Le programme économique du RN et de Marine Le Pen est de gauche ! En tous cas, c’est l’antienne d’Eric Zemmour qui tient ce discours depuis la campagne présidentielle. Mais pas que, une certaine presse de droite s’est également emparé de cette incroyable révélation : L’extrême droite c’est de gauche !
Alors on va voir ensemble de quoi il en retourne. D’abord en jetant un œil à l’histoire du FN/RN en matière économique, puis en regardant de plus près ce que contient le discours de Marine Le Pen en matière économique. Enfin, nous verrons ce que racontent ces discours. Alors, le programme politique du RN de Marine Le Pen est-il de gauche ?
Contexte et histoire du FN
Si aujourd’hui, certains trouvent matière à discuter la question, le positionnement économique du RN (feu le FN) n’a pas toujours été destiné aux classes populaires.
Le Poujadisme
Jean-Marie Le Pen, avant d’être le fondateur du FN était député de l’Union de Défense des Commerçants et Artisans créé par Pierre Poujade. Ce parti, pur produit des 50’s, a tout misé sur la fiscalité et la lutte contre l’impôt, en s’adressant à une France rurale qui souffre déjà de désertification, au profit des bassins urbains en pleine croissance.
Les années 80
Le Front National est fondé en 1972 dans la continuité d’Occident. Dans le sillage de mai 68, le ton est à l’anti-communisme, mais le FN va se construire sur les thèmes de l’immigration et de la sécurité. Les questions économiques sont secondaires et reposent sur des marqueurs forts : moins d’imposition, moins de régulation. Un programme très à droite rédigé à l’époque par Gérard Longuet.
En 1995, Le Pen est crédité de 15% des voix au premier tour des présidentielles, et créé la surprise le 21 avril 2002 se retrouvant face à Chirac au second tour. Le problème, c’est que le père Le Pen n’avais jamais prévu de se retrouver là, plus à l’aise dans l’opposition de principe.
Le programme de 2007 est délirant, proposant carrément de supprimer l’impôt sur le revenu et repousse l’âge de la retraite à 65 ans. Si le FN a trouvé un électorat plus populaire, le parti propose toujours un programme ultralibéral.
L’influence de Marine Le Pen
Quand la fille du père débarque, le parti va infléchir sa politique économique ne laissant plus la rédaction de son programme social au premier stagiaire venu. Une des grandes différences entre les deux générations est que Marine Le Pen peut commencer à y croire pour de vrai, et pour se faire élire, elle a besoin d’un vrai programme économique.
Forcément, les propositions délirantes vont devoir être revue à la baisse, et c’est un virage à 180° sur certains sujets : plus de sortie de l’Europe ni de la zone €, retraite à 60 ans pour 40 annuités. Le discours est mieux orienté en direction de sa cible, dénonçant l’assistanat et les fraudes tout en voulant remonter les salaires les plus bas. Ouvriers, petits entrepreneurs, commerçants, tout le monde est dans le même bateau, c’est un populisme somme toute assez classique.
Ne vous leurrez pas. Pour faire avaler ça, Marine Le Pen ne dérogera pas à la tradition familiale, l’immigration reste le principal argument de vente.
Le programme économique de Marine le Pen et du RN
Nous allons donc reprendre les 22 propositions du programme politique du RN. L’ordre dans lesquels ces propositions sont listées est important.
1 Arrêter l’immigration incontrôlée en donnant la parole aux Français par référendum.
Mettre fin à l’immigration de peuplement et au regroupement familial.
Traiter les demandes de droit d’asile uniquement à l’étranger.
Réserver les aides sociales aux Français, et conditionner à 5 années de travail en France l’accès aux prestations de solidarité.
Assurer la priorité nationale d’accès au logement social et à l’emploi.
Supprimer l’autorisation de séjour pour tout étranger n’ayant pas travaillé depuis un an en France.
Expulser systématiquement les clandestins, délinquants et criminels étrangers.
Supprimer le droit du sol et limiter l’accès à la nationalité à la seule naturalisation sur des critères de mérite et d’assimilation.
2 Éradiquer les idéologies islamistes et l’ensemble de leurs réseaux du territoire national.
Proposition de loi visant à combattre les idéologies islamistes
Proposition de loi visant à combattre les idéologies islamistes
3 Faire de la sécurité partout et pour tous une priorité du quinquennat.
Rétablir les peines planchers pour que tout criminel et délinquant aient une sanction.
Supprimer toute possibilité de réduction et d’aménagements de peine, en particulier pour les violences contre les personnes.
Instituer une présomption de légitime défense pour les forces de l’ordre.
Accélérer les procédures judiciaires en engageant le doublement du nombre de magistrats.
Inscrire au fichier des délinquants sexuels les harceleurs de rue.
Atteindre 85 000 places de prison en 2027.
Établir une perpétuité réelle.
Voici les trois premières propositions du programme de Marine Le Pen. Ce sont ses produits phares, en tête de gondole du rayon, elle a fait son beurre là-dessus. Et… Ô surprise, il n’y a rien d’économique : immigration, islam et sécurité.
Un peu d’économie
4 Baisser la TVA de 20% à 5.5% sur les produits énergétiques (carburants, fioul, gaz et électricité) en tant que biens de première nécessité.
Enfin, nous y voilà, un peu d’économie. Et on commence avec de la fiscalité, en l’occurrence la fiscalité des énergies, une manne financière conséquente (TVA TICPEenviron 30 milliards d’€ par an au budget de l’État). Diviser ce budget par quatre grèverait encore la capacité du gouvernement à financer la transition énergétique (on ne vous dit pas qu’ils le font correctement, mais cette somme y est allouée).
5 Permettre aux entreprises une hausse des salaires de 10% (jusqu’à 3 smic) en exonérant cette augmentation de cotisations patronales.
Haaaaa enfin ! Une vraie mesure sociale, la hausse des salaires. Ha mais non attendez, en fait, cette hausse est exonérée de cotisations patronales. Mais à quoi peuvent bien servir les cotisations patronales ? À financer la couverture sociale des travailleurs pardi !
6 Renationaliser les autoroutes pour baisser de 15% les péages et privatiser l’audiovisuel public pour supprimer les 138€ de redevance.
Nous avons ici deux mesures très différentes :
- La privatisation des autoroutes a entraîné une hausse des prix conséquentes, sans compter les conditions d’attributions qui restent troubles. Effectivement, cette mesure est sur le principe une reprise du trésor de guerre de l’État. Seulement, dans quelles conditions cette renationalisation devra se faire ? L’histoire ne le dit pas.
- La privatisation de l’audiovisuel publique est une question très ancienne. Rappelez-vous que l’extrême droite considère que Radio France est une repaire de bolchéviks. L’audiovisuel public est pourtant plus large que les seules chaînes et stations disponibles, c’est un relais de la francophonie, et ça finance une production culturelle conséquente.
7 Encourager les projets des jeunes et leur entrée dans la vie active.
Créer un chèque-formation mensuel de 200 à 300€ pour les apprentis, les alternants et leurs employeurs.
Exonérer d’impôt sur le revenu tous les jeunes actifs jusqu’à 30 ans pour qu’ils restent en France et fondent leur famille chez nous.
Supprimer l’impôt sur les sociétés pour les entrepreneurs de moins de 30 ans pendant les 5 premières années pour éviter leur départ à l’étranger.
Au risque de décevoir tout le monde, les jeunes n’ont pas tellement le choix, ils sont catapultés dans la vie active. Les encouragement ne servent pas à grand chose.
Prenons les choses dans l’ordre :
- Un chèque formation c’est une subvention à destination des employeurs qui couvrirait à hauteur de 50% le cout de la formation.
- On continue avec des exonérations d’impôts qui reposent sur la terreur du départ à l’étranger. Si un travailleur dégage un revenu suffisant, il n’y a pas de raisons à l’exonérer.
Nous avons ici ce qu’on appelle une politique incitative, l’État renonce à des revenus ou financent une partie de la formation des travailleurs. C’est un cadeau au patronat. Autant dire que jusqu’ici, le programme économique de Marin Le Pen repose sur des propositions démagogues de baisse d’impôts et d’une hausse des dépenses.
Si si la famille !
8 Soutenir les familles françaises.
Instituer une part fiscale complète dès le deuxième enfant.
Doubler le soutien aux mères isolées élevant des enfants tout en renforçant les contrôles pour éviter les fraudes.
Créer un prêt à 0% pour les jeunes familles françaises transformé en subvention pour les couples qui auront un 3e enfant.
Construire en cinq ans 100 000 nouveaux logements étudiants.
Supprimer les impôts sur l’héritage direct pour les familles modestes et les classes moyennes.
Exonérer les donations des parents mais aussi des grands-parents à leurs enfants et petits-enfants jusqu’à 100 000€ par enfant tous les dix ans.
La famille, à l’extrême droite, c’est toujours louche. On aurait pu sauter ce point, sauf que tout ici repose sur des questions fiscales, donc relevant de l’économie.
- Pour l’heure, le deuxième enfant vaut pour une demi-part fiscale.
- Alors évidemment, les mères isolées est un thème orienté « social ». Effectivement ces dernières sont plus exposées à la précarité. Sauf qu’au RN, on ne peut pas caler une mesure sociale sans une mesure de contrôle. Gros bémol pour ce point là.
- Ce prêt à taux zéro est destiné à l’accès à la propriété. En clair, pour le RN, si vous faites 3 enfants, le gouvernement finance une part de votre logement. Comme repère, on peut vous indiquer que 20% des familles ont au moins 3 enfants.
- Le nombre de 100 000 logements semblent relativement symbolique. Comme repère, la France compte 750 000 boursiers pour 230 000 logements étudiants.
- Encore supprimer un impôt…. Les successions, c’est pas de gauche. En effet, c’est par ce biais que le capital financier et patrimonial est transmis. En revanche, ici, il s’agit d’exonérer (décidément!) les familles modestes et les classes moyennes, c’est à dire, celles qui ont le moins de patrimoine à transmettre. Purement symbolique.
- Enfin, exonérer les donations de son vivant jusqu’à 100 000€ est par contre moins symbolique, mais ne touche que ceux qui ont déjà un patrimoine suffisant. Le plus rigolo, c’est que ça existe déjà, mais cette exonération court sur 15 ans, cette mesure ronflante ne serait en fait qu’un raccourcissement de la durée à dix ans.
9 Garantir à nos aînés une retraite sereine et digne.
Réindexer les retraites sur l’inflation pour un pouvoir d’achat respectueux d’une vie de travail.
Revaloriser le minimum vieillesse à 1 000 € par mois et augmenter les petites retraites.
Refuser tout allongement de l’âge de départ à la retraite.
Permettre à ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans pendant 40 annuités de prendre leur retraite à 60 ans.
Restaurer la demi-part fiscale en faveur des veuves et veufs.
Créer un droit opposable aux visites dans les établissements et accroître fortement la présence de personnel médical dans les EHPAD.
La retraite à 60 ans… sauf en cas de mauvaise conjoncture. C’est ça l’astuce du RN. Rappelons que notre système par répartition repose justement sur le fait qu’en cas de difficultés de financement, il permet de prendre sur le profit, qui lui se porte bien. Merci pour lui.
10 Assurer enfin les droits de nos compatriotes en situation de handicap.
Déconjugaliser et revaloriser l’Allocation Adulte Handicapée.
Lancer un grand plan sur l’accès à la scolarité pour les enfants touchés par le handicap.
Appliquer la loi sur l’accès à tous les lieux et transports publics.
Revaloriser et augmenter la durée des aides destinées aux proches aidants.
Un grand plan? Laissez nous deviner… 100 000 places dégagées pour des élèves handi ?
11 Instaurer le Référendum d’Initiative Citoyenne et mettre en place la proportionnelle.
Ça s’adresse aux gilets jaunes.
La terre ne ment pas
12 Assurer notre indépendance énergétique pour baisser la facture des Français.
Rendre aux ménages les 5 milliards de subventions versées notamment aux éoliennes.
Arrêter les projets éoliens et démanteler progressivement les parcs existants.
Relancer la filière nucléaire, hydroélectrique et investir dans la filière hydrogène.
Sortir du marché européen de l’électricité pour retrouver des prix décents.
Mais pourquoi en veulent-ils tant aux éoliennes !? Pour commencer, cette histoire part d’un mauvais calcul. Quoiqu’il en soit, il est important dans un parc énergétique renouvelable de ne pas défendre d’une seule source d’approvisionnement, et l’éolien est une option parmi les autres. Comme dit l’adage, on ne met pas tous ses œufs dans le même panier. Ça vaut également pour le nucléaire, qui présente bien des questions en terme de sécurité et de cout, mais qui a le mérite de ne pas (ou peu) émettre de gaz à effet de serre.
En ce qui concerne le marché européen de l’électricité, c’est l’Union Européenne qui a imposé la privatisation à marche forcée des services publics (dont en France, EDF) ainsi que l’indexation des prix du gaz et du pétrole. La guerre en Ukraine a démontré que si le prix du gaz flambe, la facture des usages d’EDF aussi.
Alors c’est de gauche ça? En tous cas, la libéralisation des marchés ça ne l’est pas. C’est une mesure visant à une instaurer une concurrence. En revanche, défaire ce mécanisme semble aujourd’hui difficilement envisageable à court terme.
13 Défendre nos agriculteurs et une alimentation de qualité pour tous.
Garantir aux paysans des prix respectueux de leur travail et mettre un terme aux marges abusives de la grande distribution.
Interdire les importations de produits agricoles ne respectant pas les normes de production française.
Contraindre les cantines à utiliser 80% de produits agricoles français.
Mettre en place un « plan abattoirs » pour assurer des conditions dignes et interdire l’abattage sans étourdissement.
Généraliser l’étiquetage sur l’origine et la qualité des produits alimentaires.
Pas vraiment une partie économique du programme.
14 Lancer un plan de soutien d’urgence pour la santé de 20 milliards d’euros.
Arrêter les fermetures des lits à l’hôpital public et des maternités.
Revaloriser les salaires des personnels soignants à hauteur de leur travail.
Investir dans les technologies de santé et rapatrier la fabrication des médicaments.
Créer des urgences gériatriques dédiées à nos aînés.
Supprimer les ARS et réduire à 10% les postes administratifs dans les hôpitaux pour libérer des moyens pour les soignants.
Agir contre les déserts médicaux grâce à des incitations financières fortes pour les soignants et augmenter le nombre de maisons de santé.
Donner plus de place à la prévention, notamment grâce aux visites médicales scolaires qui redeviendront systématiques.
En voilà une idée qu’elle est bonne ! Au sortir de la pandémie du Covid, tout le monde est d’accord sur ce sujet, la santé a besoin d’aide. C’est d’autant plus facile à affirmer que nous sommes tous concernés. Alors si en plus vous habitez dans un désert médical…
Encore beaucoup d’argent dépensé, sans un euro qui rentre. Quant à supprimer les ARS pour dégager du budget, c’est laisser croire que le secteur de la santé va se gérer tout seul. C’est le mythe qui consiste à faire croire que des grattes papiers grignoteraient tout le budget que les pauvres médecins n’auraient pas. Alors moins de lourdeurs administratives, c’est évidemment séduisant, mais attention à ne pas oublier quelles sont les prérogatives des ARS.
15 Restaurer notre système éducatif pour qu’il retrouve sa mission de transmission des savoirs.
Remettre au cœur des programmes l’enseignement du français, des mathématiques et de l’histoire.
Revaloriser les salaires des enseignants et refonder leur formation.
Rétablir l’autorité de l’institution scolaire par l’instauration d’un uniforme au primaire et au collège tout en sanctionnant les absences et les incivilités.
Supprimer la bureaucratie de l’Éducation nationale pour libérer des moyens financiers, réduire les effectifs des classes et arrêter les fermetures d’écoles.
Parce que c’est bien connu, les enseignants enfilent des perles. Encore une fois c’est la bureaucratie qui est montrée du doigt. Un peu facile, on sent qu’on arrive au bout de leurs idées.
En revanche, la revalorisation salariale des enseignants est bien une revendication qu’on retrouve à gauche. Mais elle est souvent associée à des principes qui tranchent avec ceux du RN : une tête bien faite plutôt qu’une tête bien pleine, liberté académique, etc…
Patrimoine, Ô mon patrimoine
16 Supprimer l’IFI qui taxe l’enracinement et créer un IFF, impôt sur la fortune financière, pour taxer la spéculation.
C’est ce qu’on appelle les retraités de l’île de Ré. L’IFI est un impôt sur le patrimoine qui s’abat parfois injustement. Dans notre exemple, des rétois de toujours se trouvent assujettis à cet impôt uniquement parce que leur maison a pris de la valeur foncière liée à la demande importante des bourgeois. Injuste pour eux, mais pour les plus fortunés, ce n’est que justice. Un juste milieu est probablement envisageable.
Mais non, Marine Le Pen oriente son programme politique vers une ligne démago : suppression de l’IFI et remplacement par un impôt sur la fortune (l’ISF a été supprimé par Emmanuel Macron), mais encore une fois, il y a tout un tas d’exonération (jusqu’à 300 000 € de patrimoine et sur les œuvres d’Art, sur le patrimoine historique). Cette incroyable corne d’abondance serait allouée au financement de la politique nataliste du RN (vous savez, le prêt à taux zéro dont on parlait plus haut).
17 Favoriser l’accès à la propriété et au logement des Français.
Construire 100 000 logements sociaux par an dont 20 000 en faveur des étudiants et jeunes travailleurs.
Lancer un plan de réhabilitation de l’habitat ancien grâce à des aides efficaces.
Créer un Fonds de Garantie des Loyers pour protéger les propriétaires.
Encore 100 000 logements, mais notez le coup fourré, il n’en reste plus que 20 000 pour les étudiants.
Le réflexe protectionniste
18 Mettre en place le patriotisme économique pour réindustrialiser et produire les richesses en France.
Donner la priorité aux PME pour les marchés publics.
Conditionner les subventions à la création d’emplois au titre d’une politique d’aménagement du territoire.
Supprimer la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) qui pénalise les PME-TPE locales et les impôts de production qui nuisent à la relocalisation.
Protéger notre économie de la concurrence déloyale et revoir les accords de libre-échange qui ne respectent pas les intérêts de la France.
On retrouve ici les grands principes de la préférence nationale. Les libéraux veulent une concurrence libre et non faussée, quitte à aller contre tout bon sens et faire décortiquer des pistaches à l’autre bout de la planète si ça permet de gagner trois francs six sous. L’extrême gauche ne voit que patrie, nation et drapeau.
Une mesure moderne serait de faire appel à des entreprises locales pour les marchés publics, puisqu’on fait la promotion des circuits courts, ça serait logique.
Pour le reste, il s’agit encore de supprimer des impôts sur les entreprises. À ce rythme là, les filous de l’optimisation fiscale vont quitter le Delaware, Chypre et les Bahamas pour venir s’installer à Issy-les-Moulineaux.
19 Créer un « fonds souverain français » pour augmenter la rémunération de l’épargne des Français et l’orienter vers des secteurs stratégiques et l’innovation.
Il existe déjà trois fonds de ce type en France, gérés notamment par la caisse des dépôts et consignation. Mais ici, on comprend que ça s’adresse aux petits épargnants, donc semblable au livret A.
C’est une mesure démagogique, non seulement parce que les rendements de l’épargne sont liés au besoin d’injection de liquidités dans l’économie locale (un taux d’intérêt trop intéressant a tendance à décourager les épargnants de consommer), et surtout il faudrait encore avoir de l’épargne, et ça commence à se faire rare, les bas de laine fondent comme neige au soleil.
Il faudrait donc pour favoriser l’épargne (si tant est que ça soit ce que l’économie demande pour le coup), un taux de rémunération supérieur à l’inflation. Pour rappel, cette année elle explose, 6% sur un an en avril 2023.
Il en reste un peu, je vous le mets quand même ?
Pour finir
20 Porter le budget de la défense à 55 milliards d’euros à l’horizon 2027.
Renforcer notre souveraineté et notre indépendance.
Garantir à nos soldats l’équipement et les moyens nécessaires pour garantir et protéger les intérêts nationaux.
Le budget de la défense est une affaire complexe. Les armées n’en ont jamais assez, et ce n’est jamais une urgence pour un pays en paix. Donc, l’augmentation du budget de la défense est en règle général un marqueur du camp réactionnaire. Notons tout de même qu’il se place en fin de programme.
Sauf que depuis les dernières présidentielles, il y a eu l’invasion de l’Ukraine par l’ami russe de Marine Le Pen, ce qui l’a poussé à revoir son amitié à la baisse, quand la France votait un budget de la défense à la hausse.
Des ministères en veux-tu en voilà
21 Créer un ministère d’État de la Mer et de l’Outre-mer.
En fin de programme, on retrouve les propositions les moins prioritaires. Et il faut gratter un peu dans les interventions de la candidate pour comprendre de quoi il en retourne. C’est en déplacement à Mayotte où elle explique sa vision des choses, basée encore une fois sur l’immigration par voie des mers.
Elle y annonce encore une fois une exonération, celle de l’octroi de mer sur les produits français.
En attendant, le gouvernement Borne a supprimé le ministère de la mer et rattaché bruyamment l’outre mer à l’intérieur.
22 Créer un ministère de la lutte contre les fraudes (fiscales, aux cotisations et prestations sociales, aux importations, ententes, etc.).
Attention, c’est très pernicieux ! C’est déjà une mission du ministère de l’Économie et des Finances dont dépendent la DGCCRF et les douanes, ainsi que la DGFIP. Donc, qu’est ce que ministère a de nouveau ? La lutte contre la fraude aux cotisations et prestations sociales.
C’est l’Urssaf qui se charge du recouvrement des cotisations sociales. C’est une des ambitions de la droite de défaire le système de gestion paritaire en digérant littéralement des organismes relevant de la gestion de la sécurité sociale, et ça a commencé dés la fondation de ce système.
Notez également qu’une partie de ces luttes se font au volet judiciaire, ce qui implique encore d’autres ministères. Alors ok, nous sommes coutumiers des usines à gaz et des comités Théodule en France. Mais ce fonctionnement relève également d’une histoire et d’une certaine approche.
Enfin, il existe déjà une mission de coordination, la MICAF dont c’est le rôle.
Alors le programme économique de Marine Le Pen est-il de gauche ?
Ben non… Et même, bien sur que non !
Il y a eu un virage. Néanmoins, tourner le dos à l’ultralibéralisme ne fait pas automatiquement une politique de gauche. Marine Le Pen et le RN adoptent plutôt un social-populisme. C’est à dire un discours démago à destination des classes populaires, avec tout de même la préférence nationale. Paradoxalement, ce programme bénéficierait surtout aux plus aisés, directement concernés par la plupart des exonérations.
Ça serait un quoi un programme économique de gauche ?
C’est peut être la question la plus essentielle. parce que c’est bien joli de nous parler de programme de gauche, mais quand c’est Eric Zemmour ou le Figaro qui nous l’affirment, on a légitimement le droit d’émettre des réserves.
Reprenons donc les choses à zéro. C’est quoi un programme économique de gauche ?
Le socialisme
Au plus radical, nous trouverons un programme économique qui repose sur la sortie du capitalisme. On parle de là d’une refonte totale de notre organisation économique et politique. Plus de capital, la collectivité organise elle-même l’économie selon ses besoins et ses ressources. Mais surtout il s’agit de l’émancipation des travailleurs qui possèdent désormais leur outil de travail et ne louent plus leur force de travail au plus offrant. Pour faire court, ça s’appelle un soviet et quoiqu’on en pense c’est ça le socialisme.
La sociale démocratie
Sans sortir du capitalisme (et non, il ne s’agit pas de transformer le pays en ZAD), il existe une marge de manœuvre pour la gauche d’exister n’en déplaise aux plus radicaux :
Nous devons rendre à César ce qui appartient à César (et que l’extrême droite n’a jamais imaginé) ! Ambroise Croizat, metallo cgt, militant communiste et ministre du travail de Vincent Auriol. À cet homme, nous devons la sécu, une assurance gérée par les syndicats pour tous les aspects de la vie des travailleurs : chômage, maladie, retraite.
À l’image de cet immense progrès, nous pouvons qualifier de programme économique de gauche tout ce qui relève du progrès social pour les travailleurs, revalorisation salariale, reconnaissance de la pénibilité, réduction du temps de travail. Le dernier progrès de ce type en France est la réforme des 35h et date de 2000.
L’autre aspect fondamentale est une fiscalité plus juste : taxer les profits, surtaxer les superprofits, un système plus juste de tranches qui évite les effets de seuil en particulier pour les foyers fiscaux les plus exposés à la précarité, etc…
La sociale démocratie d’opérette
D’un point de vue plus pragmatique, la gauche s’est confrontée ces dernières décennies à l’exercice du pouvoir et au cadre des accords entre puissances libérales européennes et mondiales. Prenons le tournant de la rigueur de 1983, quand après deux ans de relance, le gouvernement Mitterrand annonce un virage serré et une réduction des budgets et une augmentation des impôts. Une grande part de la défiance envers la gauche d’appareil s’est forgée à ce moment là.
Les sociaux-démocrates composent alors entre progrès sociétale et gestion réformiste timide du point de vue économique. On y parle de plus d’horizontalité, de dialogue, mais également de gestion paritaire.
Les résultats électoraux ne seront pas au rendez-vous.
Alors concrètement ?
Oui parce qu’une fois qu’on a posé une grille de valeur, on peut s’attendre au programme économique des Debunkers. À défaut de se lancer dans l’élaboration d’un programme, nous pouvons déjà commencer par suggérer des axes :
- des propositions liées à la baisse du temps de travail (sans baisse de salaire), moins d’heures, sur moins de jours, pendant moins d’années
- de meilleurs conditions de travail (plus de moyens pour l’inspection du travail et la médecine qui va avec)
- taxer les profits
- une imposition plus progressive (pour éviter les effets de palier)
- revalorisation des salaires (et au delà du dégel du point d’indice dans la fonction publique)
- Investissement public (et pas public/privé) dans les domaines de l’éducation, de la santé et des services publics en particulier dans les zones de relégation.
- Redonner un plus grand rôle aux syndicats
Et on peut disserter longtemps sur la transition écologique. Tout programme qui commence par l’immigration est de toute façon disqualifié d’office.
Un axe majeur de la dédiabolisation
Alors finalement, pourquoi on en est là ? Pourquoi est-ce que c’est important de préciser que l’extrême droite n’est pas de gauche, alors que soyons honnête, c’est quand même écrit dans le nom.
Les classes populaires
Et bien tout d’abord, parce que le RN ne se revendique pas d’extrême droite. Le parti agit même, avec l’ascension de Marine, dans le sens d’une dédiabolisation. Mais soyons lucide et reformulons le encore une fois : un parti qui base son programme sur l’immigration est d’extrême droite.
La candidate a fait son beurre sur un discours alliant les modes du moment : relocalisation, localisme alimentaire. Elle propose donc une troisième voie entre une gauche qui n’ose pas être anticapitaliste et un camp libéral-conservateur qui a le vent en poupe. De fait, l’extrême droite arrive en tête chez les gilets jaunes au premier tour des présidentielles, c’est à dire un profil parmi les plus précarisés, mais également les plus révoltés contre le pouvoir (notamment pendant la crise sanitaire).
De fait, la connotation vaguement sociale du programme économique de Marine Le Pen, en plus de sa posture anti-système (de façade uniquement) rencontre un succès certain auprès de certaines classes populaires dont le sentiment d’impuissance et d’invisibilité est immense.
Une complémentarité avec Zemmour
Le RN n’est plus le seul parti à occuper le créneau de l’extrême droite. Mais est-ce que Reconquête vient réellement conccurencer la famille Le Pen ? Pas du tout. Eric Zemmour a repris le flambeau du tout libéral et amène une offre complémentaire à celle du RN.
Son programme aussi démarre avec l’immigration et fait la part belle à la question sécuritaire. Le programme économique repose sur des éxonérations d’impôts sous couvert d’augmenter le pouvoir d’achat. Un discours qui s’adresse surtout à la petite bourgeoisie.
Conclusion
Comme nous l’avons vu, le programme économique de Marine Le Pen a un vernis social mais n’est pas de gauche. Alors pourquoi on en arrive là ?
C’est en partie de la responsabilité de l’aile gauche du spectre politique qui a tendance à s’enliser sur ces questions là. Le projet de société s’est effacé derrière une realpolitik sans perspectives.
Enfin, c’est évidemment tout l’intérêt du RN de viser des classes populaires qui se sont détournés de la gauche d’appareil, ainsi qu’un électorat moins regardant sur les questions sociétales (quand ces propositions ne confortent pas le conservatisme d’un certain électorat).
Bien entendu, pour nous, c’est une arnaque et définitivement, non son programme n’est pas de gauche.