Aviez vous vu cette vidéo virale? Une jeune « activiste » russe luttant contre le « manspreading » en Russie. Celle-ci n’ayant pas froid aux yeux aspergeait l’entrejambe de Russes à l’eau de javel.
Cette vidéo avait été abondamment relayée par Sputnik et RT:
Reprise par tout l’internet « putaclic » (pensez donc c’est spectaculaire), mais aussi par les médias mainstream français. On notera un fait curieux qui n’a, à ce jour pas d’explication: si la fachosphère mondiale (anglaise et américaine) est tombée dans le piège, la fachosphère française a été curieusement très silencieuse sur le sujet…
Ce qui est assez curieux. On osera supposer qu’au moins certains étaient au courant… Soyons complotistes. Pour une fois.
Seul Libé a émis de très fortes réserves :
En cause, le témoignage d’un homme, Stanislav Kudrin, qui a assuré le 25 septembre sur sa page VK (équivalent russe de Facebook) avoir été payé pour sa participation au tournage de la vidéo. Et l’on retrouve effectivement dans la vidéo un homme qui ressemble fortement à Stanislav Kudrin. Ce dernier indique également que la bouteille ne contenait que de l’eau et avoir même fait deux prises. Kudrin n’a pas répondu aux sollicitations des médias russes et a depuis supprimé son compte VK.
Nous apprenons ce jour le fin mot de l’affaire. Et il est intéressant.
Le magazine en ligne Bumaga, basé à Saint-Pétersbourg, a trouvé et interviewé un des hommes figurant dans l’enregistrement, qui a déclaré qu’il était payé pour avoir agi en tant que victime.
Donc, si la vidéo est une fiction et si In The Now énonce même ouvertement cela – quel est alors le but de la promotion de l’histoire auprès d’un public international? Qu’y a-t-il dans un média d’Etat russe?
Provoquer un choc d’opinions extrêmes
La réponse à cette question réside dans les réactions que la vidéo a pu susciter.
Dans la section des commentaires sur Facebook, les utilisateurs expriment leur indignation à l’égard de la militante féministe présumée, souvent dans un langage fortement misogyne. Ce commentaire est le plus populaire, regroupant désormais plus de 14 000 personnes:
Puis l’article explique la campagne gouvernementale russe actuelle sur le féminisme et enfin révèle d’où provient cette petite manipulation:
In The Now est un projet de médias sociaux sous l’égide de RT (Russia Today) . Elle est spécialisée dans la distribution de vidéos virales , dont certaines ne contiennent que des messages politiques directs ou indirects. À l’instar de son projet sœur ICMY, In The Now n’annonce pas clairement sa relation avec RT et, partant, le fait qu’il appartient au Kremlin.
Comme le montre la vidéo «manspreading», In The Now présente avec succès des éléments de la campagne de désinformation en cours de la Russie à un large public international. La majorité des personnes ciblées ne soupçonneront pas que ce qu’elles voient et partagent est en réalité une propagande de l’État russe.
CQFD
Au départ une petite campagne de propagande destinée au bon peuple russe et qui finit dans « nos » médias. Well done… Rappelons que les médias russes aux ordres sont coutumiers du fait.
En conclusion : La lutte contre le manspreading en Russie n’est pas différente, et les luttes féministes utilisent des moyens de mise en scène modernes. Mais le passage à l’export a changé le sens de cette campagne.
PS Ah et au fait, la fameuse « activiste » russe, Anna Dovgalyuk, est un fervent soutien de Vladimir Poutine, féministe bien connu…