Si on vous dit que les antivax sont vent debout contre le vaccin HPV, vous nous croyez ?
Bien sur que oui, c’était évident. Alors nous allons regarder de quoi il en retourne. Commençons d’abord par quelques éléments de contexte.
Tout d’abord, rappelons une évidence, les infections à papillomavirus humains (HPV) sont une vraie saleté. Certes, elles sont souvent bénignes, mais un nombre conséquent peut dégénérer en lésions pré-cancéreuses. Et comme nous sommes nombreux à l’avoir croisé, le risque de cancers est numériquement important.
Environ 70 % à 80 % des personnes sexuellement actives (sans distinction de genre ou d’orientation sexuelle) ont ou vont contracter un papillomavirus. Moins de 20% à 40% est activement porteuse du virus. La guérison se fait de façon spontanée : 70% des personnes infectées guérissent en 12 mois et 90% en 24 mois.
Sida-info service
Les HPV sont également transmissibles par des rapports bucco-génitaux, et le préservatif ne suffit pas à se protéger complètement, à la différence d’autres IST/MST. La vaccination est largement recommandée depuis quelques années par les différentes autorités et spécialistes :
- La haute autorité de santé, ainsi que sa présidente, l’infectiologue Elisabeth Bouvet
- Vaccination info service
- Sida-info service
- Et enfin le vaccin contre le hpv fait parti de la liste des vaccins recommandés par Ameli (la sécu)
Il était donc cohérent dans l’optique d’une campagne de santé publique de s’adresser aux élèves dès 11 ans révolus, c’est à dire en 5ème. Et c’est le président Himself qui s’y colle en se faisant l’ambassadeur de cette campagne. Lors d’une visite dans un établissement à Jarnac, il annonce le lancement d’une opération de vaccination gratuite et généralisée. Alliée à une campagne efficace de dépistage (le dépistage est gratuit depuis 2018), une information claire et accessible, la vaccination est la dernière arme qui permettrait de prévenir à long terme les complications d’une infection.
Et évidemment, il ne faudrait pas attendre longtemps avant de voir la réaction des activistes antivax…
Les réactions
On vous propose de faire un bref passage en revue des positions sur le Gardasil, le vaccin contre les HPV. Nous commencerons par les soignants (ou ex-soignants), puis un aperçu des figures de la sphère antivax complotiste.
Les soignants
Un certain nombre de soignants se sont distingués pour leurs positions antimasques et/ou antivax durant la pandémie. Voyons ceux qui ont parlé du Gardasil.
Louis Fouché
On commence notre tour avec une des personnalités essentielles de cette sphère, Louis Fouché. Pas de traces de message sur ces infections avant le 28 février, date de l’annonce d’Emmanuel Macron, mais quelques jours plus tard il partage le site de l’AIMSIB. Proche de ReinfoCovid, cette association regroupe des médecins et des intellectuels et s’est illustrée durant la pandémie.
Louis Fouché prend donc la parole la parole le 1er mars, ce qui est déjà tard par rapport à d’autres comme nous le verrons. Un premier message du gourou antivax avec un lien qui a pour objet de semer le doute.
Nicole et Gérard Delépine
Si nous ne devions retenir qu’un nom dans cette sphère, c’est celui du couple Delépine. Les médecins retraités se sont illustrés très trop dans le milieu antimasque.
Le 20 décembre il publie dans France Soir, devenu le titre phare des antivax, une tribune à charge contre le Gardasil.
Alexandra Henrion-Caude
La généticienne est une fervente militante antivax. Et elle relaie régulièrement les positions qui vont dans son sens, comme en décembre dernier où elle se fait porte voix du couple Delépine.
Nous noterons que c’est la seule à avoir tenté de battre le rappel des troupes dès la veille de l’annonce.
Et enfin, le 28 février, Henrion-Caude se fend d’une série de tweets sur la vaccination des enfants, contre les HPV ou non.
Erik Loridan
Le « Chirurgien empêché d’opérer par Macron » suspendu en janvier embraie le 2 mars avec quelques tweets et retweets, notamment l’article de l’AIMSIB.
Denis Agret
Pour le médecin suspendu reconverti comme yogi, la passion fut éphémère, tout juste un retweet le 28 février, puis plus rien.
Le cas Didier Raoult
Didier Raoult a été l’autorité médicale la plus écoutée par les antivax et antimasques pendant la pandémie. Alors forcément, sa parole post-pandémie était scrutée. Justement, c’est le drame parce que el famoso doctor Raoult défend depuis longtemps la vaccination contre les HPV, et il adoube la campagne annoncée. Reconnaissons lui au moins ça, il ne change pas son fusil d’épaule.
Le milieu antivax prend quelques distances avec lui.
La complosphère en guerre avec les vaccins, HPV ou non
Silvano Trotta
L’hyper complotiste Silvano Trotta a évidemment un avis sur la question. Dès le 23 janvier, il relaie une information venant d’un site antivax américain. La source originale de l’article sur une étude à charge contre le Gardasil vient de The Epoch Times, organe de communication de la secte d’extrême droite Falun Gong.
Puis il attend le premier mars pour diffuser une information : on vaccine alors que les gens sont moins malades. Pourquoi sont-ils moins touchés par les cancers ? Parce qu’une longue campagne de prévention porte ses fruits. Campagne dont la vaccination fait partie.
Chloé Framery
La prof de maths genevoise a été suspendu pour ses positions sur le Covid. Le 4 mars elle embraie sur telegram en relayant Henriot-Caude puis un post à charge trois jours plus tard contre le Gardasil.
Fabrice Di Vizio
L’hyper médiatique avocat des antivax n’est pas en reste. À la différence des autres, il est le premier à aborder le sujet du vaccin HPV, mais dans un contexte où il remet en question tous les vaccins avec cette approche subtile : « c’est pas moi, c’est mon médecin ».
Il semble avoir suivi de près l’intervention du président le 8 février, tweetant à plusieurs reprises.
Comme à son habitude, il détourne de la question de la vaccination en tournant autour du pot.
Myriam Palomba
Désormais icône médiatique du complotisme avec l’adrénochrome, Myriam Polomba était déjà une militante antivax très active sur Twitter. Le 28 février, elle est sur le coup, prête à dégainer !
Xavier Bazin
Xavier Bazin est un journaliste, auteur du livre Big Pharma démasqué ! à propos de la chloroquine et des vaccins durant la pandémie. Le 28 février, il publie une tribune sur son propre site : « Monsieur Macron, votre décision est honteuse ».
Valérie Bugault
Juriste de formation, Bugault a navigué entre différentes chapelles de la dissidence ces dernières années. À l’UPR hier, elle a participé à fonder BonSens aujourd’hui avec Azalbert, Wonner ou Perronne.
Valérie Bugault est une personnalité complotiste et antivax. Depuis l’annonce de la campagne de vaccination contre les HPV, elle a intégré ce thème à ses publications récurrentes.
Verity France
Ce collectif de parents antivax sort de son domaine : les effets secondaires du Pfizer, pour s’occuper du Gardasil. Niveau timing, ils suivent le mouvement.
Gardasil: l’étonnante précipitation d’Emmanuel Macron pour vacciner les enfants https://t.co/efoISyeH7w
— VERITY France (@verity_france) March 2, 2023
Le libre penseur
Salim Laïbi diffuse le 2 mars un témoignage sur des effets secondaires du Gardasil. Tout ce qui est contre le pouvoir est bon pour lui. Nous avons hésité à l’ajouter aux soignants. En effet, le libre penseur est dentiste. Cependant, nous sommes si loin de son domaine d’expertise que cet ancien compère de Dieudonné et Soral est bien mieux ici.
En vrac
Voilà pour les principales têtes du mouvement antivax. C’est également l’effervescence dans les premiers jours de mars sur plusieurs canaux telegram
Et en bonus, on vous propose l’avis éclairé d’Elisabeth Levy : « le vaccin c’est bien, mais laissez nous tranquille ».
Vous l’aurez compris, dès l’annonce de la campagne, c’est la levée de boucliers. Un narratif antivax servit par plusieurs supports clés
- la tribune de Gérard Delépine(fact-checké ici)
- les effets secondaires du Gardasil
- la campagne australienne
Ce à quoi on pourrait rajouter l’interview de la virologue Diane Harper, le récit de la jeune Marie-Océane Bourguignon ou l’affirmation que le Gardasil contient de la mort aux rats.
Le sujet s’impose de lui même
Nous avons vu ici que les réactions suivent l’annonce d’Emmanuel Macron. Nous allons voir maintenant si le vaccin HPV et les cancers liés étaient un sujet avant.
Analyse des tendances
Pour cela, nous allons utiliser l’outil Google trends. Vous pouvez d’ailleurs utiliser cet outil vous-même. Qu’est ce qu’on y apprend ? Et bien, sans surprise, les recherches sur le vaccin contre les infections à papillomavirus humain et Gardasil sont relativement stables ces dernières années. Puis dès la fin février, c’est le pic, les recherches explosent.
Comment interpréter ces résultats ? Ces recherches n’étaient pas au centre des préoccupations des français avant l’annonce du président. Ce qui va d’ailleurs dans le sens de la campagne, quand l’HAS regrette un manque d’information.
Nous regardons ensuite la tendance (trend en anglais) sur les cancers du col utérin ou les cancers liés aux papillomavirus. Le pic de février est moins marqué, mais il existe quand même. Nous en tirons les mêmes conclusions, ce sont des cancers probablement méconnus. Malgré tout, la tendance est moins marquée que les requêtes sur les vaccins.
Notez d’ailleurs que nous avons essayé différentes combinaisons et que les résultats sont similaires.
Pourtant, il y a urgence. Selon l’Organisation mondiale de la santé, le cancer du col de l’utérus se situe au quatrième rang des cancers les plus fréquents chez la femme et il est causé dans plus de 95 % des cas par le papillomavirus
RadioFrance
Effectivement, ce que nous montre Google Trends, c’est que le cancer lié aux HPV est le moins sujet à des recherches, malgré le fait que la maladie soit finalement assez courante. Ce qui nous laisse définitivement supposer que nombre d’entre nous méconnaissent le sujet.
Une réaction dictée par l’actualité
Nous l’avons vu, la plupart des réactions sont liées à l’annonce d’Emmanuel Macron. Manifestement, les HPV ne sont pas parmi les préoccupations des français, y compris la sphère antivax. Toutefois, alors que la campagne revient sur le devant de la scène et que les recherches voient une augmentation significative, le sujet s’impose dans la sphère antivax.
À partir de là, le vaccin HPV devient un sujet pour cette communauté. Les esprits chagrins affirmeront que c’était écrit à l’avance, et c’est sûrement le cas. Néanmoins, il faut relever cette dynamique : l’actualité donne le tempo des complots.
Comme nous l’avions vu récemment, lors des séismes qui ont fait près de 70 000 morts, la complosphère avait très vite une explication toute faite. Et la dernière séquence américaine avec le ballon chinois a été à l’origine d’une vague d’intox.
Qu’en conclure ?
Malgré tout, la réaction des antivax ne semble pas vraiment liée au papillomavirus et à sa prévention. Le vaccin est déjà remboursé sur prescription avant cette annonce et largement recommandé par les médecins. Par contre, l’annonce du président Macron a servit de catalyseur, comme souvent dans les mouvements de colère français ces dernières années. Une posture donc, par pur esprit de contradiction.
Encore une fois, c’est le contexte qui ficelle le récit. Le narratif est celui d’une résistance à tout prix, peu importe le fond, en l’occurrence ici un enjeu de santé publique. À partir de là, il suffit de trouver de chercher tous les éléments à charge contre le Garadasil ou l’impact de ces campagnes. On observe une dissociation de l’importance des enjeux chez les antivax : le politique l’emporte sur tout, quitte à relativiser un mal qui cause de 1000 à 2000 morts selon les chiffres.
C’est une campagne qui aurait du être mise en place plus tôt.
Faîtes vacciner vos enfants !
Merci à RH pour l’aide