Comment Robert Faurisson a-t-il réagi face au Shoah de Claude Lanzmann ?
Cette dernière semaine de janvier 2024 a été curieuse à bien des égards. La diffusion de Shoah de Claude Lanzmann à la télévision s’est accompagnée de l’extradition vers la France d’un militant négationniste en cavale depuis 9 ans en Angleterre, Vincent Reynouard. Si ces deux évènements n’ont aucun lien entre eux, ils font écho à une histoire complexe, tant celle de la déportation (des Juifs, dans le cas présent, mais également de tous les autres) que celle du négationnisme. Et alors même que Robert Badinter nous quittait, il nous semblait intéressant de revenir sur cette question.
C’est justement au négationnisme que nous allons nous intéresser, et en particulier à la réponse de Robert Faurisson à Claude Lanzmann.
Les enjeux sont nombreux pour les négationnistes ; nous nous poserons la question du pourquoi. Mais avant de rentrer dans les détails, il nous semble important de partager avec vous cette réflexion. La mémoire est une chose vivante, elle s’entretient et la question se pose d’autant plus que les survivants nous quittent petit à petit.
Nous nous retrouvons donc chargés d’une responsabilité collective, celle de faire vivre la mémoire des victimes des génocides et de la volonté de détruire l’humanité. Le film Shoah est un matériau unique et particulier qui montre l’importance du témoignage, mais également, et peut être plus encore, une réflexion sur ce qu’est le souvenir.
Préalable :
La solution finale est documentée et fait l’objet d’un consensus des historiens. Son existence ne fait pas débat.
Nous considérons que la notion de génocide n’est pas restrictive à la Shoah. En revanche, la machine de guerre nazie présente des singularités dans sa méthode, sa planification et les moyens utilisés pour déshumaniser jusqu’à exterminer en mobilisant tout un pan de la société.
Nous utiliserons le terme Shoah parce que c’est celui choisi par Lanzmann, pour son sens hébraïque et parce qu’il est communément utilisé en français. D’autres termes sont utilisés dans d’autres langues.
Les années 80, la décennie noire
Le négationnisme ne naît pas à ce moment-là. À peine la guerre terminée que déjà l’idée circulait. Nous pouvons citer quelques noms parmi lesquels celui de Paul Rassinier, ancien déporté qui écrira un livre pour détailler la vie dans les camps. Il insistera sur le fait que lui n’a rien vu, ce qui deviendra un argument des négationnistes. Or, ce n’est pas parce qu’il n’a rien vu que ça n’est pas arrivé.
D’un autre côté, il y a les réseaux du fascisme très affaibli. En France, c’est Maurice Bardèche, le beau-frère de Robert Brasillach, qui s’empare de la question, alors même qu’il tente de restructurer le fascisme européen avec quelques cadres de la machine nazie.
Courte introduction au négationnisme
Commençons tout d’abord par une définition du négationnisme. Nous prendrons l’excellente proposition du collectif PHDN :
Le négationnisme est le discours qui consiste à contester ou nier la réalité du génocide des Juifs perpétré par les Nazis et leurs complices pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette négation passe par la négation ou la contestation de la réalité, de l’ampleur, des modalités du génocide, ainsi que de la volonté des Nazis de le commettre. Il s’agit d’un discours antisémite virulent, bien qu’implicite, dont l’objectif est de réhabiliter l’antisémitisme explicite, les régimes politiques qui ont commis le génocide, ainsi que les conditions, notamment politiques, de réalisation du type même d’événement qu’il nie.
Le négationnisme : définition(s) – PHDN
Nous ajoutons celle du mémorial de la Shoah :
Au sens strict, la négation de l’existence de la Shoah ; au sens large, la négation d’autres génocides et d’autres crimes contre l’humanité.Vis-à-vis de la Shoah, les négationnistes prétendent que les Juifs l’aurait inventée dans le but de culpabiliser les Occidentaux afin de permettre la création de l’État d’Israël et d’étendre leur influence sur le monde.
Le sens des mots – Mémorial de la Shoah
Nous avons donc deux sens : l’un, strict et lié à la négation de la Shoah ainsi qu’à la naissance du terme dans un combat contre ceux qui se définissent comme « révisionnistes » ; un deuxième, plus large, qui relève des mêmes mécanismes mais appliqués à tous les génocides reconnus. La définition du génocide a été fixée en 1946 par l’ONU.
Chronologie
Posons ici dans les grandes lignes, les quelques repères historiques :
- 18 mars 1978 – Mort de François Duprat.
- 28 octobre 1978 – Interview de Louis Darquier de Pellepoix dans L’Express.
- 29 décembre 1978 – Publication dans Le Monde de la tribune « Le problème des chambres à gaz ou la rumeur d’Auschwitz » de Robert Faurisson
- 1980 – Publication de Mémoire en défense contre ceux qui m’accusent de falsifier l’histoire de Robert Faurisson, édité par La Vieille Taupe. Le livre est préfacé par Noam Chomsky (un texte de soutien à la liberté d’expression rédigé par Chomsky pour une tribune se retrouve sans son consentement en tant que préface).
- 7 décembre 1980 – Ivan Levaï invite Robert Faurisson sur Europe 1, l’interview tourne mal pour le présentateur.
- 15 juin 1985 – Henri Roques, 66 ans, soutient une thèse négationniste devant un jury d’université. Il l’obtient avec mention, c’est un scandale. Le ministre Alain Devaquet l’annule six mois plus tard.
- 25 mai 1987 – Les Annales d’histoire révisionnistes édités par la vieille taupe sont interdits.
- 4 juillet 1987 – Condamnation de Klaus Barbie à la réclusion à perpétuité.
- 13 septembre 1987 – Sur RTL, Jean-Marie Le Pen qualifie les chambres à gaz de « point de détail ». L’expression fait grand bruit, pourtant la phrase la plus grave n’est pas celle ci, mais plutôt cette autre : « Ce n’est pas une vérité révélée à laquelle tout le monde doit croire ».
- 1987 – Publication de Le Syndrome de Vichy : De 1944 à nos jours de Henri Rousso, où l’historien propose de remplacer le terme « révisionnisme » par celui de « négationnisme ».
- 1987 toujours – Alain Guionnet crée la revue Révision.
- 28 janvier 1988 – Jean-Marie Le Pen est condamné en appel pour l’affaire dite du « point de détail ».
- 1988 – Publication du rapport Leuchter sur la base du témoignage de Fred Leuchter en faveur du négationniste Ernst Zündel lors de son procès à Toronto.
- Décembre 1989 – Affaire des charniers de Timisoara
Alors que le régime de Ceaușescu commence à s’effondrer, un charnier est découvert dans la ville de Timisoara. L’histoire n’est pas vraiment claire, mais il ne s’agit pas d’un massacre contrairement à ce que la presse raconte. Cette affaire servira aux milieux négationnistes pour chercher à démontrer que la presse se ferait toujours avoir quand il s’agit de massacres. - 6 février 1990 – Olivier Mathieu, journaliste-écrivain proche de Rivarol et du GRECE et grand admirateur de Léon Degrelle, crie « Faurisson a raison » pendant l’émission Ciel mon mardi présentée par Christophe Dechavanne. La séquence s’achève en bagarre générale avec le public.
- 14 mars 1990 – Alain Guionnet est condamné en appel pour avoir apposé des autocollants aux slogans négationnistes dans Issy-les-Moulineaux.
- 9 mai 1990 – Profanation du cimetière de Carpentras
- 13 juillet 1990 – La loi Gayssot est promulguée.
Durant cette décennie, Robert Faurisson est le personnage central de ce petit groupe d’agitateurs. À partir des années 90, il est petit à petit poussé vers la sortie, les plus jeunes ne se revendiquant pas de lui et la vieille taupe se détournant de lui, prenant en marche le train Garaudy avec une nouvelle expression du récit négationniste : la Shoah serait une machination destinée à légitimer l’expansion coloniale européenne en Israël.
Toute cette histoire est détaillée dans l’excellent documentaire « Les faussaires de l’histoire ».
La difficile représentation de la Shoah
Shoah c’est quoi ?
De quoi parle Shoah ? Pour commencer, le film de Claude Lanzmann est une œuvre singulière. D’abord par son format : plus de 9h, ce n’est pas rien, c’est une expérience physique qui implique une forme de préparation (ne serait-ce que pour trouver le ou les bon-s moment-s). On range les popcorns, on regarde et on écoute.
L’autre singularité du film se trouve dans sa réalisation, dans ses choix et ses réflexions sur la mise en scène. Lanzmann aurait pu faire se succéder des images d’archives, des reconstitutions. Au lieu de ça, il fait le choix conscient et réfléchi de montrer le présent de 1985.
Ce choix change profondément le film, il en change la nature. Shoah est bien entendu un film sur la solution finale, mais son immense valeur ne repose pas sur les seuls témoignages et la reconstitution factuelle de l’entreprise de mort. Shoah est un film sur la culpabilité et les stratégies que chacun développe pour y faire face. La culpabilité des survivants en premier, les rares déportés des Sonderkommandos qui ont réussi à survivre aux camps, parfois sur un coup de chance morbide, et qui cherchent à vivre après la guerre.
Et il y a les autres, ceux qui ont tout vu mais rien fait, et les nazis eux-mêmes, qui ne se sont pas tous mis à relativiser leur propre rôle dans la machine d’extermination. Là aussi, il y a de la culpabilité et chaque témoin s’arrange avec sa conscience.
Car oui, Shoah n’est qu’une succession de témoignages. Le résultat est un film fort et intime, mais quel est son apport exact ? Un seul historien est interviewé, Raul Hillberg. C’est lui qui prononce cette phrase : » tout au long de mon travail je n’ai jamais commencé par les grandes questions car je craignais de maigres réponses « , laquelle peut résumer à elle-seule la démarche du documentaliste. Tout le processus de déshumanisation est longuement détaillé.
Valeur du témoignage
Quelle valeur donner au témoignage ? Prenons ces éléments de définition donné par le site vie-publique :
» Le témoignage est considéré comme une preuve fragile et imparfaite. Sa force probante est expressément subordonnée à celle des preuves écrites. […]
En matière pénale, la preuve est libre. Le témoignage joue un rôle beaucoup plus fondamental. Il constitue parfois le seul élément permettant d’établir qu’un individu a commis une infraction. «
Le travail d’historien est une démarche froide et analytique qui implique de tenir compte des témoignages et de les ajouter à d’autres éléments primordiaux, les archives, les preuves matérielles. Le film de Lanzmann ne se concentre que sur les témoignages. Le témoignage est un objet plus délicat à appréhender pour l’historien car certains témoignages pourraient être altérés. Néanmoins, il ne faut pas oublier le contexte qui a précédé Shoah ; les travaux d’historiens existent, la période est connue et les archives colossales. Shoah s’adosse à ce travail gigantesque et vient ajouter une pierre d’une immense importance. C’est la somme de ces témoignages qui forme un ensemble solide.
En effet, l’époque est encore au tabou. L’après-guerre est une période de reconstruction et la vérité de la déportation n’est pas une priorité. La guerre est gagnée, n’en parlons plus.
Si, en 2024, on voit la déportation traitée dans nombre de films, ce n’était pas encore le cas en 1985. Mais on se confronte à ce moment-là à la difficile question de la représentation. Faut-il montrer l’immontrable ? La question est ouverte depuis le film Kapo de Gillo Pontecorvo (1960). Jacques Rivette écrira un texte, De l’abnégation, pour étriller les choix esthétiques du film, en particulier ce travelling sur Emmanuelle Riva, geste pour le moins esthétisant et maladroit. Mais la question de fond est désormais ouverte. Holocauste, un téléfilm au casting blindé de célébrités, sort en 1978 et rencontre un grand succès auprès du public. Paradoxe, la mise en scène des camps de la mort fait parler des camps de la mort.
Nuit et brouillard sort en 1955. Il n’est qu’images d’archives, sobrement mises en scène. Là encore un choix réfléchi pour montrer la déportation. Shoah sera le contrepied absolu de Nuit et brouillard. Le film d’Alain Resnais est une œuvre précieuse ; court et dense, le film est montré dans les classes de lycée. Mais son impact indéniable se fait au détriment des voix de ceux qui l’ont vécu. La voix de Michel Bouquet le précise d’ailleurs : » [des camps] aucune description, aucune image ne peut leur rendre leur vraie dimension « .
https://www.youtube.com/watch?v=78R8giAcba4
Il manque aussi une chose importante à Nuit et brouillard, ce sont les silences. Coupables, gênés, lourds, les silences sont une part importante de Shoah, qui tend à ramener la monstrueuse machine de mort à l’échelle de la réalisation humaine. Pourtant, malgré sa musique et sa voix off, Nuit et brouillard est un film bien plus austère.
Est-ce que pour autant ces images ont perdu de leur force ?
La question est difficile. Une des grandes forces de Shoah est sa force évocatrice, ainsi que l’écrit le critique de cinéma Samuel Blumenfeld. Le procédé fonctionne bien mieux en 2024 avec le film de Claude Lanzmann que pour Nuit et Brouillard car, justement, les générations qui ont suivi ont été nourries de représentations des camps. L’article de Blumenfled raconte la critique de Lanzmann quand Steven Spielberg sort La liste de Schindler. On retrouve un peu de Jacques Rivette dans son propos, mais impossible de contrecarrer la marche du temps, Hollywood s’est déjà approprié la déportation depuis 1978, ce sera de plus en plus régulier.
Shoah et Faurisson, une grammaire qui perdure
Évidemment, Robert Faurisson aime trop les polémiques et la sortie de Shoah ne pouvait pas le laisser insensible. Plus que son existence, c’est probablement son succès qui l’agace le plus. Pour commencer, donnons la parole à Pierre Vidal-Naquet dont l’essai Les assassins de la mémoire sort en 1987, la même année que la réponse de Faurisson :
» L’écriture n’est pas le seul mode de d’histoire. Pourquoi Shoah est-il une grande œuvre d’histoire, et non, par exemple, un recueil de contes ? Il ne s’agit ni d’une reconstitution romanesque comme Holocauste[le téléfilm], ni d’un film documentaire – un seul document de l’époque y est lu, concernant les camions de Chelmno -, mais d’un film où des hommes d’aujourd’hui parlent de ce qui fut hier. Survivants Juifs s’exprimant dans un espace qui fut jadis celui de la mort, tandis que roulent des trains qui ne conduisent plus aux chambres à gaz, anciens nazis délimitant ce que furent leurs exploits, les témoins reconstruisent un passé qui ne fut que trop réel; les témoignages se recoupent et se confirment les uns les autres, dans la nudité de la parole et de la voix. Que l’historien soit aussi un artiste, nous en avons là la preuve absolue.
Dans ce champ éclaté du discours historique, comment se situe l’entreprise « révisionniste » ? Sa perfidie est précisément d’apparaître pour ce qu’elle n’est pas, un effort pour écrire et penser l’histoire. Il ne s’agit pas de construire un récit vrai. Il ne s’agit pas non plus de réviser les acquis prétendus de la science historique. Rien de plus naturel que la « révision » de l’histoire, rien de plus banal. Le temps lui-même modifie le regard non seulement de l’historien mais du simple laïc. La Bataille du rail est un film qui se présentait en 1946 comme un discours vrai sur la résistance des cheminots. Qui la revoit en 1987 y voit la description d’un monde idéal où tous, de l’ingénieur au lampiste, sont unis pour duper l’ennemi. L’histoire de la déportation a comporté elle aussi ses scories. La mythomanie a joué son rôle ainsi que la propagande, parfois aussi une certaine concurrence entre non-Juifs et Juifs, jadis analysée par O. Wormser-Migot, les premiers revendiquant l’égalité dans la souffrance avec les seconds. »
http://www.anti-rev.org/textes/VidalNaquet87c/
Cet extrait nous permet d’introduire la suite, la réponse de Faurisson à Lanzmann.
Les raisons du négationnisme
La première question qui nous vient au sujet du négationnisme est » pourquoi ? « . L’optimiste humaniste serait tenté de chercher une explication relevant de l’impossibilité d’envisager l’horreur comme le symptôme d’un trauma collectif. C’est trop méthodique, trop cruel, trop extrême. En un mot, trop tout.
Il n’en est rien. Le négationnisme est une démarche cynique, une stratégie consciente de ses propres mensonges visant à réhabiliter les bourreaux nazis, en même temps qu’un défi tactique, celui de perpétuer un antisémitisme sous une nouvelle forme, cynique et spectaculaire. P-A Taguieff propose cette formulation :
» En guise de considération préliminaire, je poserai, par construction, le problème tactico-stratégique auquel répond l’existence de la nouvelle mythologie antijuive internationale, fonctionnelle depuis la fin des années 60 : comment attaquer les Juifs sans paraître se classer parmi les « antisémites » ? Comment dénoncer et accuser les Juifs sans rencontrer la barrière incarnée par le rejet consensuel du « racisme et de l’antisémitisme » ? »
Pierre-André Taguieff, » La Nouvelle Judéophobie – antisionisme, antiracisme, anti-impérialisme «
Les Temps Modernes, vol. 48, n. 520, novembre 1989
Ajoutons, en ce qui concerne Faurisson son goût pour la provocation et un désir profond de cette funeste célébrité. Refermons ici la question du pourquoi.
Le texte
Revenons à Shoah, le film. Deux après sa sortie, Faurisson publie un article qu’il intitule sobrement » Shoah, film de Claude Lanzmann : Vers un krach du shoah-business… « L’article sera imprimé sur un tract distribué devant les salles où est projeté le film par Pierre Guillaume, qui le renomme » Ouvrez les yeux, cassez vos télés « . Si la curiosité morbide vous pousse à lire sa prose, il est trouvable sur internet.
Cet article est intéressant à plusieurs égards. D’abord, parce que Faurisson y déploie les différentes méthodes dont il se fait le représentant. En ce sens, ce texte est un » bon » exemple de la production négationniste. Mais un autre aspect retient notre attention, c’est son évident agacement qui le pousse au sarcasme. Il est très probable que la sortie et le succès critique de Shoah fut une sorte de défaite pour lui.
Son texte démarre donc sur une critique de la forme, c’est pour lui un » un gigantesque navet « .
» Lanzmann veut nous faire croire que les chambres à gaz homicides et l’extermination des juifs ont réellement existé. Or, ce que son film montre surtout, c’est qu’il n’y a ni preuves, ni témoins et que, comme le démontrent les révisionnistes, ces chambres et cette extermination sont un seul et même mythe. D’ailleurs, s’il s’agissait d’une vérité, on s’empresserait de nous le prouver par une émission spéciale sur toutes les chaînes de télévision un beau soir à 20 h 30, avec des documents et non avec Shoah. »
Robert Faurisson
Reprenons les grandes lignes de son argumentaire. Il est important de préciser que nous ne nous attachons pas ici à debunker le négationnisme ; ce travail a déjà été fait. C’est la dialectique qui nous intéresse ici, cette grammaire, cette façon d’articuler des arguments.
Le bon Juif
Commençons par nous débarrasser de cet argument qui sert à introduire son texte.
» Marek Edelman, l’un des anciens dirigeants du soulèvement, en 1943, du ghetto de Varsovie, a qualifié ce film d’« ennuyeux », de « peu intéressant » et de « manqué ». «
C’est un argument qui revient constamment : » si un Juif l’a dit, alors mon propos n’est pas antisémite « . Faurisson se trouve ici une caution, d’autant plus qu’Edelman est un survivant du ghetto de Varsovie.
Pire, ça induit l’idée que si un Juif se montre critique envers quelque chose, tous les Juifs pensent pareillement. C’est un argument essentialiste, dans la mesure où il considère que les Juifs sont un ensemble homogène, qui trahit son imaginaire antisémite. L’argument est utilisé ici de façon très cynique pour isoler Lanzmann. On pourrait le tourner ainsi : » Claude Lanzmann ne parle qu’en son propre nom, même les survivants de cette guerre ne sont pas avec lui « .
Le relativisme
Nous sommes encore dans la première partie du texte. Faurisson pose le cadre de la démonstration à venir, il l’a dit à plusieurs reprises. Selon lui, la Seconde Guerre mondiale est une guerre entre l’Allemagne et les Juifs.
» La vérité est que Hitler a traité les juifs en ennemis déclarés, a voulu les chasser d’Europe, en a mis un grand nombre en camps de travail ou de concentration. Certains de ces camps avaient des fours crématoires pour l’incinération des cadavres. Aucun n’avait de chambre à gaz homicide. L’existence de ces prétendus abattoirs à gaz se heurte à des impossibilités d’ordre physique, chimique, topographique, architectural, documentaire. Le sort des juifs a été banalement atroce. Qu’on songe aux enfants allemands tués ou mutilés au phosphore ou encore, de 1945 à 1947, massacrés lors de leur « transfert » de l’Est vers l’Ouest ! «
Le présenter comme ça change beaucoup de choses ; les Juifs déportés auraient été des prisonniers de guerre et ceux qui sont morts seraient morts au combat. En invoquant la caution d’un survivant du ghetto, Faurisson induit le souvenir de son insurrection, un cas presque unique en Europe dont l’issue reste tragique.
En dessinant un autre cadre que celui de la » Solution finale « , il tente d’effacer le long et méthodique travail des nazis pour concevoir une industrie de l’extermination. Là encore, tout est documenté ; l’administration nazie a soigneusement archivé chaque facture, chaque nom, chaque trajet. C’est même un des éléments essentiels de cette singulière machine génocidaire : cette conception » totale « reposant sur une logistique phénoménale, constamment optimisée pour un rendement toujours plus important.
La stratégie argumentaire relativiste amène à faire abstraction de ce cadre historique attesté par le consensus entre historiens. Un autre exemple du relativisme est le rabattement du consensus au rang de théorie parmi d’autres méritant par conséquent d’être débattue.
La critique du témoignage
Nous l’avons déjà évoqué plus haut, Shoah repose sur des témoignages, ce qui en fait un document précieux (car cette parole, surtout en 1985 est – encore – rare), mais insuffisant. Accordons-nous sur ce que nous appelons » insuffisant » : les souvenirs peuvent se retrouver altérés avec le temps, avec d’autres récits. De par sa nature volatile, la mémoire ne peut pas être le seul matériau des historiens.
Faurisson le sait et s’engouffre dans la » brèche « . Il va donc énumérer quelques témoins et les qualifier d’imposteurs, chacun avec une pirouette rhétorique dont il a le secret. De manière générale, il reproche d’avoir » tronçonné les entretiens « , une autre façon de formuler une accusation de tronçonnage du matériau.
Pour montrer son état d’esprit, nous avons choisi un extrait d’une lettre à l’adresse d’Olivier Mathieu (voir Partie 1) dans laquelle il adresse quelques conseils à ce dernier. Cette seule phrase résume sa conception des choses.
» Quand on demandera des preuves à votre adversaire, il ne faudra pas qu’ils répondent par des témoignages ou des aveux, car la justice a besoin d’abord de preuves, aussi matérielles que possible, et de témoignages, ensuite, éventuellement. »
Robert Faurisson, Lettre à Olivier Mathieu – 7 mars 1990
Cette brèche est toute relative. Faurisson aborde Shoah dans l’abstraction, comme un objet indépendant de tout contexte. Un point important de la méthode hypercritique se profile ici : l’abstraction. À placer son analyse comme un expérience de laboratoire, comme une démarche scientifique dans un environnement contrôlé, il isole le film de ce à quoi il s’adosse, c’est à dire le travail des historiens. Ceci n’est pas une démarche scientifique, c’est une démarche pseudo-scientifique.
Shoah est un film important, parce qu’il mène à une réflexion sur la mémoire, sur la culpabilité ; Shoah c’est humaniser le récit de la déshumanisation.
Les détails techniques
C’est la partie favorite de Faurisson, il aime se lancer dans des descriptions ultra précises avec forces données matérielles. Ces affirmations ont toutes été invalidées. Mais pour le néophyte qui lirait ce texte sans savoir qui en est l’auteur et surtout son intention, des doutes pourraient s’immiscer. Voici deux extraits de son texte où il part dans ses envolées dont il le secret en évoquant d’abord des ordres de grandeur.
Il fourmille pourtant d’impossibilités matérielles et de graves obscurités. […] Il se garde de dire que la pièce en question (en fait une chambre froide : Leichenkeller) mesurait tout au plus 210 m2, ce qui aurait interdit tout déplacement. Il dit qu’à cette foule il fallait seulement trois ou quatre heures pour pénétrer dans le vestiaire (avec trois mille patères !), s’y déshabiller, passer dans la chambre à gaz, y être gazées, être transportées dans la salle des fours, y être brûlées et réduites en cendres. Il ne dit pas qu’il n’y avait que quinze bouches à feu ; à raison d’une heure et demie pour réduire un cadavre en cendres, il aurait fallu douze jours et douze nuits de fonctionnement ininterrompu pour accomplir cette prouesse technique
Puis en avançant un argument curieux, les gaz d’échappement d’un moteur diesel ne peuvent asphyxier. Première nouvelle ! On vous déconseille de faire l’expérience chez vous.
Il parle de « moteurs ». La légende qui a force de loi est qu’il y avait un « moteur diesel » (Gerstein) ; or, le diesel est impropre à asphyxier.
Cette façon d’avancer des arguments d’ordre technique déplace le champ de l’argumentation. De cette façon, Faurisson se place du côté de la preuve matérielle, plus fiable en règle générale que le témoignage. Sous l’apparence d’une extrême précision, il embarque son lecteur dans une démonstration bancale, mais c’est son terrain, celui où il est intarissable.
La forme
L’une des critiques sur le film de Lanzmann se fait sur la forme. Trop long ? Pas d’images d’archives ? En réalité, ici, c’est le Faurisson prof de lettres qui parle. Celui qui a écrit sur Rimbaud et Nerval projette une lecture incapable de saisir la volonté de Lanzmann. C’est la critique qui a été émise par ses pairs sur son travail littéraire, minutieux, détaillé, mais faisant fi de tout contexte, n’en comprenant pas l’essence.
C’est ainsi que Lanzmann a filmé, jusqu’à la nausée, des rails de chemin de fer, des pierres ou des paysages ; il accompagne ces images lancinantes d’un commentaire lourdement lyrique et de jeux de caméra destinés à « évoquer » déportations et gazages. Il dit lui-même en son pathos: « A force de filmer ces pierres de Treblinka, sous tous les angles, elles ont fini par parler.» Il affirme, sans preuves, que les nazis ont effacé les traces de leur gigantesque crime. Il déclare: «Il fallait faire ce film avec du rien, sans documents d’archives, tout inventer.»
Argumentum ad hominem
Le procédé est bien connu, on s’en prend à son interlocuteur pour ce qu’il est.
Lanzmann a peur des révisionnistes. Il a déclaré : « Je rencontre souvent des gens qui disent que Shoah n’est pas objectif parce qu’on n’y montre pas d’interviews avec ceux qui ont nié l’Holocauste. Mais, si vous essayez de discuter de ce point, vous vous retrouvez pris dans un piège. »
Effectivement, les rares fois où les révisionnistes ont pu attirer des exterminationnistes dans une discussion, ces derniers ont subi de cuisantes déconvenues.
On voit ici où veut en venir Faurisson : invitez moi sur un plateau pour parler de Shoah. Peu importe ce qu’il y dirait, il aurait gagné. Il deviendrait un égal des historiens, légitimant sa théorie en tant que thèse et injectant son venin antisémite dans tout débat d’historien. Pour cela, il joue la provocation, faisant passer Lanzmann pour un lâche et en utilisant sa terminologie : les exterminationnistes (entendre ici les historiens qui ont travaillé sur la Shoah).
L’omission
Ce mille feuilles argumentatif a un effet, celui de noyer le lecteur sous l’apparence d’une multitude de preuves. Ainsi, il détaille chaque témoignage pour les invalider. Sauf que dans son texte, il ne remet en question qu’une petite partie des témoignages, faisant abstraction de ceux sur lesquels il n’a rien à dire. (ce qui n’implique pas qu’il ait raison sur les autres, il s’agit juste de souligner l’omission – qui deviendrait presque une faute professionnelle dans le cadre de la méthode hypercritique).
Marek Edelman, l’un des anciens dirigeants du soulèvement, en 1943, du ghetto de Varsovie, a qualifié ce film d’« ennuyeux », de «peu intéressant» et de « manqué ».
Marek Edelman n’a peut être pas aimé Shoah, car le film est sujet à critique. Sa forme, ses choix esthétiques peuvent effectivement ne pas remporter l’adhésion. Mais Faurisson ne dit pas que ce qui y est dit est faux, il ironise sur le fait que Lanzmann n’ai pas fait l’unanimité, mais pouvait-il en être autrement ? Certainement pas. Donc cet argument ne peut valoir grand chose.
Les pourvoyeurs
Shoah s’ouvre sur un mensonge par omission. Dans la liste de ceux qui ont rendu possible, notamment sur le plan financier, la réalisation de ce film, Lanzmann se garde bien d’indiquer le premier de ses commanditaires : l’État d’Israël ; Menahem Begin en personne avait commencé par débloquer quatre-vingt-cinq mille dollars pour ce qu’il appelait un « projet d’intérêt national juif ».
La question du commanditaire est un argument que l’on pourrait, en d’autres circonstances reformuler ainsi : à qui profite le crime ? Car c’est bien sur ce ton là que Robert Faurisson accuse Claude Lanzmann de rouler pour Israël. La tournure laisse penser à un scoop, à un de ces secrets bien cachés qui nourrissent son imaginaire, « derrière la caméra, les Juifs aident les Juifs ».
C’est ainsi qu’au spectateur le cinéaste fait croire ce qu’il veut.
Enfin, pour finir notre analyse, cette phrase au milieu du texte. Elle est intéressante dans la mesure où son auteur a déjà une idée très arrêtée sur les intentions de Claude Lanzmann, il nous manipule. La question des commanditaires montre comment il voit les choses, le monde Juif est unit pour manipuler le monde et lui se dresse en sauveur. Quelque part, il finit par croire ses propres mensonges. C’est même probablement une façon de ne pas devenir fou à force de les répéter.
La méthode hypercritique
Dans ce texte, plusieurs des méthodes utilisées par son auteur Robert Faurisson relèvent de la méthode hypercritique. En voici, la définition :
La méthode hypercritique est une méthode d’argumentation consistant en la critique systématique ou excessivement minutieuse des moindres détails d’une affirmation ou de ses sources1. Elle se distingue de la pensée critique, qui est une utilisation de la raison ayant pour finalité d’affiner et de préciser les affirmations sans chercher par principe à les discréditer.
Méthode hypercritique – wikipedia
Dans un entretien publié sur son propre site, Faurisson détaille sa méthode d’analyse, qu’il nomme « méthode spartiate » ou « méthode ajax ». Il s’agit à l’origine d’une façon d’analyser des textes littéraires, méthode rejetée par ses pairs (Rappelons encore une fois que Faurisson n’est pas historien, mais agrégé de littérature). Dans cette archive, il décrit son approche. Nous en avons gardé deux extraits :
Le texte commence ainsi, posant la base de ce qu’est le révisionnisme selon lui. Notons que la façon dont il le présente est vertueuse, et repose sur une approche épistémologique de la discipline. C’est toute l’astuce de la méthode hypercritique, d’invoquer une approche rigoureuse et scientifique. Qui irait affirmer « qu’il n’est pas grave que l’histoire soit une chose relative, une succession de faits invérifiées ».
Les révisionnistes veulent savoir si ce qu’on dit est vrai, c’est-à-dire vérifiable. Ils s’efforcent de parvenir à l’exactitude.
On peut être révisionniste en histoire, en littérature, en science, en tout métier.
Mon révisionnisme en histoire
Mon activité de révisionniste en histoire n’a vraiment commencé qu’au milieu des années soixante-dix. Auparavant, j’ai été, si l’on peut dire, un révisionniste en littérature (française).
Le révisionnisme historique, tel que je le conçois, n’est pas affaire d’idéologie mais de méthode. Il s’agit d’une méthode d’investigation en vue de vérifier des faits, des événements, des chiffres, des documents, des témoignages. En principe, le révisionniste ne commente pas un fait et ne tire pas de conclusion sans s’être assuré, au préalable, de la réalité de ce fait.
Il y définit ce qu’il nomme la méthode Ajax (du nom de la poudre à récurer, toujours le bon gout chez lui).
Une méthode spartiate
(« La méthode Ajax »)Toujours dans L’Information littéraire, à peu près chacune de mes études s’ouvrait sur un avertissement où je prenais soin d’annoncer au lecteur :
« Notre étude porte sur l’œuvre elle-même [pour prendre un exemple, ce pouvait être Le Soulier de satin, de Paul Claudel], à l’exclusion de toute biographie, bibliographie, recherche de sources ; elle ne contient aucune allusion à d’autres œuvres ; elle ne fait état d’aucune déclaration de l’auteur. Le nom de [Claudel] n’y figure pas. »
On peut s’étonner d’un tel parti pris, mais l’expérience m’avait enseigné qu’il me fallait tenter ce pari. La méthode était sévère. Elle impliquait bien des renoncements au confort des méthodes en cours. Elle exigeait une rigueur de fer. Mes étudiants l’appelaient familièrement «la méthode Ajax». Ils la présentaient comme une « méthode qui récure, qui décape et qui lustre » et voulaient bien ajouter : « Elle apprend à apprendre ».
En toute circonstance, il faut chercher à comprendre et, pour cela, il convient d’apprendre à aiguiser son attention. Tous les mots d’un texte, sans exception, ont leur importance de même que chaque détail d’une œuvre d’art ou chaque note d’une partition musicale ; nous ne pouvons négliger aucun point d’un document de caractère juridique, administratif, réglementaire ni aucun élément d’une pièce scientifique, littéraire ou historique (voy., à ce propos, le De re diplomatica du bénédictin Mabillon ; cet ouvrage du XVIIe siècle est comme la charte du chartiste). L’analyste peut invoquer le droit au doute et à l’erreur mais ce droit-là ne saurait exclure le devoir élémentaire de faire attention.
Ce que nous voyons ici, sous le masque de la vertu est en fait une approche qui consiste à isoler les faits de leur contexte. Placé dans une abstraction, chaque élément est disséqué jusqu’à trouver un détail, une imprécision et ainsi invalider l’ensemble de la pièce.
Les historiens ne travaillent pas comme ça. D’ailleurs, les spécialistes de la littérature non plus. C’est la somme de tous les éléments collectés qui vont faire sens. L’Histoire (avec un grand H) n’est pas le récit avancé par un historien, c’est le travail conjugué de tous les historiens qui débouchent sur un consensus. Il demeurera toujours des imprécisions, des contradictions dans les témoignages, dans certaines archives, celles-ci étant le résultat d’une démarche humaine (par nature imparfaite) interprétée par des humaines (les historiens).
La méthode Ajax n’a donc de sens que si elle est motivée par une idée originale, celle d’invalider les pièces une à une.
Notons tout de même que Faurisson se montrera beaucoup moins critique avec le rapport Leuchter, celui-ci allant dans le sens de la thèse qu’il soutenait. Cela s’appelle un biais de confirmation.
Quel avenir pour le négationnisme ?
Comme nous vous le disions, Robert Faurisson ne sera plus la figure de tête du négationnisme à partir des années 90. Son obsession pour des détails techniques ne peut porter ce petit monde éternellement. Mais au delà du personnage de Faurisson, le négationnisme n’a pas disparu. Sa forme va évoluer et accompagner une plus grande variété de stratégie, moins centrées sur la Shoah que sur une lutte contre une nébuleuse occidentale et pour la liberté d’expression. La vieille taupe, maison d’édition de gauche, a d’ailleurs trouvé une nouvelle tête de gondole, Roger Garaudy puis disparaîtra au tournant des années 2000.
Vincent Reynouard
Si on doit nommer un héritier intellectuel à Robert Faurisson, c’est de toute évidence le nom de Vincent Reynouard qui s’impose. Ce dernier va s’imposer dans les années 90 en s’emparant du combat négationniste. Son sujet de prédilection est Oradour-sur-Glane ; il appliquera les méthodes de son mentor pour disséquer ce qu’il considère comme une imposture dans un livre publié en 1997 : Le Massacre d’Oradour. Un demi-siècle de mise en scène. Mais il continue à perpétuer la tradition faurissienne centrée sur les chambres à gaz, alpha et oméga du négationnisme.
L’autre grand combat de Reynouard est la réhabilitation des condamnés de la loi Gayssot. À force de provocation, ce professeur de physique-chimie sera condamné à de multiples reprises et sera même révoqué de l’éducation national, un an à peine après avoir titularisé. En 2010, ce partisan de l’abrogation de la loi contre les faussaires de l’histoire est finalement le sujet d’une tribune de soutien… contre la loi Gayssot. Elle est à l’initiative de Paul-Eric Blanrue, un autre nom important de la secte négationniste.
Il fuit à Londres en 2015, avec un peu moins de panache que la futur résistance française, certes. Il finit par être extradé en janvier 2024.
Toutes ses théories ont été invalidées par des historiens, son travail ne vaut guère mieux que celui des autres, de Faurisson au rapport Leuchter.
Rivarol
En 1971, l’hebdomadaire nationaliste ouvre ses colonnes à un critique littéraire en mal de reconnaissance, Robert Faurisson. Cette publication relève déjà de sa maladive obsession, le révisionnisme mais pour le moment, il n’est que littéraire. Tout au long de sa carrière, Rivarol soutiendra Faurisson. Il sera d’ailleurs condamné pour contestation de crime contre l’humanité pour la seconde fois le 27 avril 1998 pour un courrier publié dans le même Rivarol.
En 2016, pour les 65 ans du journal, il est l‘invité surprise d’un « banquet » au milieu d’un aréopage d’extrême droite allant des royalistes jusqu’au clan Sidos en passant par la Nouvelle Droite. Le petit journal filme le repas ; jusqu’à l’exfiltration de Jean-Marie Le Pen juste avant l’arrivée de Faurisson qui déballera ses obsessions pendant une heure. Il sera acclamé au son de « Faurisson a raison ».
Un commentaire sous la vidéo souligne un fait, « il ne manquait que Reynouard ». Parce que justement, avant sa fuite à l’étranger, Vincent Reynouard écrivait pour Rivarol et a même été condamné pour ça. À peine remis en liberté sous contrôle judiciaire le 31 janvier 2024, c’est sans surprise qu’il réserve ses premiers mots à Jérôme Bourbon dans une entretien mis aussitôt en ligne. Le multi-récidiviste se montre très sûr de lui et complètement serein, habitant littéralement la condition de martyr. Il partage également avec le vieux Faurisson cette certitude de connaître la loi mieux que les juges.
Quant à Robert Faurisson, il meurt en 2018 après avoir connu une seconde vie médiatique grâce (ou plutôt à cause) de Dieudonné qui le remet sur le devant de la scène. On pourrait dire qu’il n’en demandait pas tant, mais au contraire, il ne s’est pas fait prier pour recevoir un prix pour l’ensemble de son œuvre. Entre temps, il s’était fait un nom dans le monde arabe, notamment en Iran.
Mais au delà du personnage de Faurisson, le négationnisme n’a pas disparu. Sa forme va évoluer et accompagner une plus grande variété de stratégie, moins centrées sur la Shoah que sur une lutte contre une nébuleuse occidentale.
Fin de la partie 1