27 octobre 2022 | Temps de lecture : 6 minutes

Donbass Insider et la propagande nucléaire

Un cas d’école de propagandisme Russe et ses relais.

Au travers de cette rumeur de bombe sale diffusée par les sources pro-russes, nous allons nous intéresser à Donbass Insider, relais de la propagande pro-russe en France (et surtout en français). Avec cet exemple, nous verrons donc un nouvel exemple des liens empoisonnés entre Russie et réseaux d’extrême droite.

Les rumeurs vont bon train.

La bombe sale, itinéraire d’une rumeur

Tout commence le dimanche 23 octobre. Après une bonne semaine à annoncer la destruction du barrage de Kakhovka (qui n’est pas arrivé), Moscou annonce la suite : l’Ukraine préparer une bombe sale pour… pour ?

capture twitter mfa russia
Des preuves imparables… ou pas.

Une bonne vieille rumeur comme on en fait plus!  Autant vous le dire, chez les Debunkers personne n’y croit. Nous n’allons pas nous charger de le debunker, d’autres s’en chargent déjà. En attendant, nous allons voir comment cette rumeur prend de l’importance.

La tension monte. Depuis dimanche, la Russie accuse l’Ukraine de préparer une «bombe sale». Ce lundi, elle affirme même que le pays est entré «dans la phase finale» de la fabrication de cette dernière. Une accusation fermement rejetée par Kyiv et ses alliés occidentaux qui ont, plus tôt dans la journée, affirmés ne pas être «dupes» face à cette «allégation».
Libération

Ce qu’on voit ici, ce sont des relais pro-Russes, des comptes twitter qui ne font que ça. Le même jour, les médias russes en font des émissions  spéciales, avec des théories toutes faîtes (théories plus au point que la prétendue bombe, apparemment).

Les relais classiques de la complosphère s’en mêlent. Asselineau qui n’est pas à une ânerie prêt ou Alexis Poulin par exemple.

Les médias mainstream relaient cette information également, c’est du neuf dans un contexte de blackout de la part de l’Ukraine sur la contre-offensive.

La bombe sale, c’est très vendeur! C’est même un très bon hameçon pour une rumeur alors que l’Ukraine dispose de centrales nucléaires. On serait même tenté d’y reconnaître le pitch du bouquin de Tom Clancy, « la somme de toutes les peurs »:

Le film prend place au début des années 2000, où un complot d’un groupuscule néo-nazi est mis en place visant à déclencher une guerre nucléaire entre les États-Unis et la Russie afin de faire régner le fascisme sur le monde. Jack Ryan, un analyste de la CIA, découvre et comprend les aboutissements du complot, et va devoir trouver un moyen de stopper l’horloge menant à la guerre nucléaire.

Donbass Insider, relais de la propagande russe

Christelle Néant n’est pas une inconnue chez les Debunkers. On a déjà croisé sa route en traitant du Donbass à plusieurs reprises (ici ou , par exemple).

https://twitter.com/DebunkerHED/status/1498719093905625092

Le vent change, pas la propagande

Évidemment, dés que la machine se met en branle, Donbass Insider relaie la propagande et consacre un article très complet sur la menace imminente. Pour être honnête, ce n’est pas le sujet le plus intéressant ; on y retrouve absolument tous les arguments évoqués.

Mais à mon sens ce n’est pas le seul but recherché tant par Kiev, que par Londres, Washington, ou même Bruxelles. Une provocation à la bombe sale permettrait à l’Ukraine de sécuriser le soutien occidental en matière d’armes et d’argent, en renforçant la propagande anti-russe présente en Occident, et en servant de diversion aux tensions sociales croissantes qui deviennent problématiques en Europe
https://www.donbass-insider.com/fr/2022/10/24/bombe-sale-destruction-du-barrage-de-kakhovka-les-jeux-dangereux-de-ukraine/

Naturellement, dans ce plan compliqué à l’extrême et aux bénéfices peu évident, Donbass Insider nous livre un avis inédit : Kyiv va condamner une région entière pendant des décennies pour un peu d’armement alors même que les Ukrainiens paient déjà un lourd tribut dans la libération de leur pays.

En revanche, cette rumeur tombe à point nommé au moment où les coupures d’électricité et de chauffage ne sont plus un sujet en Europe (En tous cas, ils n’occupent plus les médias).

Christelle Néant

L’histoire de Christelle Néant (ou Kristel Nean, c’est selon) est celle d’une jeune française qui se passionne pour l’histoire du Donbass au moment de l’épisode Maïdan. On ne sait pas grand chose d’elle avant, mais elle décide de s’installer à Donetsk où un certain nombre de Français sont partis rejoindre les rangs des combattants et sympathise avec les sécessionnistes.

capture donbass insider youtube
Christelle Néant (ou Kristel Nean), animatrice de Donbass Insider

Rapidement, elle s’investit et met son énergie au service de la cause : rétablir la vérité sur la Russie. Elle est régulièrement interviewée par Russia Today et se fait remarquer en accueillant les Brigandes. Son rôle dans la propagande va grandissant et elle crée Donbass Insider en 2018, comme le raconte Arrêt sur images :

Elle crée en 2018 Donbass Insider : présenté comme « un site d’information et d’analyse », le site d’actualité se dit « créé par des personnes travaillant en tant que journalistes et traducteurs depuis des années […] pour une agence de presse ». Le nom de l’agence de presse en  question, DONi Press, n’est pas mentionné… et pour cause, puisqu’il s’agit d’une agence de communication. Pour autant, Donbass Insider, site publié en français, en anglais et en russe, assure ne dépendre que des dons de ses lecteurs.

D’ailleurs, dans ce même article nous apprenons qu’elle a suivi la crise des gilets jaunes et relaie des messages complotistes sur le Covid. On n’en sera pas vraiment étonné.

capture site donbass insider
Donbass Insider revendique ne vivre que des dons.

Dans ses articles, comme nous l’avons vu, elle emprunte les éléments de langage de la communication Poutinienne, que ça soit les prétextes invoqués pour l’invasion (la dénazification) ou les réparations et l’aide humanitaire apportées aux territoires conquis (et rasés, la méthode Russe reposant avant tout sur la destruction des villes).

capture odyssee donbass insider
Le compte Odysee de Donbass Insider

Elle remplit parfaitement son rôle d’influenceuse de la Russie, mais tient aussi un rôle plus ambigüe sur les questions humanitaires.

Laurent Brayard

Laurent Brayard est la seconde personne active dans Donbass Indiser. Il s’agit d’un historien Français expatrié à Moscou. Dans une présentation pour le site « Palestine-solidarité », il se présentait il y a quelques années comme également journaliste pour la voix de la Russie (devenu Sputnik en 2014).

capture stratpol laurent Brayard
Le visionnaire Xavier Moreau de Stratpol interview Laurent Brayard sur leur longue amitié.

Il découvre le Donbass dés 2015 et participe déjà à la l’effet de propagande avant Donbass Insider.

L’humanitaire pas tout à fait désintéressé

Christelle Néant consacre une partie de son travail à mettre en valeur les initiatives humanitaires en faveur du Donbass. Il y a certes les dons Russes, mais également des reportages sur les actions d’une association française, Vostok France – Solidarité Donbass (VFSD). Cette association est basée à Annecy et son adresse postale est la même qu’une autre association : le cercle Franco-Russe d’Annecy.

La présidente de ces deux associations est Elena Kovrigina-Ruffo. On la retrouve épinglée dans un article de InformNapalm (un collectif de bénévoles qui rédigeait des articles sur les activités russes dans les territoires occupés, et qui a cessé de publier en Français depuis 2019). Nous apprenons donc que la présidente de l’association est très introduite dans les réseaux d’extrême droite en France. L’article soupçonne fortement des liens avec les services de renseignement Russe :

La présidente Elena Kovrigina-Ruffo y intervient en compagnie de André Chanclu ancien du groupe d’extrême droite GUD. L’aspect « sans politique », qui fait alors toujours partie du nom de l’association, ne tient visiblement plus, et un changement de nom vers « Vostok France-Solidarité Donbass » est déclaré.

La même Elena Kovrigina-Ruffo ira jusqu’à donner des interviews à égalité et réconciliation ou encore Novopress.

Conclusion

Que ça soit par le biais de la propagande Russe, par l’accueil de militants d’extrême droite ou via l’humanitaire, Donbass Insider est un chaînon logique dans une mécanique bien connue. Il y a une cohérence dans les liens entre l’extrême droite Française et Moscou, ce n’est pas un scoop, nous nous en étions nous même fait l’écho.

Encore une fois, on voit avec cette autre exemple que ces liens ne sont pas nouveaux et peuvent avoir des conséquences graves. Les rumeurs lancées par la Russie pour déstabiliser l’Occident sont appuyées par des fake grossiers. Mais l’information trouve toujours un chemin et des relais dans des canaux d’opposition prêts à tout pour s’en prendre à Macron, en France.

Affaire à suivre.

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