ancien du GUD (syndicat étudiant d’extrême droite) et Alain Benajam, compagnon de route de Thierry Meyssan et président du Réseau Voltaire France.
Et enfin, et ce n’est pas le moindre point elle est journaliste à Novorosinform/ »Novorossia Today ». Une agence de presse informelle relayant toute la propagande russe sur le Donbass (mais pas exclusivement) très liée avec l’extrême droite française.
Un beau bouillon de culture favorable à la croissance du culte de la personnalité de Poutine donc!
2) Les fausses citations du tsar Poutine
La diversité de ces fausses citations est assez effrayante. Ces gens font dire à Poutine tout et n’importe quoi. Le tout sans aucune source bien entendu. Certains sont tellement ridicules qu’on a envie d’en rire. Certaines sont même dignes des « Chuck Norris Facts ».
Mais après tout rien n’est trop beau pour celui qui organise des expositions à sa propre gloire!
Alors partons dans notre petit tour d’horizon:
- Aucune source, aucun lien, rien ne vient accréditer le début de commencement d’une preuve de cette soi-disant citation. Répété à l’envie sur des sites français ou anglais.
- Comme le font remarquer certains lecteurs cette citation est de Macron et non de Poutine…
- A notre avis celui ci est une simple copie d’un commentateur d’un article de « réseau international » à la gloire de Poutine. Ce commentaire a du inspirer le forgeur.
Et oublier que celui-ci est lui même librement inspiré des Evangiles.
- Cette citation sort apparemment du livre de Launet sur les gros egos, mais aucune preuve ne l’accrédite vraiment (si vous avez d’autres infos, nous sommes preneurs)
- Un vieil hoax démonté proprement par nos copains de hoax.net
Variante de la précédente issue de la non-regrettée page de la « blonde de youtube »:
- Inconnue au bataillon. On notera que le posteur n’est pas convaincu non plus… Peut-être inspirée par cette anecdote (non vérifiée non-plus): « A Jimmy Hendrix, un journaliste lui posait la question « qu’est ce que cela fait d’être le plus grand guitariste vivant »…Il aurait répondu: »je ne sais pas….il faut poser la question à Rory Gallagher…. »
- Du vrai et beaucoup de faux. Cette citation est un melting pot de plusieurs assertions de Poutine lors d’une de ces sempiternelles et attendues interventions à Valdaï en 2013. Le problème est que cette fausse citation résume tellement fortement ce que dit Poutine qu’elle en devient fausse:
- Et enfin une très récente qui montre que le « mythe poutine » s’adapte aux problèmes de la fachosphère! Celui ci a certainement été fabriqué par un infaux provenant du tristement célèbre site complotiste putaclic « Your News Wire »:
CONCLUSION
Nous avons donc fait un petit tour de ces mèmes politiques crées par des trolls Russes ou pro-Russes, avec un petit éclairage sur ce qui soutient cette diffusion effrénée!