Le mardi 24 novembre sur Radio Classique et LCI, marion maréchal le pen était interviewée par Guillaume Durand.
Et bien sûr, on pouvait s’attendre à quelques hoaxes et contre-vérités. Notamment sur deux phrases très révélatrices :
Et
Dans un récent article le lab Politique https://www.europe1.fr/politique/le-pen-exclu-du-fn-marion-marechal-le-pen-aurait-prefere-temporiser-2504685 explique pourquoi c’est une escroquerie intellectuelle et prouve, citations de politologues à l’appui pourquoi le fn est et reste viscéralement d’extrême droite.
Citations et extrême droite
De notre côté, nous nous sommes intéressés à la citation de Staline. Pour plusieurs raisons que nous allons vous exposer au fur et à mesure.
Il faut dire que cette citation est très régulièrement utilisée sur internet, par des affidés de l’extrême droite justement.
A l’instar de la fausse citation sur les antifascistes de Churchill, nous avons voulu y mettre le nez…
Et c’est intéressant.
La citation exacte que l’on retrouve sur toute la fachosphère, des soraliens, aux identitaires en passant par riposte laique et aujourd’hui les fuhrettes du fn est communément celle-ci :
On trouve de nombreuses variantes que les « rédacteurs » d’extrême droite de tout type adaptent à leur sauce du jour sans aucun souci de véracité ou crédibilité, en même temps, ils ne sont pas là pour ca:
Problème.
Comme à chaque fois avec ce genre de citations, aucune source.
Il semble que l’occurrence la plus ancienne de cette citation sur le net, soit sur le bondyblog par un commentateur zélé d’extrême droite un certain « Robert Marchenoir ».
Olivia, de Clichy-Sous-Bois à Sciences-Po Paris
Robert qu’on retrouve un peu partout par la suite, sur la fachosphère d’ailleurs.
Mais de source point.
Alors nous avons cherché avec un autre auteur, et un autre site de la fachosphère semble affirmer qu’il s’agirait d’un certain Dmitri Manouilski.
http://www.fonjallaz.net/Communisme/N2/Nicole-Urss/Manouilski.html
Ce Dmitri fut un cacique du régime Stalinien, dans les années 30, un haut responsable du Komintern. Notons qu’il fut particulièrement lié au PC français, alors complètement sous influence Stalinienne.
Mais nouveau souci, pas de source.
Et enfin nous finissons par tomber sur un livre qui semble être la première occurrence de cette citation :
Écrit par un journaliste d’apparence sérieux, un certain Thierry Wolton.
Problème : aucune source.
Nouveau problème : dans un de ces autres livres, Thierry Wolton se fait littéralement descendre par des historiens pour un manque de sources et des méthodes farfelues…
https://fr.wikipedia.org/wiki/Thierry_Wolton
Mais soutenu tout de même par Kriegel et Furet…
Qu’en conclure ?
Mais ca nos fachos en goguette s’en moquent éperdument.
Le but des citations
Le premier des objectifs est d’apporter un crédit intellectuel et moral à une assertion. C’est ce que l’on nomme en rhétorique « l’argument d’autorité ». Si X l’a dit, c’est que c’est vrai, ca ne souffre pas de réponse. C’est une technique qui convient intellectuellement extrêmement bien à une tendance politique réactionnaire qui est basée sur le « fuhrerprinzip » ou culte de la personnalité que l’on ne remet jamais en cause.
On sait combien l’extrême droite manque de ces références d’où leur propension à tenter de récupérer les dires et pensée des autres :
Ils essaient de s’approprier Pasolini depuis des années:
Récupéré et mutilé par l’extrême-droite
Être la cible privilégiée de la haine de l’extrême-droite dans les années 70 puis susciter son admiration quarante ans plus tard: c’est la trajectoire que connaît la mémoire de Pier Paolo
Pasolini depuis quelques années. Alain Soral, qui se réclame selon ses propres mots d’un «national-socialisme à la française», ne tarit en effet pas d’éloges à son sujet.
Un jour, il rend hommage au film christique et révolutionnaire L’Evangile selon Saint-Matthieu. Un autre, il assure dans une vidéo que les cadres d’un mouvement néofasciste italien lisent Pasolini. Alain Soral se sert même d’une observation des Écrits corsaires sur le «fascisme de la société de consommation» pour mieux disculper le fascisme mussolinien.
Une utilisation qui détourne le raisonnement de Pasolini. Il est vrai que celui-ci a dépeint la mondialisation mercantile comme «le vrai fascisme» mais il estime par ailleurs dans Les Ecrits corsaires que la société de consommation ne fait qu’achever la logique du fascisme:
«Aucun centralisme fasciste n’est parveu à faire ce qu’a fait le centralisme de la société de consommation. Le fascisme proposait un modèle réactionnaire et monumental, mais qui restait lettre morte. Les différentes cultures particulières (paysannes, sous-prolétariennes, ouvrières) continuaient imperturbablement à s’identifier à leurs modèles, car la répression se limitait à obtenir leur adhésion en paroles. De nos jours, au contraire, l’adhésion aux modèles imposés par le centre est totale et inconditionnée. On renie les véritables modèles culturels. L’abjuration est accomplie. On peut donc affirmer que la « tolérance » de l’idéologie hédoniste voulue par le nouveau pouvoir est la pire des répressions de toute l’histoire humaine.»
Et nous avons nous même écrit sur ces tentatives de récupération:
- http://www.debunkersdehoax.org/les-fascistes-de-demain-ou-la-fausse-citation-de-churchill
- http://www.debunkersdehoax.org/l-extreme-droite-tue-jaures-une-troisieme-fois
- http://www.debunkersdehoax.org/certains-font-dire-beaucoup-de-choses-a-aldous-huxley-surtout-ce-qu-il-n-a-pas-dit
Mais dans le cas présent, il s’agit d’une variante. Utiliser un adversaire politique universellement haï (à juste titre) pour déconsidérer l’attaque de l’adversaire.
Comme au judo, il s’agit justement de retourner l’attaque en utilisant la force de l’argument contre lui.
Et au final utiliser exactement la technique de la fameuse FAUSSE citation de Staline, une projection paranoïaque typique de la pensée d’extrême droite.
Avantage non négligeable vous laissez sous-entendre que votre adversaire qui vous traiterais de fasciste est un stalinien de première catégorie. Et enfin, vous vous évitez de vous attaquer au fond. Et de lancer une nouvelle attaque… En politique, comme aux échecs, la meilleure défense est une attaque. Quitte à faire de la xyloglotte, au FN, comme ailleurs…
Non MMLP n’est pas d’extrême droite. Du tout.