24 juin 2022 | Temps de lecture : 4 minutes

Le dog whistle ou l’antisémitisme discret

Deux études de cas pour comprendre de quoi il s’agit

Nous avons profité de cette actualité chargée pour parler de « Dog whistle » et d’antisémitisme. Jacques Attali qui anime un pantin? Une caricature voyons. Un t-shirt où est inscrit « Qui ? » ? Purement esthétique…

C’est quoi le dog whistle ?

Le dog whistle est un procédé qui consiste à utiliser des signes compréhensibles par des initiés. Toutes les communautés utilisent des langages, c’est tout à fait normal, mais ici c’est un procédé politique. Et dans notre société occidentale de 2022, l’antisémitisme s’exprime souvent de manière codée.

On espère que tout le monde se souvient de Dieudonné et de son discours « c’est de l’humour ». La quenelle était à ce titre un excellent exemple. Les auteurs pouvaient se cacher derrière le fait que ce signe voulait dire absolument tout sauf être antisémite. Et de rire à gorge déployée devant cette interprétation de « salut nazi inversé« . Mais voyons, c’est juste un coup de gueule contre les élites, ceux qui nous gouvernent… à deux doigts du « vous savez qui ».

Donc le principe du dog whistle c’est d’arriver à faire passer des messages (ici du pur antisémitisme) sans être poursuivi par la justice. Car nous ne saurions trop le répéter, le racisme n’est pas une opinion.

Ce procédé ne concerne pas seulement l’antisémitisme. Même si la France des années 2010 est plus tolérante avec l’islamophobie, l’imagerie « saucisson pinard » popularisée par les apéros éponymes fonctionne sur le même principe.

Le dog whistle et l’antisémitisme

L’antisémitisme au Hellfest

Hellfest 2022. Cette édition du festival va être marqué par deux évènements :

  • la présence d’un groupe de black metal Polonais dont les concerts sont interdits en Allemagne et en Autriche à cause des forts soupçons autour du groupe et de son appartenance à la scène NSBM (National Socialist Black Metal…. des nazis quoi)
  • un technicien ou un bénévole (selon les versions) qui est visible au bord de la scène pendant plusieurs concerts avec des t-shirts aux messages cryptiques.

Et c’est ce monsieur qui nous intéresse aujourd’hui. D’abord détectée sur la plateforme Twitter, l’histoire est ensuite relayée dans Libé ; il y a bien une polémique antisémite.

Ces t-shirts ne sont vendus que sur la boutique de Soral, Kontre-Kulture.

Un Goyim, ou goy, c’est un non-juif. Il ne s’agit pas d’un terme péjoratif, mais ici, il s’agit de le revendiquer. En clair, au milieu d’une foule de 200 000 personnes, ça revient à dire « Coucou, je ne suis pas juif! ». Et pour qu’on soit absolument certain de comprendre le message, il faut regarder la police de caractère utilisée, une police gothique. De quoi rappeler les grandes heures de l’antisémitisme germanique.

Mais Goy n’est pas un mot antisémite. Dire « je suis goy » non plus. Écrire en lettres gothique non plus. Par contre, porter un t-shirt disponible seulement sur le site de Soral où est écrit Goy en lettre gothique est antisémite. Si la personne incriminée s’en défend, il restera toujours le bénéfice du doute.

Qui ?

Pris seul, le pronom relatif « qui » n’a pas grande valeur. Pourtant, c’est un classique du sociolecte antisémite.

L’ancienne candidate RN Cassandre Fristot défilait fièrement dans les rues de Paris lors du manifestation des gilets jaunes. L’affaire avait fait grand bruit. Sur sa pancarte, lancée naïvement l’expression « mais qui ? » qui feint de s’interroger sur la responsabilité (de quoi?). Le message est associé à une liste de noms (presque) tous juifs ! Étonnante coïncidence !

On pourrait se cacher derrière la dimension purement esthétique du mot et de l’interrogation candide. « je ne vois pas en quoi c’est antisémite, je voudrais vraiment savoir qui tire les ficelles ». Et systématiquement, ces représentations mettent en scène des personnalités juifs (Rothschild, Attali, Soros…).

La fresque d’Avignon

Cette semaine, un graffeur a peint une fresque sur le « parking des Italiens » à l’entrée d’Avignon. Un lieu bien connu de la scène artistique locale où la peinture est tolérée. Mais cette fois, c’est le portrait de Jacques Attali animant une marionnette Macron crée la polémique. C’est antisémite ça ? Oui.

Le graffeur Lekto s’est spécialisé dans le portrait facétieux. On retrouve des visages bien connus, et souvent un rejet très fort de la figure de Macron. Ça se traduit par l’appropriation d’à peu près toutes les figures qui s’opposent au pouvoir. Lekto semble d’ailleurs souvent peindre sur le même mur, le long d’une route fréquentée à l’entrée d’Avignon, gage de visibilité.

Ce qu’on peut voir, c’est qu’il y a une volonté de faire la blague, c’est évident avec les autres images disponibles sur son Instagram (florilège ci-dessus). Tout le problème est là, le juif qui tire les ficelles est une vieille rengaine antisémite, mais il n’est pas difficile de faire semblant de ne pas le voir et d’invoquer la liberté d’expression, l’humour… C’est le fond de commerce de Dieudonné.

Mais l’humour et la caricature peuvent être antisémite, ça ne dédouane absolument pas de l’intention de faire passer un message politique.

Plus d’un siècle que ça dure, comme on le voit sur la photo ci-dessus. C’est ce mécanisme qui désigne les juifs comme orchestrant en sous-main le capitalisme, le communisme, l’impérialisme… Tout !

Comme le souligne France bleu, alors que la mairie refuse d’effacer la fresque : « Des associations juives estiment que la peinture est antisémite. » puis « La fachosphère applaudit ». On se demande bien pourquoi.

Affaire Panamza

Oh tiens! Revoilà Hicham Hamza, mais si vous savez, l’animateur du site Panamza, nous en avions déjà parlé ici. Si vous vous demandiez, il est toujours antisémite, et ce n’est pas une surprise. C’est le collectif BTA (Balance Ton Antisémite) qui nous informe sur Twitter : Hamza est convoqué pour audition suite à la publication de cette caricature (voir ci-dessous). Un motif de fierté pour lui, on en attendait pas moins.

Ici encore, on trouve le même mécanisme : Rothschild tire les ficelles. Petite subtilité, Hamza qui ne fait pas dans la finesse a ajouté Eric Zemmour. Que voulez-vous, c’est plus fort que lui…

 

Et juste pour la blague,  le premier commentaire que nous avons anonymisé cette fois est une citation apocryphe que nous avions déjà débunké.

Conclusion

C’était donc une semaine riche en références antisémites.

Le dog whistle, c’est donc faire passer des messages antisémites de façon ne pas se faire prendre. Celui qui émet le message est conscient de la teneur de son message. Et il compte sur le fait que ce message est codé, que quelqu’un demandera, peut être sincère en quoi ce message est antisémite.

Paradoxalement, le dog whistle c’est cet antisémitisme si profondément ancré dans notre société qu’il arrive à utiliser des éléments de langage et à proposer une lecture politique des évènements en ne passant que par de petits signes.

Oui, c’est antisémite.

 

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