07 juin 2024 | Temps de lecture : 24 minutes

Ni cassos, ni bobo, ces classes populaires qui votent RN

C’est bien plus compliqué que ça

C’est à la mode, le RN aurait gagné le vote des classes populaires. Marine Le Pen fanfaronne sur la France des invisibles, des déclassés, des sans dents. Mais qu’est ce qui se cache derrière ça ? C’est vrai de vrai ?

Mais attendez, c’est qui les classes populaires en fait ? Les pauvres ? Les travailleurs pauvres ? Dans cet article, nous allons essayer de creuser cette idée. D’abord analyser ce concept, puis nous verrons qui vote vraiment RN. 

Aujourd’hui, on s’occupe de l’électorat d’extrême droite. C’est l’un des hoax les plus anciens, les classes populaires votent RN. Sauf que c’est plus plus compliqué que ça. Le RN n’emporte pas tout le vote des classes populaires, mais il a aussi du crédit auprès d’une partie de la bourgeoisie.

Et pour finir, on va essayer de se pencher sur la question de la gauche qu’on accole aux classes populaires comme représentant naturelle.

Un peu plus compliqué que ça…

C’est quoi les classes populaires ?

Parce que pour commencer, il faut qu’on se mette d’accord sur les termes.

Définition

Le concept semble familier, mais plus précisément, c’est qui, c’est où ? À bien y regarder, ce terme ne veut pas dire grand chose.

D’un point de vue marxiste, les classes populaires devraient être peu ou prou, la classe des travailleurs, ceux qui n’ont que leur force de travail à vendre : le prolétariat.

Mais le terme ne regroupe pas les mêmes choses ; l’INSEE n’étant pas spécialement un groupement marxiste (à notre connaissance), il faut donc préciser ce qui se cache derrière ce terme. Nous pouvons considérer les classes populaires comme l’ensemble des groupes sociaux en bas de l’échelle (sociale), sous la classe moyenne (terme qui mériterait d’être définit également).

Le site Inégalités propose une grille, certes arbitraire, mais qui correspond à peu près à la façon dont les termes sont utilisés dans l’espace politico-médiatique :

L’Observatoire des inégalités essaie de clarifier cette situation pour que l’on puisse débattre avec des critères précis et identiques. Notre définition, qui se base sur les revenus, propose ce découpage :
– les classes « populaires » comprennent les 30 % aux plus bas revenus ;
– les classes « moyennes » incluent ceux dont les revenus se situent entre les 30 % les plus bas et les 20 % les plus élevés ;
– les classes « aisées », les 20 % aux revenus supérieurs.

C’est arbitraire, mais ce sont les termes utilisés dans la presse ou dans les discours politiques. Ces 30% les plus pauvres sont les trois premiers déciles, et selon les chiffres de l’INSEE, il s’agit des individus dont le revenu annuel est inférieur à 16 980€. Ça correspond à peu près au SMIC.

Si on accepte cette nomenclature par facilité ou convention, elle ne suffit pas à dessiner un portrait plus précis.

Revenus ou catégories socio-professionnelles ?

Il est nécessaire d’affiner cette analyse. Tout d’abord parce que la répartition des habitants en France n’est pas homogène. On ne trouve pas les mêmes profils dans les zones rurales, urbaines et périurbaines, ou même entre l’est et l’ouest ou le nord et le sud. Pour aller un peu plus loin, il va falloir regarder des cartes.

Les cartes montrant les revenus moyens ou médians ne montrent pas la nature des inégalités. Mais ce n’est pas tout, ces 30% les plus pauvres se retrouvent dans des catégories socio-professionnelles spécifiques : ouvriers et ouvriers agricoles, employés, sans emploi et également une partie des retraités.

Comme il n’existe pas d’indicateur parfait, il est indispensable de les croiser. Voici d’autres indices qui peuvent s’avérer utiles :

Indice de position sociale (IPS)

L’indice de position social permet d’évaluer « la situation sociale des élèves face aux apprentissages dans les établissements scolaires français ». Il s’agit de l’établissement d’une grille de valeur reposant sur la catégorie socio-professionnelle des parents.

capture france ics
Les métropoles ont un meilleur ICS. La diagonale du vide est ici très visible.

On peut relever d’importantes inégalités entre les différents territoires, un taux moyen plus important dans les métropoles masque également ces inégalités. Cet indice ne peut se suffire à lui-même. En revanche, la diagonale du vide (voir ci-dessous) est très marquée.

L’indice GINI

L’indice de revenu GINI est un outil qui permet d’évaluer des inégalités salariales.

Selon l’Insee, « l’indice (ou coefficient) de Gini est un indicateur synthétique d’inégalités de salaires (de revenus, de niveaux de vie). Il varie entre 0 et 1. Il est égal à 0 dans une situation d’égalité parfaite où tous les salaires, les revenus, les niveaux de vie seraient égaux. À l’autre extrême, il est égal à 1 dans une situation la plus inégalitaire possible, celle où tous les salaires, les revenus, les niveaux de vie sauf un seraient nuls. Entre 0 et 1, l’inégalité est d’autant plus forte que l’indice de Gini est élevé. »
Source

Et ce que les cartes démontrent, c’est que les classes populaires sont partout à des degrés divers. On va retrouver de fortes concentrations d’employés en région parisienne mais peu d’ouvriers agricoles par exemple. A contrario, on voit un taux de chômage très important en Seine Saint Denis, le département le plus riche de France, signe de grandes inégalités, taux de chômage à peu près identique au Pas-de-Calais (où se trouve Hénin-Beaumont, fief électoral de Marin Le Pen).

Concrètement, une mère divorcée en Moselle fait autant parti des classes populaires qu’un couple avec un enfant de Villeurbanne ou un homme célibataire intérimaire qui travaille dans les vignobles bordelais.

Le déclassement

On peut définir le déclassement de plusieurs façons :

  1. Une première approche serait d’envisager le déclassement comme un recul socio-économique, donc une assimilation aux classes populaires pour les classes moyennes et un passage sous le seuil de pauvreté pour les classes populaires.
  2. Une seconde approche peut résumer le déclassement, pour les classes populaires, comme une exclusion politique systémique. Un phénomène qui consiste à l’invisibilisation de ces classes populaires du champ politique. Et soyons lucide, c’est un peu vrai. Ce qui est tout aussi vrai, c’est que les classes populaires sont également assez souvent non-blanches, y compris dans les zones rurales.
Diagonale du vide et France périphérique

Il existe deux conceptions au sujet de la répartition des populations. D’un côté, la diagonale du vide, c’est à dire une bande qui traverse le pays du nord-est au sud-ouest où la densité est plus faible. C’est un concept déjà ancien qui peut se montrer utile pour comprendre la relégation et le sentiment d’isolement de certaines régions, mais la carte ne correspond pas au vote RN.

L’autre concept est celui de France périphérique développé par Christophe Guilluy. On laisse la densité de côté et on se concentre sur des dynamiques de peuplement : des métropoles dynamiques, des périphéries avec une certaine mixité sociale (et qui intègre une forte proportion d’immigrés) et enfin une périphérie profonde.

carte France periphérique
La France périphérique

La France périphérique a été largement récupérée par l’extrême droite qui y a vu une opportunité de récupérer un vote de la France rurale. Mais comme pour la diagonale du vide, ça fonctionne à un endroit mais pas à un autre. S’il était nécessaire de revenir sur ces notions, elles ne sont pas très pertinentes pour comprendre le vote RN.

En définitive, nous avons ici un instantané des inégalités en France.

Qui vote FN/RN ?

Maintenant, que nous avons définit les termes, voyons qui vote quoi ?

Un lieu commun du vote d’extrême droite repose sur l’idée que cet électorat ne croise jamais de personnes issus de l’immigration. Donc en clair, ce vote serait la conséquence de l’ignorance. C’est une idée qui peut être séduisante (elle propose une porte de sortie, apprendre à vivre ensemble), mais elle est fausse.

Où ?

Les résultats des législatives 2022 qui ont vu le débarquement spectaculaire de 88 députés RN (ça ne s’invente pas) à l’assemblée montrent des zones assez éparses. Nous avons deux bastions qui se distinguent :

  • Le quart nord-est
  • la côte méditerranéenne

Puis d’autres régions, un peu moins touchées mais où le RN a tendance à s’implanter :

  • En Nouvelle Aquitaine (la Vienne, le Lot-Et-Garonne et une partie de la Gironde)
  • En Bourgogne Franche Comté avec une percée en région Centre.
carte vote rn
Carte vote RN au second tour en 2017 et 2022 – FranceInfo

Cette tendance est encore plus évidente si on regarde les résultats aux législatives :

carte rn législatives
Résultats du RN aux législatives – Ouest France

Maintenant que nous avons vu le où, regardons le qui. Nous avons donc des régions différentes avec des populations différentes.

Et qui dit populations différentes dit aspirations différentes. Les ressorts de ce vote sont donc très différentes entre les régions industrielles sinistrées du nord et de l’est et le sud-est très dynamique. On peut même observer des résultats important pour Marine Le Pen à la présidentielle en Guadeloupe :

Cet extrait sur la Guadeloupe montre une situation singulière : les DROM vivent des problèmes spécifiques, notamment la gestion des ressources en eau. La pandémie de COVID-19 a créé également de fortes tensions sur l’île. La somme de ces rancœurs envers Paris ont amené à un véritable vote sanction. Pour autant, cette motivation est plutôt anecdotique (voir seconde partie).

Qui ?

Le sud de la France

Cette région est un réservoir historique du vote RN. La question des pieds-noirs (les rapatriés d’Algérie, environ 1 million de personne) a souvent été abordé. Elle est loin d’être évidente, malgré un discours du parti très bienveillant envers cette communauté. Ajoutons que les électorats se renouvellent, et la première génération de rapatriés commencent à être âgée. Donc cet argument souvent avancé n’est pas réellement valable.

Nous allons trouver dans le sud de la France deux type d’électorats correspondant à des conditions de vie très différentes :

  • Les retraités
    Globalement, les retraités ont voté contre le RN partout en France. Pourtant dans les départements du sud-est où le RN remporte la mise aux présidentielles, l’âge moyen de la population est plus élevé.
  • Les travailleurs pauvres
    Sortis des zones d’attractivité comme Nice/Antibes, Montpellier ou Marseille, le sud provençal est aussi constitué de zones périphériques avec certaines des villes les plus pauvres de France, comme Béziers et Perpignan. Le taux de chômage y est particulièrement élevé.  C’est également le cas de villes comme Tarascon, Carpentras ou Alès, des villes plus à l’intérieur des terres qui ne bénéficient pas assez du Tourisme, ni des aménagements territoriaux (qui font les zones d’attractivité).
carte france chomage
Le chômage en France, une très grande inégalité dans la répartition.

Le nord-est

Ou soyons plus précis, le nord et le nord-est. C’est là que le FN (puis le RN) a percé après les années 90. Et c’est aussi là qu’on trouve des taux de chômage et un degré de fragilité extrêmement élevé, avec des inégalités très fortes. On peut trouver des similitudes avec les villes pauvres (petites et moyennes) du sud-est. Mais ici, nous sommes face à d’autres disparités. Le nord urbain (Lille et son agglomération) est plus dense que le nord-est, où les résultats sont les plus significatifs. C’est d’ailleurs le nord de la diagonale du vide.

L’ouest de la France

Malgré les efforts du RN de s’implanter, et quelques victoires significatives, l’ouest de la France résiste encore.

Les métropoles

Comme nous l’avons vu un peu plus haut avec l’indice GINI, les métropoles sont faites de grandes inégalités. Devant Béziers et Narbonne, on trouve Saint-Denis et Aubervilliers (Seine Saint Denis) au rang des communes les plus touchées par la pauvreté. Pourtant, le RN n’y fait pas recette.

En effet, la moyenne d’âge est plus faible dans les métropoles, mais surtout, on trouve une plus grande mixité sociale (malgré de vraies séparations entre les espaces, les quartiers populaires sont relégués, éloignés de tout). Les solidarités hors des cercles de socialisation primaires y sont plus développées.

carte abstentions
L’abstention est plus élevée là où les inégalités sont les plus importantes – Radio France

Ces zones sont également très sujettes à l’abstention, un phénomène qui touche également des régions où le RN fait ses meilleurs scores. Si l’extrême droite réalise de très bons résultats chez les 25-34 ans, c’est également parce que cette classe d’âge s’abstient énormément.

Qui s’abstient ?

On peut observer deux phénomènes qui ont tous les deux un impact très fort sur la montée du RN. Il serait un peu trop commode de conclure que les abstentionnistes sont coupables de la montée de l’extrême droite. Malgré tout, cette abstention, qui s’explique (voir partie 3), a un effet mécanique : l’électorat RN va voter, lui.

carte abstention france info
La carte de l’abstention aux législatives de 2022
L’abstention, principal dopant du score RN

Premier constat en voyant cette carte. L’abstention est importante dans les zones où le RN a cartonné. La Normandie et le Grand Est en premier lieu. La conclusion évidente est que l’électorat RN va voter quand l’abstention est plus forte pour les autres partis. Ça n’est vrai que dans les zones rurales, mais là où le taux d’abstention est le plus bas en France, le RN n’arrive pas à s’implanter.

Les classes populaires urbanisées, un angle mort

Dans les zones urbaines par contre, on observe un taux d’abstention record. Dans les villes, les inégalités sont assez mal représentée, comme nous l’avons expliqué plus haut. Les classes moyennes, en règle générale diplômée et avec des revenus supérieurs sont moins sensibles aux thèmes du RN et votent.

Par contre, les classes populaires urbanisées ne votent pas.. ou peu. Les zones urbaines sont plus propices à développer des solidarités directes et historiquement, on y trouve des bastions de gauche. Malgré tout, cette population se renouvelle et a une tendance à modifier ses pratiques politiques.

Ces conditions font que même avec un taux d’abstention record, bien plus élevé que dans les zones rurales où le RN cartonne, le parti ne réussit pas aussi bien en zone urbaine.

Attention tout de même à ne pas partir du principe que l’abstention bénéficierait forcément à la gauche, on pourrait également y trouver des électeurs favorables au RN.

Un modèle en danger, « le nous »

Le monde politique fait souvent parler les classes populaires. C’est assez commode, car quoi qu’on en dise, c’est une catégorie sociale sous-représentée dans cet espace et qui n’a pas accès à la parole médiatique.

On entend parler de déclassement, de précarité, de vraies angoisses parfois difficiles à définir collectivement. Et nous l’avons vu, si des outils existent pour évaluer ces notions, il faut souvent les combiner. Pour travailler sur cette partie, nous avons bien entendu utilisé nos expériences personnelles, mais également des travaux de sociologues et des reportages.Vous pouvez en retrouver une partie ici :

On peut contester la valeur ou la qualité de certains de ces documents, pourquoi pas. Mais l’ensemble de ces discours mis bout à bout constituent un ensemble cohérent.

Alors, que disent les classes populaires qui votent RN ? Nous allons passer en revue plusieurs thèmes souvent évoqués. L’ordre dans lequel ils sont énoncés est arbitraire et ne démontre pas un ordre d’importance.

La famille

La famille c’est le premier groupe social auquel on appartient. Cette notion est importante car les groupes sociaux ont une importance sur le vote. Si celui-ci se fait à bulletin secret, ce n’est souvent pas un secret pour ses proches. Et quitte à surprendre tout le monde, oui on parle politique en famille.

Comme nous le verrons, les groupes sociaux auxquels on appartient ont une grande influence sur la façon dont on perçoit le monde. On se construit autour de valeurs communes. Bien entendu, on peut rompre avec sa famille et se construire en opposition. N’oublions pas que c’est un choix couteux (pas seulement sur le plan financier), donc pas la norme.

Un autre aspect important, c’est la réputation familiale. Une grande angoisse qui revient à plusieurs reprises est d’être qualifié de « famille à problèmes », et pire, de devenir des « cassos » (cas sociaux, famille qui fait parler d’elle par ses déboires avec la justice et qui vit des aides sociales). Là encore, être perçu ainsi, c’est le risque d’être mis à l’écart des sociabilités locales (les sociabilités directes. A titre d’exemple, c’est ne pas être le bienvenu à la fête du village, c’est être l’objet de rumeur, c’est ne pas être associé aux bons plans, aux discussions. Mais c’est aussi le risque de devenir le bouc émissaire local, devenant une boucle infernale, un cercle vicieux.

La famille, c’est aussi un modèle, un ensemble de valeurs.Et ça amène un tas de contradictions : le modèle de famille nucléaire (un couple et des enfants) est vu comme un standard « sain ». On retrouve dans les témoignages à la fois des familles normées (qui correspondent à une norme), mais aussi des mères isolées. Même vote pour des aspirations différentes.

Le second cercle de socialisation

Les seconds cercles de socialisation sont ceux que l’on pense choisir : les amis, les collègues. Ils sont bien évidemment le résultats de conditions matérielles, mais aussi de pratiques. On peut chasser, jouer au foot, s’investir au comité des fêtes ou faire du tuning par exemple. Si ça vous pensez qu’on exagère, dîtes vous qu’on ne force qu’un peu le trait pour bien illustrer, mais c’est une réalité.

Quand la première petite ville est à 30 km, on se replie sur ce qui existe déjà, il n’y a plus qu’un bar et il devient difficile de rencontrer de nouvelles personnes. Corollaire, tout le monde se connaît déjà, les assignations vont très vite, la réputation ça compte.

Second effet de ce type de socialisation, il devient risqué de couper les ponts avec ces relations : le cout est réel, on parle alors de précarité relationnelle. On peut être exclu d’un groupe, c’est un phénomène qui touche plus particulièrement les femmes et les racisés. Les cas de séparation du couple peuvent entraîner l’isolement de l’un des deux.

Dans le cas de l’électorat RN, par exemple, la question des gilets jaunes a été un vrai dilemme. Après avoir soutenu la cause, la question des violences policières et du soutien ou non aux forces de l’ordre a posé problème. Les gilets jaunes les plus déterminés se sont retrouvés parfois éloignés de certains groupes d’amis. Le rond point a été une forme de compensation, permettant de créer de nouveaux liens avec des personnes ayant les mêmes préoccupations. (Cela étant, nous ne disons pas que les gilets jaunes sont un électorat RN, c’est tout simplement faux. Nous décrivons ici une dynamique)

Enfin, ces cercles conscrits à une zone géographique sont également interclassistes, et il n’est pas rare de voir des employés sont copains avec leur patron, sans pour autant s’extraire des rapports de domination. Il existe de réels liens de solidarité, souvent conditionnés à une forme de paternalisme. Tout le monde s’aide, tout le monde a un plan pour trouver un bon prix, pour réparer autre chose. Mais ces liens sont également importants pour trouver du travail.

Que l’on soit clair, ces groupes de socialisation ne sont pas propres à l’électorat RN, c’est un mode de vie standard hors des villes. Des groupes identiques peuvent véhiculer d’autres valeurs, et promouvoir un autre vote. Il faut également tenir compte de certaines dynamiques régionales (le sud-ouest par exemple est encore constitué de bastions de gauche, et même dans les zones à fort vote RN, on trouve des espaces qui ne leur sont pas acquis).

Le travail

On ne retrouve pas les mêmes emplois dans le nord et le sud de la France. Il y a une disparité du type d’emploi selon l’endroit. On va tout de même y retrouver un large pan de la population active qui occupe des emplois peu qualifiés. Comme nous l’avons vu juste avant, les liens de solidarité sont très importants pour trouver un taf.

C’est un monde de petits entrepreneurs et d’artisans, qui ont recours à une main d’œuvre très précaire et qui n’osera pas s’opposer à son patron. Là encore, le moment gilet jaune a son importance, elle a permis de mettre des mots sur un contexte social s’en sans prendre à son employeur et brûler ses navires en arrivant en Amérique. Ce moment reste une forme de valorisation pour beaucoup de travailleurs relégués.

Néanmoins, être non-employé est mal vu. Les discours sur « l’assistanat » sont complètement intégrés dans cet environnement et (sur)vivre des aides sociales est déjà une forme aiguë de relégation. C’est tout un ensemble de valeurs qui troublent la vue : le  revenu du travail donne l’impression de faire partie de la classe moyenne, se retrouver dans une situation de fragilité sociale est une tare, c’est être un cassos (ce mot est particulièrement affreux, mais parce qu’il est central dans l’imaginaire de cette catégorie, nous l’utiliserons).

Le travail est ici plus qu’une source de revenu, c’est un statut social. Ne pas en avoir est être humilié et c’est forcément la faute de l’autre, de l’étranger.

L’identité

L’identité est une question devenue fondamentale à l’extrême droite. Si les foyers urbains (les grandes villes) votent contre le RN, on trouve des endroits en France qui votent contre ce modèle. Mais on ne peut pas tout expliquer par la construction d’une identité en miroir.

En effet, la « province » ne se vit pas forcément comme un espace de relégation. Il s’agit plutôt d’une forme de repli collectif, un « nous contre les autres ». Dans ce contexte le slogan « on est chez nous » prend tout son sens. Cette forme d’atomisation a pour effet de ne voir les choses que sous le prisme de ses groupes sociaux (famille, amis, collègues).

Dans ce contexte de « nous contre le reste du monde », « regarder la réalité en face » est une formule valorisée. Le dur labeur et la masculinité sont mis en avant. Et un vrai bonhomme, ça assume d’être d’extrême droite !

La question du racisme, car nous n’en avons pas parlé encore, est à géométrie variable. Un groupe social peut largement intégrer des personnes racisées, des LGBT, à condition de se conformer à l’ensemble des valeurs et de faire partie du « nous ». Le premier racisme, c’est « tout le monde ». Mais ça n’empêche pas de tenir des discours éminemment racistes, antisémites, homophobes…

L’électorat RN reste un électorat raciste et c’est bien souvent la première raison qui motive le vote. Mais ce dernier est surtout en phase avec un ensemble de valeurs, comme nous l’avons vu.

Les paniques morales, ou l’angoisse identitaire en général (comme le wokisme par exemple) sont aussi une façon de voir ces valeurs remises en question par l’accès à la parole de racisés, LGBT, etc… Proposant un autre système de valeurs.

La maison et la voiture

Quand on vit dans une zone rurale, la voiture est vitale. Il n’y a pas d’alternatives, ne pas avoir de voitures, c’est être dépendant des autres. Il faut parfois faire plusieurs dizaines de kilomètres pour aller faire les courses. Idem pour aller bosser. Alors quand on entend des discours contre la voiture, pour les transports publics ou quand on voit des réformes imposer plus de contrôle techniques, des radars et contrôles plus fréquents, c’est vécu comme une agression.

Et même allons plus loin, une agression par les bobos, un groupe informel qui incarne la déconnexion avec le réel, la vie en ville et les lubies venues de l’étranger. Alors quand le prix du carburant explose, c’est une tension qui devient pour beaucoup insupportable.

Quant à la maison, ce n’est pas le bâtiment qui est un enjeu. Construire une maison est plus simple quand on a des copains qui savent faire, qui peuvent prêter une machine ou venir creuser une tranchée.

Le vrai enjeu du logement, c’est le foncier. Et là, il faut être en bons termes avec sa mairie ; obtenir un terrain constructible peut devenir l’objet d’une concurrence féroce. C’est aussi un espace où s’exprime la xénophobie, la mairie est le lieu où sont examinés les permis de construire et donc une sélection des projets. C’est également le cas pour les successions.

En zone rural on peut plus facilement devenir propriétaire, mais on peut être un propriétaire pauvre, on peut également rentrer facilement en conflit avec l’institution pour des petits bouts de terrain.

Le changement économique

L’économie de marché s’est imposé à marche forcée. L’Europe (ou la mondialisation) ont eu des impacts très profonds sur les bassins industriels mais également l’agriculture. Les effets sont notables à plusieurs niveaux.

Une exploitante agricole raconte qu’elle voit les prix de la viande monter en grande surface, mais le prix auquel elle la vend reste stable. Dans le même temps, les normes sont fixées plus loin, en Europe. L’environnement est devenu une contrainte.

Ce sentiment d’injustice revient aussi chez les salariés. Nous avons assisté à un retournement des hiérarchies culturelles, où le diplôme ne garantit plus l’emploi. Beaucoup de travailleurs non ou peu qualifiés y ont vu une revalorisation, certains tirent leur épingle du jeu, mais pour la plupart, ils restent fragiles. L’inflation brutale de ces dernières années l’a mis en lumière.

Le sentiment de précarité n’est pas vécu de la même façon par tout le monde, isolé dans des socialisations locales, les points de référence peuvent manquer, et certains ne se vivent pas précaires alors qu’ils le sont. D’autres se situant dans les déciles « aisés », comme ce couple qui gagne 5000€ mensuel à deux, se voit comme fragile et appauvri.

Ce qui se joue ici est également une mise à distance, ou tout du moins, c’est vécu comme tel : les politiques sont décidées loin, dans les métropoles mondialisées, les effets concrets s’observent : fermetures des services publics, de services dans les hôpitaux, d’écoles. Des villages ont été sinistrés, les commerces ne sont pas repris après les départs en retraite. La mairie devient un palliatif, reprenant parfois à sa charge la poste ou l’épicerie ; elle devient aussi l’incarnation du ressentiment.

Les villes changent également. C’est une forme d’uniformisation qui est à l’œuvre, les villes moyennes suivent un modèle bien connu : les centres villes meurent quand les commerces fuient dans des zones commerciales en périphérie. Des quartiers se structurent autour de la ville, avec moins de mixité sociale.

L’analyse de classe délaissée à gauche mais omniprésente dans l’imaginaire de l’électorat

L’année 1995 est un tournant au FN. Deux élections se succèdent : les présidentielles où Jean-Marie Le Pen arrive 4ème avec 15% des voix mais qui vont montrer une montée de l’électorat ouvrier. C’est de là que vient l’affirmation que les classes populaires votent FN/RN. Puis les municipales où le FN va remporter des villes moyennes et les tenir.

Les municipales de 1995 constituent la ligne de fracture pour nombre de cadres et d’idéologues du FN. Jean-Marie Le Pen craint la montée en puissance de ces notables locaux aux dépens de sa propre personne. Jean-Yves Le Gallou dit découvrir à ce moment la stratégie politique du président du FN : « Jean-Marie Le Pen n’a pas tellement la fibre locale. […] Je me souviens très bien qu’à l’époque, je vais voir Jean-Marie Le Pen et nous en parlons. Je lui dis : “Nous allons pouvoir prendre, nous allons pouvoir gagner des mairies.’’ Je lui en cite quelques-unes et Jean-Marie Le Pen, au lieu d’être très heureux, lève les bras au ciel et me dit : “Dieu nous en préserve !’’ Je dois dire que ça m’a beaucoup troublé. C’est vrai que les mairies pouvaient être un ennui, mais ça pouvait aussi être une source d’influence, une source de pouvoir et, pour ma part, je me suis beaucoup réjoui quand la ville de Toulon, la ville de Marignane, la ville d’Orange sont tombées dans l’escarcelle du Front national en 1995. »
Dans le rétro du FN: 1995, la percée dans l’électorat populaire, Valérie Igounet – Médiapart 2017

A partir de ce moment là, le parti va commencer à essayer de s’émanciper de la tyrannie du vieux, mais également à développer un discours plus « social » et habilement tourné.

Le rapport à la politique

Le RN, c’est un meuble de la politique française, une force qui est là depuis plusieurs décennies et dont les principaux cadres expérimentés connaissent les ficelles aussi bien que dans les autres partis.

Ce discours illustre le populisme patrimonial. Il s’adresse aussi bien aux classes populaires qu’aux classes moyennes, aux salariés qu’au petit patronat du commerce de l’industrie et de l’artisanat, aux salariés du secteur privé et à ceux du secteur public. C’est un discours à la fois social et national, parlant aux électeurs de gauche et de droite, se faisant l’écho de toutes les colères et le représentant de toutes les protestations.
Le tournant ethno-socialiste du Front national, Dominique Reynié

Mais ils vont construire un discours autour de quelques idées-force, à commencer par se revendiquer être le parti de l’anti-système, contre la politique corrompue, dominante, parisienne, une élite donneuse de leçon multi-condamnée. Peu importe que le RN soit exactement ça également, c’est une posture et il suffit de le soutenir mordicus.

Ni droite, ni gauche, Français, le livre de Samuel Maréchal, père de Marion et directeur de la campagne du FN en 95.

Conscience de classe vs conscience de soi

Celle qui est absente depuis le début de cet article, c’est la lutte des classes. Et pour cause, la conception des rapports antagonistes entre classe et de la possession des moyens de production ne rentre pas dans le logiciel du RN. Vous nous direz « tu parles d’un scoop ». Mais ne faisons pas l’économie de la formulation.

La stratégie du RN repose sur une dépolitisation des classes populaires. À chaque conflit social, la seule option proposée est la sanction par le vote. Et donc de rythmer l’existence du parti à la prochaine échéance électorale. En attendant, les cadres des partis utilisent leur exposition pour commenter la vie politique et les faits divers et appeler en permanence à une dissolution ou à sanctionner le pouvoir.

Nous sommes donc dans une logique « contre », contre Macron et son monde par exemple. Cette approche a une force, celle de fédérer un électorat très divers, comme nous l’avons vu, sans pour autant proposer un projet de société très précis. Et paradoxe ultime, ce programme va contre les intérêts des classes populaires. Ce qui s’opère ici est le remplacement de l’intérêt objectif par un intérêt subjectif.

Depuis des décennies, le facho est devenu une figure de la sphère politique. L’oncle bourré qui remet ça sur les arabes ou les trafiquants de drogue, c’est le facho. Mais l’électorat FN/RN a fini par intégrer ce stéréotype et renverser les stigmates. Cette appropriation relève de la conscience de soi.

Ce qui se développe est une logique à bas bruit, le « nous » : la bande de potes, la famille, les collègues. Dans un contexte de grande brutalité des rapports sociaux, ce nous très plastique peut devenir un « nous d’abord », puis « les français d’abord ». Et ça a été compris par les cadres en FN/RN dès les années 90.

Opposé à ce « nous », il y a automatiquement un « eux » par défaut, dont les contours sont floues. Cet étranger symbolique est une vue de l’esprit, largement soutenue par la vision caricaturale véhiculée par les médias. Les faits divers, le trafic de drogue, les attentats nourrissent un imaginaire du grand méchant monde.

Dans ce contexte, le « nous » lutte pour lui-même et choisit l’offre politique la plus apte à le conforter dans sa vision du monde. Une vision nourrie par des peurs : être vu comme un « cassos », une famille à problème ou « biberonné aux aides sociales » est une peur profonde, dissimulée derrière un discours sur la valeur du travail.

De la même manière, l’électorat RN n’est pas forcément très religieux. Mais face à l’évocation de l’islam, toujours sous l’angle d’une menace imminente, il revendique ses origines chrétiennes. Nous voyons ici ce « nous » qui repose sur des valeurs identitaires, structuré par les peurs du déclassement, de l’étranger et de la violence.

La vision du monde « Nous contre les autres »

Marine Le Pen serait la seule à dresser un tableau « réaliste » de la société, qui « ne se berce pas d’illusions ». Une vision du monde où la violence qui alimente les peurs de l’électorat sont considérées comme « naturelles ». Ce discours est également imprégné de lieux communs sur la méritocratie, justifiant les échecs, non par les conditions imposées par le cadre capitaliste, mais comme des échecs dont les raisons incombent à la personne.

Sauf… quand ça touche des proches. Dans ce cas, une lecture complotiste s’impose, elle invoque tous les bouc-émissaires possibles, en particulier l’immigration.

Ce discours est une illusion de la lucidité.

Et cette lecture qui désigne « les autres » est fondamentalement raciste et xénophobe. Elle ne repose plus sur le racialisme pseudo-scientifique, mais sur une définition de l’étranger assez souple, cristallisée par la sédimentation politique dans le cadre des sociabilités concrètes qui supplante toute sociabilité militante. Amis, collègues, parents ou les copains du bar, c’est là que se forment les discours politiques.

Ce discours raciste n’est donc pas racial, mais socio-économique. L’étranger est l’ennemi, qu’il vienne de Paris ou de l’étranger, c’est un « autre » qui un impact sur notre vie. Une lecture qui génère des paradoxes : l’immigré vole le pain des français (le travail) tout en étant au chômage (pillant les aides sociales), nous avons souvent abordé ces contradictions.

Encore plus paradoxal : le RN fait de l’unité sur la mise en concurrence des groupes sociaux qui vote pour lui. Et on retrouve également dans les classes populaires, des électeurs racisés qui se font la voix du RN pour dénoncer plus précaires qu’eux, plus « cassos », ces « banlieues agitées qui vivent des trafics »…

Le vote RN est donc un vote d’adhésion, pas tant au parti qu’à cette conception du monde, le « nous contre le reste du monde ».

Et la gauche ?

Face à cette montée de l’extrême droite depuis plusieurs décennies, la gauche bien du mal à proposer quelque chose. Et la première explication, c’est d’abord le tournant des années 80 du PS, l’ère rocardienne, la conversion à l’économie de marché. Ce tournant a amorcé la disparition progressive du progrès social concret : la gauche a continué à proposer des mesures sociales, mais l’horizon a disparu, les lendemains ne chantent plus.

La seconde, c’est le front républicain. La gauche commençant à céder du terrain a du concéder du terrain et faire des alliances avec la droite contre l’extrême droite. Parfois au bénéfice de la droite, mais parfois pour faire élire un maire ou un député de gauche. L’extrême droite devient le meilleur ennemi. Ce barrage est très souvent sincère et justifié politiquement, mais il arrive un moment où la gauche se retrouve en perte de vitesse, dans les années 2000. Le verdict tombe un soir d’avril 2002, elle n’est même pas au second tour des élections présidentielles.

Alors, la gauche recule (ici par exemple, avec le PS)

L’électorat populaire de droite

Alors est-ce que cet électorat déçu de la gauche a glissé à droite ? Et bien non. On voit plutôt un phénomène double, l’abstention augmente à gauche, et l’électorat de droite regarde de plus en plus vers le RN.

Et l’un des problèmes de la gauche, c’est de sous-estimer l’électorat populaire de droite, de le penser naturellement acquis à la gauche. Pourtant, cette gauche ne proposant pas grand chose ne fait pas le poids face à des promesses de dynamisation régionale, de discours autour de la valeur travail et de désignation de bouc émissaire.

Et là encore, on va retrouver un discours antisystème focalisé sur les normes, sur une dilution des responsabilités des métropoles mondialisées, qui sont à une heure de TGV, mais loin de la réalité du quotidien. Ce n’est pas une extrêmisation de la société, c’est une polarisation.

La gauche se fait fort (à notre image) de souligner l’histoire, l’idéologie de l’extrême droite. Mais les militants ne s’en soucient pas, ce socle théorique ne compte pas vraiment, le temps présent l’emporte. Cette catégorie sociale rejette la politique en faisant du politique, le RN n’ayant jamais été aux affaires, ils seraient alors exonéré de la responsabilité du fiasco permanent.

L’imaginaire de la gauche

La gauche paie donc le prix de ses échecs politiques, n’ayant pas réussi de coup depuis les 35heures. Elle fait également face au temps qui passe, son histoire commence à s’éloigner, les banlieues rouges sont de moins en moins rouges, l’électorat est renouvelé. L’imaginaire des lendemains qui chantent, des jours heureux et du temps des cerises (pas les jeans) ne fait plus mouche auprès de travailleurs atomisés et précarisés.

D’autant que la gauche entretient le récit que l’électorat frontiste est manipulé, qu’il cède à des sirènes et qu’elle seule peut ramener ses ouailles dans le droit chemin. Cette approche quasi mystique de « sauveur » (au ton parfois misérabiliste) fait abstraction d’un fait essentiel : l’électorat du RN ne vient quasiment pas de la gauche et son vote est un vote d’adhésion aux thèses racistes. Cette adhésion est fondamentalement incompatible avec les valeurs de la gauche qui se risque pourtant à parler immigration et insécurité ; rien de mieux pour se prendre les pieds dans le tapis.

Enfin, nous commettons souvent l’erreur de penser que notre imaginaire est facile à intégrer. « Rêver c’est politiquement situé », c’est déjà un signe d’appartenance politique, qui trahit une culture, des pratiques. Rêver ne fait pas partie du vocabulaire des sympathisants RN, il n’y a pas de volonté de construire une société, il y a une proposition : un fétichisme du réel, un discours construit autour de la famille, du travail/de la terre et de l’identité.

Que peut-on tirer de ça ?

Pour conclure cet article, nous pouvons commencer par revenir sur l’affirmation initiale : est-ce que les classes populaires votent RN ? Dans l’absolu, ce n’est ni vrai, ni faux, il est nécessaire de nuancer : le moteur du vote ne se fait pas sur cette base de classe sociale, mais est motivé par une vision du monde commune, individualiste et teinté de complotisme (en désignant systématiquement des bouc-émissaires, c’est l’ADN des extrêmes droites), et une adhésion à un discours et un logiciel raciste et autoritariste.

Nous pouvons également jeter un œil du côté des électorats des populistes à l’étranger, nous retrouverons cette mentalité « nous contre le reste du monde » également très présente chez les MAGA (les supporters de Trump) ou partout en Europe.

Est-ce qu’il y a une voix pour s’en sortir ?

Oui, il est nécessaire de terminer sur une touche d’optimisme. Nous devons reconstruire ce maillage militant, ces solidarités et ces sociabilités, c’est l’une des clés pour bloquer l’extrême droite. Mais il est également nécessaire de proposer un projet de société qui intègre la question sociale (sans renier les thématiques intégrées ces dernières années dans les luttes antiracistes et pour les droits LGBT, etc…). Il faut des horizons, il faut proposer de cultiver ces imaginaires, et ne surtout pas aller se battre avec le RN sur les terrains de l’immigration et de l’insécurité, terrains qui sont les siens.

Parce que l’enjeu de la gauche n’est pas non plus d’exister en dehors du monde politique, de LA politique ; la gauche doit aller chercher ses abstentionnistes, pas ceux qui votent déjà à l’extrême droite.

 

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