Nous ne pouvions laisser passer l’affaire Borne – Macron quant à la qualification du RN par la première ministre « d’héritiers de Pétain ». La sortie de Borne, mais surtout la réponse de Macron ; et les premières venant de « la gauche » appellent analyse et réponse de notre part.
Alors comme ça lutter contre l’extrême droite n’est pas une question morale ? Ça n’a l’air de rien, le président veut se donner de la hauteur, une posture de combattant loyal, mais ce qu’il fait est pire que tout. Il montre ici qu’il n’a rien compris à la nature de ce qu’est l’extrême droite.
Oui nous l’avons dit, répété, et explicité dans nos articles que le RN – boutique repeinte du FN – était un parti d’extrême droite, héritier du Pétainisme et des mouvances d’extrême droite des années 30. De multiples fois nous avons rappelé que les fondateurs du RN avaient connu des passés allant jusqu’à un activisme nazi.
Une fois ceci dit, Borne fait l’impasse comme TOUS les partis depuis 40 ans sur le sujet. Une fois cette filiation incontestable posée que font les politiques de celle-ci : rien. Le RN n’a JAMAIS renié cette filiation, il n’a pas comme le PCF fait son aggiornamento par rapport au stalinisme et à l’URSS. Pire encore, et nos articles le prouvent, la direction du RN, Marine le Pen en tête, a continué à fréquenter régulièrement des têtes pensantes de l’extrême droite, du « syndicat étudiant » GUD, dont elle est restée entourée ; des photos affichées avec des nazillons assumés ; et au bout du bout sur sa proximité idéologique avec des régimes autocratiques violents comme la Russie.
Il a suffit à Marine le Pen de désavouer l’invasion de l’Ukraine pour que personne n’ose l’interroger sur sa proximité idéologique avec Poutine, avec Trump, avec Orban, avec Salvini, avec Bolsonaro et d’autres. Comment se fait–il qu’aucun politique, aucun journaliste n’ose seulement évoquer les photos avec Vitali Milonov, député russe antisémite et homophobe ; avec Maria Katasonova, idéologue et activiste russe qui affirme qu’il faut atomiser l’Occident ;
ou même avec l’idéologue Steve Bannon, ancien conseiller de Trump présent à Paris dès 2019 pour soutenir le RN, et on en passe des dizaines.
A quoi sert de rappeler tout cela ?
Il s’agit, non pas, comme l’affirme Emmanuel Macron « d’arguments moraux ». Ni même des « mots des années 1990 qui ne fonctionnent plus » comme si il s’agissait d’une mode ou juste de communication…
Il s’agit :
- De rappeler ce fond idéologique historique qui est , à ce jour, TOUJOURS, celui du RN
- De rappeler POURQUOI ce fond idéologique est toujours le même
- Si il le faut de rappeler ce qu’il est
- De rappeler en conséquence, pourquoi l’extrême droite est non pas un opposant politique, mais un ennemi politique.
Et c’est là que la problématique s’étend à tout le champ politique, y compris la gauche. Personne ne passe le premier point.
Nous commencerons déjà par rappeler qu’Emmanuel Macron n’a pas eu d’opposition physique à l’extrême droite. La combattre n’est pas une question de survie, comme ça l’a été pour dans les années 90 qu’il se plaît à critiquer. L’histoire du réseau Nopasaran, du Scalp Reflex ou de Ras l’front est celle d’une nécessité, d’un impératif. L’extrême droite blesse dans les chairs, elle a tué, elle tue et menace de tuer encore.
D’ailleurs, depuis quand un concept politique serait invalide parce qu’il a 20 ans?
Alors on vous le dit, Emmanuel Macron est hors sol, son combat contre l’extrême droite est une posture, et sa prétention à se donner de la hauteur nous agace.
Macron a répondu à Borne ce jour par une affirmation :
« il faut décrédibiliser » le RN « par le fond et les incohérences ». Et Manuel Bompard, de la FI ne dit pas vraiment autre chose dans une interview cet après midi à l’Assemblée nationale.
Et reconnaissons que l’argument n’est pas nouveau, à gauche ou ailleurs.
Pire encore, il déclare que
« Vous n’arriverez pas à faire croire à des millions de Français qui ont voté pour l’extrême droite que ce sont des fascistes ».
On passera sur les deux points de la phrase qui sont un véritable oxymore. Si vous êtes d’extrême droite, ALORS votre pensée politique s’apparente au fascisme.
Fin avril E. Macron avait déclaré au Parisien:
« Marine Le Pen arrivera » au pouvoir « si on ne sait pas répondre aux défis du pays et si on installe une habitude du mensonge ou du déni du réel ».
Deux points qui méritent un arrêt
1) Il n’est pas question « d’accuser » les électeurs du RN d’être « fascistes ». Là-dessus nous sommes bien d’accord, quoique cela se discute. Mais effectivement, politiquement cela parait compliqué.
En revanche, il est bien évident que ce n’est ni ce que dit E. Borne, ni ce que nous disons. Il s’agit d’affirmer que les dirigeants, les cadres du RN le sont de par leur idéologie même.
Il nous semble de surcroît que tout ceci gomme la qualification raciste du parti lepéniste. Et que malheureusement, c’est bien ce qui motive les électeurs RN.
Un sondage du JDD enquête sur les motivations des électeurs RN et le constat est sans appel :
- 86% des sympathisants FN disent qu’ »on ne se sent plus chez soi » en France,
- 84% qu’on ne s’y sent pas « en sécurité »,
- 80% que l’immigration coûte plus qu’elle ne rapporte,
- 73% que l’islam est incompatible avec la République,
- 63% à considérer qu’il y a « trop de libertés » dans notre pays
- 74% souhaitent le rétablissement de la peine de mort
19% seulement adhèrent à ses propositions économiques et sociales !!!!
3 évidences donc : le vote RN est un vote raciste, anti immigrés ; intimement lié à des idées ultra réactionnaires de réduction des droits et libertés. Et enfin, les électeurs RN ne sont que très minoritairement intéressés par l’économie.
On commence mieux à saisir le hiatus de la classe politique dans la lutte contre l’extrême droite, puisqu’ils se trompent de cibles en se trompant d’argument.
On rajoutera que la droite LR et macroniste s’est largement rendue aux arguments du RN sur l’immigration. Nous en sommes témoins avec les dernières propositions de LR que ne renieraient pas Zemmour, ou la nouvelle loi (une énième) sur l’immigration de Renaissance. Quand Olivier Véran se rend au Danemark, c’est pour s’inspirer de ce qu’a réussi le PS danois : appliquer la politique de l’extrême droite et remporter les élections.
Loin de faire reculer le RN, ces démarches renforceront l’idée que puisque les partis « classiques » s’y mettent, c’est parce que les Le Pen avaient raison.
2) « Le déni du réel », c’est là aussi un point crucial, et pourtant point aveugle de la lutte anti extrême droite. Il faut le rappeler constamment, comme nous le faisons régulièrement :
« Être un utopiste c’est vouloir que son imaginaire devienne une réalité ; être d’extrême droite c’est croire que son imaginaire est une réalité. »
Il est fondamental de comprendre que l’extrême droite base son ADN politique sur une analyse complotiste du monde. Le complotisme précède la « pensée » d’extrême droite, il en est l’analyse et sa réaction politique. Qu’est ce que cela veut dire ?
Que le politique, comme l’affirme E. Macron qui s’ancre dans le « Réel » se trompe complètement de cible. Il passe à coté du fait que la pensée d’extrême droite n’est pas rationnelle, qu’elle ne se base pas sur des arguments rationnels, fait de l’histoire et des sciences irrationnelles, et que même leur méthodologie EST irrationnelle.
« Il faut combattre l’extrême droite en montrant l’efficacité de notre politique »
Aurore Bergé, le 1er juin 2023
La présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale montre qu’après cet épisode, la majorité n’a toujours rien compris.
Notre travail depuis plus de dix ans l’a largement montré et même démontré.
D’où la tendance généralisée que nous déplorons de « débattre » avec l’extrême droite. Que des fact checkers, des politiques acceptent de débattre, parfois en public. Avec en point de mire, l’éternel argument :
« On doit débattre avec tout le monde, sinon comment voulez vous les convaincre ».
Non, c’est passer complètement à coté de cette vision irrationnelle. Il s’agit juste dès lors que de rendre les partis d’extrême droite fréquentables, puisque vous acceptez de débattre avec eux. Débattre avec eux c’est leur donner une légitimité qu’on ne doit pas donner à un ennemi politique.
La société du média et la de la personnalisation n’est pas un outil qui permet une lutte contre l’extrême droite, il la sert.
Et la boucle est bouclée.
Nous ne disons pas qu’il ne faut pas discuter avec les électeurs et les sympathisants d’extrême droite. Mais pas en public. Ce travail nécessite une solide information sur les extrêmes droites et à son argumentation et d’effectuer un travail de terrain, de fourmi sur le terrain.
Toutes les méthodes actuellement utilisées resteront sans effet, malheureusement.
Et le score du RN est là pour nous le rappeler.
En conclusion, il nous parait objectif de rappeler à Monsieur Macron que face à l’illégitimité des « idées » du RN & consorts il s’agit bien de combattre et non pas de débattre, et qu’à ce titre nous préférons de loin des mots des années 90 à la complaisance des maux des années 30…
Les Debunkers de hoax d’extrême droite