Le terme « théorie du complot » aurait été inventé par la CIA à en croire certains esprits éclairés.
Dans nos discussions avec des membres de l’extrême droite, nous avons pu constater un invariant: ceux ci n’aiment pas être qualifiés pour ce qu’ils sont. C’est à dire qu’ils n’aiment pas être appelés « fasciste » ou « complotiste ». Autant dire qu’avec notre habitude d’appeler un chat un chat, nous nous voyons souvent bloqués par notre interlocuteur en peine d’argument. Mais il arrive parfois que celui-ci nous sorte une réponse. Réponse que voici:
Dans la veine paranoïaque habituelle du conspirationiste de base, si vous niez le complot, c’est que vous en faites partie… Utiliser le terme de « théorie du complot » ferait donc de vous un complice de la CIA qui aurait inventé le terme dans le but de disqualifier ceux qui se considèrent eux-mêmes comme des « lanceurs d’alerte » et non ce qu’ils sont réellement: des dupes de l’extrême droite ânonnant inlassablement les mêmes vieilles lunes complotistes. Avec une préférence pour le complot « judéo maçonnique ».
En attendant cette thèse complotiste de l’origine du terme « théorie du complot » connait un succès indéniable comme le montre la première page de recherche google sur le sujet:
Les chercheurs en histoire/politique/sociologie s’accordent généralement pour affirmer que la première théorie du complot proprement dite fut celle, qui se répandit à la fin du XVIIIème siècle, portant sur la Révolution française. Pour Frédéric Charpier, ce sont les Mémoires pour servir à l’histoire du Jacobinisme, écrites en 1798 par l’abbé Augustin Barruel, qui constituent l’acte de naissance de « la première théorie du complot » : celle-ci ne voit pas la Révolution française comme le résultat d’un mouvement populaire spontané, mais plutôt comme le fruit d’une conspiration antichrétienne. Frédéric Charpier y voit le prototype qui contient l’essentiel des ingrédients des futurs récits conspirationnistes :
- une « idéologie réactionnaire »,
- une « subjectivité camouflée dans une fausse objectivité »,
- un « langage haineux ».
La Révolution française peut être ainsi vue comme le premier grand événement de l’histoire du conspirationnisme, dans la mesure où ce bouleversement a suscité des théories de tous bords. Car si l’idée fantasmatique de la Révolution comme coup d’État planifié était relativement partagée, il y avait à l’inverse une très grande diversité des interprétations quant à l’identité des supposés conspirateurs : clubs, loges et autres « sociétés de pensée » passant pour avoir prévu et organisé leur prise de pouvoir, régiments de la guerre d’Amérique, financiers et négociants gravitant autour du Club des jacobins ou du Club Massiac, etc. La conspiration dénoncée par l’abbé Barruel dans Mémoires pour l’histoire du Jacobinisme implique même des groupes beaucoup plus anciens, comme les Rosicruciens et les Templiers, qui auraient selon lui perduré. D’autres accusaient les nations étrangères : l’Angleterre, la Prusse… Réciproquement, des révolutionnaires ont accusé les girondins, les modérantistes, les Vendéens, les Autrichiens ou encore les fédéralistes, de comploter « contre » la Révolution.
Pour l’historien des religions Emmanuel Kreis, spécialiste du mythe du complot judéo-maçonnique :
« Avec la Révolution, commence l’ère de l’incertain et de l’indécis. L’histoire n’obéit plus aux plans divins, la société se trouve livrée à elle-même, sans vérité transcendante […]. Expérience traumatisante et vue comme contredisant l’ordre naturel, la Révolution ne peut qu’être le fruit d’une conspiration totale, omnisciente et omnipotente. La Révolution devient le fruit de manœuvres orchestrées dans les “arrière-loges”. C’est le début de la dénonciation du complot maçonnique ».
Kreis décrit, lui aussi, quelques constantes dans les théories du complot :
« Tout est lié, le complot ne laisse pas la place au hasard, tout acte entraîne une conséquence prévue », en somme, tout est écrit ; « le complot se joue de l’espace et du temps, il est normal qu’un événement particulier ait été provoqué par une cause éloignée dans l’espace ou le temps » ; et enfin « derrière ce que l’on croit voir il existe un monde clandestin dans lequel les conspirateurs agissent ».
On connait depuis le moyen age, les accusations horribles portées contre les juifs qui les accusent, notamment, de sacrifices d’enfants. Périodiquement des accusations confuses surgissent dans la population accusant des juifs d’être à l’origine d’événements. Mais ces événements n’ont pas de portée nationale ou internationale, contrairement aux thèses de Barruel.
C’est en 1797, que le terme connait une première « proto apparition ». L’Écossais John Robison fait paraître en 1797, « Preuves de conspirations contre toutes les religions et tous les gouvernements de l’Europe« , où il prétend montrer l’existence d’une conspiration des Lumières œuvrant au remplacement de toutes les religions par l’humanisme et de toutes les nations par un gouvernement mondial unique (ancêtre de la théorie du « nouvel ordre mondial » ressurgie ces dernières années).
L’expression complète de « théorie du complot » (traduction en français de « conspiracy theory ») connait sa première réelle occurrence en 1870 dans « The Journal of mental science ». On en trouve une seconde occurrence dans un article de « The American Historical Review » en 1909. Karl Popper reprend le terme à son compte en 1948 dans le texte de sa conférence au Xème congrès international de philosophie à Amsterdam, intitulée « Prédictions et prophéties
dans les sciences sociales ».
On est donc bien loin d’un terme soit disant inventé par la CIA…
Et d’ailleurs qu’en est il de cette assertion?
Le « mémo » cité par le panneau existe bel et bien. Sauf qu’il ne dit absolument pas qu’il faille traiter les opposants à la thèse officielle de l’assassinat de Kennedy de « théoriciens du complot ». Il détaille des arguments et parlent des opposants à cette thèse comme des théoriciens du complot ». Nul part ce terme est cité comme infamant. . Dont certains sont d’ailleurs eux-mêmes complotistes puisque le rapport attribue une origine soviétique à ces rumeurs…
CONCLUSION
-L’origine du terme « théorie du complot » date de 1870
-Il n’a pas été crée par la CIA dans une optique de déconsidéer les opposants (complotistes) à la thèse « officielle » de l’assassinat de Kennedy
-Le « fameux » mémo « COUNTERING CRITICISM OF THE WARREN REPORT » ne contient pas cet élément de propagande allégué par les complotistes.
Debunked !!!