Déjà en mai 2022, nous écrivions un premier article sur l’impact des sanctions occidentales contre la Russie Poutiniennen et les réactions de la fachosphère :
L’argument des trolls pro poutine est simple:
« les sanctions sont inefficaces, par contre NOUS en sommes lourdement affectés. ».
Le narratif derrière cette batterie d’argument est simple: l’UE est un nain économique, Poutine est le « maître du jeu », nos sanctions n’atteignent pas son pays de par notre faiblesse et sa force…
Or il faudrait rappeler qu’aujourd’hui, la seule force de Poutine, c’est le nucléaire. Ce n’est même plus son armée classique dont on sait désormais (au vu des échecs successifs militaires effarants qu’elle a subi en Ukraine) qu’elle serait battue aisément en combat « classique ». Et son point fort n’est certainement pas son économie dont le PIB atteint péniblement celui de l’Espagne.
Le narratif n’a pas changé à quelques virgules près. Et bien entendu plus les sanctions ont de l’effet (comme nous allons le voir), plus le discours se durcit et tourne en boucle chez les pro poutine. Pro Poutine « officiels », payés par les Russes et qui donnent le tempo; pro-Poutine idéologiquement (#RN, #UPR, #Philippot, etc.) et « dupes » de cette propagande qui ânonnent les mêmes contre vérités.
Sauf qu’ils commencent à sentir le vent du boulet, car la situation est littéralement catastrophique en Russie sur ce sujet.
Alors pour contrer cette réalité, leurs arguments sont assez standardisés:
- Les sanctions atteignent l’UE et pas la Russie
- Le taux de change du rouble
- La Chine et plus généralement les « BRICS »
Voyons voir ce qu’il en est…réellement.
1) Réalité du narratif Russe
a) Les obsessions des pro Poutine
Grâce à TalkWalker, nous sommes allé voir un peu les obsessions autres des pro Poutine et qui relayait cette propagande. C’est assez éloquent. Cette propagande est relayée -komparazarre- par l’extrême droite, fondamentalement pro-Poutine. Et il faut aussi se souvenir que cette même extrême droite cache et invente depuis des décennies sur l’état économique de la Russie et de son dictateur. C’est quelque chose de récurrent.
Et c’est quelque chose de normal au fond:
Ah ! Le difficile cas de la Russie, ce pays sur lequel l’extrême droite française fait un réel fantasme. Un fantasme fait de culte de la personnalité envers son dirigeant actuel Vladimir Poutine. Pour cette extrême droite, il s’agit d’un modèle à suivre en tout point. En effet, V. Poutine appuie son pouvoir autoritaire sur un nationalisme effréné rappelant les heures du Stalinisme. Un pouvoir autoritaire censé mettre la Russie sur le devant de la politique internationale, au niveau économique, mais également des valeurs de cette extrême droite.
Voyons donc voir un peu qui sont les comptes qui relayent cette propagande (en dehors bien sûr des comptes gouvernementaux français, des médias mainstream) ou bien des critiques trop rares du régime russe comme l’ami Cédric Mas ou l’ami Firas Kontar.
>>>Parenthèse au passage<<<
On ne peut que vous conseiller de suivre leurs comptes Twitter. Cédric Mas tient un point journalier de la guerre en Ukraine, c’est sourcé, et c’est passionnant. Quand à Firas Kontar on ne présente plus cet excellent activiste…
On retrouve à peu près les mêmes sur les discussions concernant le rouble:
Quand à leurs autres centres d’intérêt, ils sont significatifs:
Quand aux sujets eux mêmes et aux argumentations, elles n’ont guère changé depuis mai:
b) Continuité du discours pro Poutine
Et à commencer par les trois arguments sortis du chapeau de nos trolls russes:
- L’inflation
- La parité euro/rouble, le cours du rouble
- Les revenus croissants des énergies fossiles
Avec en ligne de mire le fameux argument: « -Les sanctions atteignent l’UE et pas la Russie »
Et qu’est ce qui « nous atteindrait »? L’inflation.
Sauf qu’à y regarder de plus près, cette phase inflationniste a commencé bien avant la guerre russo-ukrainienne et touche le monde entier:
Des pays « alliés » et qui n’appliquent pas les sanctions contre la Russie comme l’Inde et la Chine sont également touchés par cette inflation mondiale. Manifestement cette guerre n’a donc qu’un rôle d’accélérateur d’une situation déjà existante.
Alors quelles sont les raisons? Les possibilités sont au nombre de 4:
- La thèse orthodoxe:
Le niveau des prix suit la quantité de monnaie après un délai d’un an ou deux. Le « quoi qu’il en coûte » en serait donc la cause. C’est la thèse Fridmanienne. Il est amusant de constater que Poutine en bon ultra libéral accuse le cash flow de la période covid. Sauf que pour les économistes orthodoxes, la quantité de monnaie produite est corrélée au taux d’inflation. On devrait donc selon eux atteindre des quasi 100% d’inflation ce qui n’est pas le cas.
- Corrélation emprunt/demande
D’autres économistes affirment que la politique du « quoi qu’il en coûte » a décorrélé l’offre et la demande de façon exagérée. D’où une demande non satisfaite et une envolée des prix.
- Explication géographico historique
Les suivants expliquent ce phénomène par la désorganisation généralisée des flux d’approvisionnement consécutive à la période covid. Les chaines d’approvisionnement seraient bouleversées bloquant l’offre et favorisant ainsi une montée des prix.
- Explication géographico historique bis
Enfin une explication donne le prix des énergies et des matières premières en hausse provoquant la hausse des prix.
N’allons pas tirer les cheveux en 4, l’explication est sans doute multiple. Et des facteurs de manipulation des cours sont aussi certainement en cause. En effet la Russie avait anticipé son invasion et a ralenti ses livraisons de gaz et de pétrole. Elle a assuré ses contrats longs mais a pratiquement cessé d’accepter les contrats courts qui servent à faire face aux fluctuations temporaires. Les cours ont flambé. L’invasion de l’Ukraine a évidemment renforcé la pression.
2) Les arguments des pro Poutine ne tiennent pas
a) Inflation en occident et en Russie
Sauf que, comme nous l’écrivions déjà en mai:
Si l’inflation en France et en UE atteint des niveaux importants (5%) on est loin de « l’hyperinflation » évoquée par le posteur pro poutine publié ci dessus. Ou alors que dire de l’inflation russe qui atteint les …23% ??? La stagflation atteint d’abord la Russie qui connait une baisse de sa croissance de 10% . La Russie risque d’entrer dans sa pire récession depuis les années 1990. La même crise qui avait entraîné un tel mécontentement qu’il avait provoqué la chute des gouvernements de l’époque stoppée par l’arrivée d’un certain…Poutine. Le taux directeur de la banque centrale russe a atteint 14% (17 le mois dernier).
Soyons clairs, quand les pro Poutine disent que les sanctions nous affectent plus que la Russie de quoi parlent ils? De l’inflation. Et comme nous venons de le voir, l’inflation russe est sans commune mesure avec celle de la France mais aussi des pays occidentaux en général.
On pourrait imaginer que le PIB français va chuter?
Effectivement on peut supposer que le pays, mais aussi les USA, la zone UE et aussi la Chine entrerons en récession dans les prochains mois. Mais une récession de l’ordre du 0 virgule quelque chose.
Et en Russie? Plouf.
6 à 10% de récession. Le 6% (meilleur chiffre prévu) n’est que la conséquence de l’envolée des cours des énergies fossiles. Le secteur secondaire et tertiaire s’effondre comme nous le verrons plus loin.
b) Le rouble?
Avant dernier argument des pro poutine, la force du rouble. Certes le rouble est très haut.
Mais tout d’abord pourquoi et est ce vraiment une bonne nouvelle? En fait, la Russie a utilisé des méthodes très classiques.
Les raisons de cette santé sont triples.
- Tout d’abord et bien évidemment la flambée des cours des énergies fossiles.
- Augmentation des taux d’intérêts
- Contrôle des changes drastiques
Les taux d’intérêt ont plus que doublé pour atteindre 20 % . Les exportateurs russes ont été contraints de convertir 80 % de leurs revenus étrangers en roubles, et les russes ont été limités quant au montant qu’ils pouvaient transférer à l’étranger. Cependant, tous les experts soulignent que les trois facteurs – un contrôle strict des capitaux, des taux d’intérêt plus élevés et des prix des matières premières plus élevés – n’ont réussi qu’à ralentir ce qui sera une année « lamentable » pour l’économie russe. En fait, le niveau actuel du rouble donne une image fidèle de la balance des paiements, mais pas de l’économie sous-jacente, où les perspectives sont plus sombres.
En réalité, la « force » actuelle du rouble et son ancrage supposé sur l’or ne représentent rien d’autre que la faiblesse de l’économie russe et de sa gestion budgétaire face aux sanctions occidentales.
Il faut comprendre que la force du rouble, bien qu’elle ne soit pas entièrement illusoire, est le résultat d’une baisse extrême des niveaux d’échange et des propres contrôles de capitaux du gouvernement russe. Le rouble n’est pas encore tout à fait une monnaie inconvertible – les banques russes ne sont pas encore sous le coup d’une interdiction générale – mais presque toutes les transactions ont lieu sur la bourse russe MOEX. Les exportateurs sont tenus de vendre leurs devises étrangères à l’État.
Les contrôles monétaires de la Russie signifient également que l’arrimage rouble-or n’est pas un retour à l’étalon-or. Un étalon-or signifie que l’on peut librement échanger une monnaie papier contre de l’or. L’arrimage à l’or de la Russie, à l’inverse, devait forcer les producteurs et les vendeurs d’or russes à accepter un montant fixe de papier-monnaie pour leur production d’or.
AUCUN investisseur étranger notable n’a investi longtemps le rouble, car les contrôles des devises du Kremlin les empêchent de rapatrier leurs gains. Dans les pays voisins de la Russie, qui ont vu un afflux d’intelligentsia de Moscou et de Saint-Pétersbourg au lendemain de la guerre, le taux réel du rouble disponible à la plupart des guichets est bien inférieur au taux officiel.
Ce qui se passe, c’est que la banque centrale russe garantit un taux de change artificiel pour les Russes, mais surtout pour les importateurs russes. Ce faisant, l’État russe perd des devises fortes à chaque transaction, c’est pourquoi les réserves de change de la Russie ont diminué de 39 milliards de dollars en mars alors même que sa banque centrale a été empêchée par des sanctions d’intervenir directement sur les marchés du rouble.
L’État russe doit remplir ce rôle car la demande de rouble de l’étranger reste négligeable.
Si le rouble devient complètement inconvertible, la Russie pourrait être forcée d’adopter un système à double monnaie avec une version convertible et non convertible, comme on le voit à Cuba ou en Chine avec son yuan domestique et offshore (CNY et CNH), respectivement.
Pour l’instant, la Russie peut maintenir son illusion de force du rouble grâce à un fort excédent du compte courant, ce qui signifie qu’elle a de la monnaie forte à dépenser, même si elle a fait face à son premier défaut de paiement depuis 1917 et a vu la plupart de ses actifs gelés.
De façon significative, les trolls pro poutine n’abordent JAMAIS ces explications et ce qu’elles entraînent.
Car en réalité:
c) La coopération avec la Chine
La fachosphère met régulièrement en avant « l’indéfectible amitié » entre la Russie et la Chine qui sauvera la Fédération de Russie. Sauf qu’au delà des mots, il y a les actes et les faits…
Du coté des mots, il y a le discours sur l’amitié sino russe et des discours impérialistes en apparence semblables.
- La monnaie
Un des gros fantasmes de la fachosphère, c’est l’effondrement du dollar et son remplacement par le yuan ou une monnaie n’existant pas encore crée par les BRICS. Nous y reviendrons probablement un jour dans un autre article. Mais en attendant on trouve régulièrement ce genre d’article:
Qu’en est t’il? Certes le dollar perd régulièrement de sa superbe depuis 20 ans, sauf que son érosion est lente. Le dollar reste une valeur sûre. 60 % des échanges mondiaux se font en dollar, 21% pour l’euro. A peine 10% des échanges se font en monnaies diverses, et ce n’est pas le yuan qui prend le dessus:
Comme nous le documentons dans un récent document de travail du FMI , le rôle réduit du dollar américain n’a pas été compensé par des augmentations des parts des autres monnaies de réserve traditionnelles : l’euro, le yen et la livre. De plus, bien qu’il y ait eu une certaine augmentation de la part des réserves détenues en renminbi, cela ne représente qu’un quart de l’abandon du dollar ces dernières années, en partie en raison du compte de capital relativement fermé de la Chine. De plus, une mise à jour des données référencées dans le document de travail montre qu’à la fin de l’année dernière, un seul pays, la Russie, détenait près d’un tiers des réserves mondiales de renminbi.
Sauf que la grande majorité du commerce sino-russe n’est pas libellée en roubles, et même la minorité qui s’effectue en roubles est généralement liée au dollar, par exemple via les prix internationaux du pétrole et du gaz, ce qui signifie qu’il y a peu de financiarisation du rouble dans banques chinoises. Les entreprises russes, elles aussi, n’ont que peu d’expérience dans l’émission de dettes en yuans. Les pourparlers avec l’Inde pourraient quelque peu renforcer la demande, mais Delhi n’offre pas le type d’exportations dont la Russie a besoin, en particulier à la suite des sanctions technologiques occidentales. Les transactions commerciales entre Chine et Russie étaient libellées en dollars à hauteur de 90 % en 2013. En 2021, cette proportion est tombée à 36,6 %. Mais la principale devise qui s’est substituée au dollar est l’euro, qui représente actuellement 47 % des règlements en devises entre les deux pays. Le couple rouble-yuan ne dépasse pas 16 % des transactions bilatérales en devises.
Sauf que, contrairement à ce que ces articles de la fachosphère laissent suggérer, cet échange grandissant de devises résulte juste de l’achat d’énergies fossiles par la Chine. Qui en échange ne vend pas à la Russie la technologie dont elle a désespérément besoin:
Les données disponibles se terminent le 30 avril, donc l’analyse ne donne pas une image jusqu’à aujourd’hui, a déclaré Martin Chorzempa, chercheur principal et auteur de l’étude, dans une interview. Mais une analyse distincte des données uniquement chinoises jusqu’à la fin mai montre que les exportations chinoises vers la Russie sont restées bien en deçà des niveaux d’avant-guerre, ce qui suggère que Pékin se méfie d’aider Moscou, a déclaré Chorzempa.
« Après l’Union européenne, la Chine est le deuxième contributeur à la baisse des importations de la Russie depuis l’invasion, malgré la promesse du président Xi Jinping d’une coopération » sans limites « », a écrit Chorzempa, faisant référence à un partenariat que Xi et le président russe Vladimir Poutine ont annoncé peu avant. la guerre en Ukraine a commencé.
Pire, les entreprises chinoises de haute technologie ONT QUITTE le territoire russe…
Les grandes entreprises technologiques chinoises ont discrètement quitté la Russie face aux menaces de sanctions américaines, malgré la promesse de Pékin d’une relation «sans limites» avec la Russie. Le fabricant chinois de drones DJI a ouvertement annoncé fin avril qu’il suspendait ses activités commerciales en Ukraine et en Russie. D’autres entreprises, le fabricant d’ordinateurs portables Lenovo et le fabricant de téléphones Xiaomi, ont quitté la Russie avec moins de fanfare, interrompant les expéditions vers la Russie mais sans annonce explicite qu’elles le faisaient.
Les entreprises technologiques chinoises ont subi des pressions de la part du public et du gouvernement chinois pour rester en Russie. Le public chinois a largement soutenu la guerre russe et a vivement appelé les entreprises technologiques chinoises à être solidaires avec la Russie. En avril, le ministère chinois du Commerce a appelé les entreprises « à ne pas se soumettre à la coercition externe et à faire des déclarations externes inappropriées ». Malgré la pression des sources publiques et officielles chinoises, la sortie de ces entreprises montre que les entreprises chinoises ont peu d’ appétit pour enfreindre les sanctions américaines, d’autant plus que le commerce chinois avec la Russie ne représente que 2 % du commerce total de la Chine.
En fait tous les projets chinois en Russie stoppent.
Oups.
En fait le fameux soutien de la Chine se résume à des mots et des déclarations diplomatiques. Déjà en mai, le pouvoir chinois n’avait pas approuvé l’invasion, il s’était abstenu lors des votes à l’ONU. Le discours chinois est particulièrement tortueux sur ce sujet. Tout en soutenant à grand cris la Russie, la Chine ne reconnait pas la prétention d’unité territoriale russo ukrainienne, et elle ne reconnait pas non plus les nouvelles républiques fantoches du Donbass:
AFP : La Chine a toujours soutenu le principe de non-ingérence et le respect de la souveraineté des États. La reconnaissance par la Russie des « régions séparatistes » a-t-elle violé la souveraineté de l’Ukraine ?
Wang Wenbin : Ce matin, le Conseiller d’Etat et Ministre des Affaires étrangères Wang Yi a eu une conversation téléphonique avec le Secrétaire d’Etat américain Antony Blinken sur invitation. Le conseiller d’Etat Wang Yi a exposé la position de la Chine sur la question ukrainienne lors de la conversation.
La Chine suit de près l’évolution de la situation en Ukraine. La position de la Chine sur la question ukrainienne est cohérente. Les préoccupations légitimes de sécurité de tout pays doivent être respectées, et les buts et principes de la Charte des Nations Unies doivent être défendus conjointement. Ce qui s’est passé sur la question ukrainienne a beaucoup à voir avec le long retard dans la mise en œuvre effective de l’accord de Minsk-2. La Chine continuera de dialoguer avec toutes les parties sur la base du fond de l’affaire elle-même. La situation en Ukraine empire. La Chine appelle une fois de plus toutes les parties à faire preuve de retenue, à apprécier l’importance de la mise en œuvre du principe de sécurité indivisible, à désamorcer la situation et à résoudre les différends par le dialogue et la négociation.
[…]
Reuters : La Chine reconnaît-elle la République populaire de Donetsk et la République populaire de Lougansk comme deux nouveaux États indépendants ?
Wang Wenbin : Je viens d’exposer la position de la Chine sur la question ukrainienne. Il y a un contexte historique complexe et des facteurs compliqués en jeu sur cette question. La position de la Chine sur la question ukrainienne est cohérente et claire et reste inchangée. La Chine soutient que les différends doivent être résolus pacifiquement conformément aux principes de la Charte des Nations Unies. Nous appelons les parties concernées à faire preuve de retenue, à résoudre leurs différends par la négociation et à éviter une nouvelle escalade des tensions.
Décidément:
« Reste à distance de tes ennemis et garde-toi de tes prétendus amis. » Siracide 6:13
Dès 2014, la Russie avait entamé la construction de deux gazoducs vers la Chine « Power Of Siberia » 1 et 2. Ils pourraient transporter environ 80 milliards de m3 de gaz vers la Chine. Sauf qu’en réalité, c’est très peu en regard aux 136 milliards de mètres cubes que Gazprom exportait vers l’Europe.
Au plan pétrolier, Rosneft vient de signer un accord de long terme avec le chinois CNPC pour la livraison de 100 millions de tonnes de pétrole brut sur 10 ans, soit 10 millions de tonnes par an, ce qui est ridicule en regard des 230 millions de tonnes en 2021 vers l’occident.
Or la Russie a besoin de cash aujourd’hui et le futur ne lui promet pas une rente pétrogazière aussi importante. A court, moyen et long terme cela ne sent donc pas bon pour la Russie.
Au final la Russie se retrouve prise dans une relation asymétrique avec le pouvoir chinois. Au point que beaucoup d’analystes voient la sortie de la guerre en Ukraine comme une quasi vassalisation de la Russie envers la Chine.
3) Alors qu’en est il réellement de la situation en Russie?
a) Propagande russe sur les données économiques
Disons le, il est impossible de faire confiance à la Russie pour le savoir. Parce que tout d’abord la Russie ment:
Mais aussi et surtout (et peu de gens le savent) parce que la Russie a stoppé très tôt la publication de ses indices économiques !!!
- Le Service fédéral des impôts (FTS) a cessé en avril de publier des chiffres mensuels sur les importations et les exportations (les chiffres les plus récents couvrent janvier). Le directeur du FTS, Vladimir Bulavin , a déclaré que cela était nécessaire pour éviter « des estimations inexactes, des spéculations et des incohérences ». Auparavant, le service ne classifiait que les informations sur le commerce russe d’articles militaires, d’avions et de matières nucléaires. De même, la Banque centrale a annulé ses rapports mensuels sur le commerce extérieur de biens basés sur la balance des paiements (les données de février devaient être publiées le 11 avril). Les données sur les volumes des échanges au sein de l’Union économique eurasienne dirigée par Moscou ont également « disparu » . Le journal Kommersant décritles actions du FTS et de la Banque centrale comme « stupides » et ont qualifié de « ridicules » l’ interdiction par le ministère de l’Énergie des données sur les importations de pétrole – les États étrangers auront toujours accès aux informations clés et aux services d’information sur l’énergie Argus, Platts et Bloomberg ne comptent pas sur les informations du ministère de l’Énergie pour compiler leurs données.
- La Banque centrale a cessé de publier des informations détaillées sur ses réserves internationales en mars. Seuls les chiffres généraux sont désormais mis à jour (aucune information n’a été fournie sur les actifs dans lesquels les réserves ont été investies). La raison probable en est que, après que les sanctions occidentales ont été imposées à la Banque centrale, la Russie a perdu l’accès à environ 300 milliards de dollars de ses réserves. Seules les réserves d’or de la Banque centrale et les réserves de Yuan chinois restent accessibles. Et ceux-ci ne seront utilisés qu’en cas d’absolue nécessité (par exemple , pour financer des importations indispensables).
- En mars, le gouvernement russe a autorisé les entreprises dont les actions sont négociées en bourse à décider des informations à divulguer. Ils ont la possibilité de refuser de publier des données jusqu’à la fin de cette année s’il existe une menace de sanctions contre l’émetteur ou toute personne nommée dans un rapport.
- La Banque centrale a également autorisé les banques à cesser de déclarer selon les normes comptables russes. Et cela a permis à toutes les institutions financières (y compris les compagnies d’assurance) de dissimuler des données sur les actionnaires de contrôle et les membres des organes de direction.
- Enfin, le régulateur du transport aérien RosAviatsia a officiellement cessé cette semaine de fournir des données sur le nombre de passagers (il n’y a pas eu d’informations depuis février).
Il est bien évident qu’un tel blackout sur les données économiques montre de façon évidente de gros soucis pour l’économie russe. Cependant de rares indicatifs ont fuité:
Alors à défaut d’autres chiffres nous sommes obligés de constater des faits, des signaux faibles… Mais qui mis bouts à bouts montrent une dégradation apocalyptique de la situation économique en Russie.
b) Secteur primaire
- Les projets de gazoducs asiatiques planifiés de longue date actuellement en construction sont encore à des années de devenir opérationnels, et encore moins de nouveaux projets lancés à la hâte, et le financement de ces coûteux projets de gazoducs désavantage également désormais la Russie .
- Les données publiées par la société énergétique publique russe Gazprom montrent que la production a déjà baissé de plus de 35 % en glissement annuel en juillet.
- La Russie est en passe de perdre sa suprématie sur la production d’énergies fossiles.
c) Secteur secondaire
- Cependant quelques rares statistiques percent en France sur la production russe:
Voitures : -96,7% (3 700 voitures) Camions : -39,3% Moteurs ICE : -57% Wagons de train : -59,8% Wagons de fret : -51,8% Câbles en fibre de verre : -80,8% Réfrigérateurs : -58,1 % Machines à laver : -59,2% Moteurs électriques à courant alternatif : -49,9% Ascenseurs : -34,7% Excavatrices : -60%
- Les secteurs les plus dépendants des chaînes d’approvisionnement internationales ont été frappés par une inflation débilitante d’environ 40 à 60 %, sur des volumes de ventes extrêmement faibles. Par exemple, les ventes de voitures étrangères en Russie ont chuté en moyenne de 95 % dans les principaux constructeurs automobiles, les ventes se sont complètement arrêtées.
- Les entreprises mondiales représentent environ 12% de la main-d’œuvre russe (5 millions de travailleurs) et, à la suite du recul des entreprises , plus de 1 000 entreprises représentant environ 40% du PIB russe ont réduit leurs activités dans le pays, annulant trois décennies d’investissements étrangers. et étayant la fuite simultanée sans précédent des capitaux et des talents dans un exode massif de 500 000 personnes , dont beaucoup sont exactement les travailleurs hautement qualifiés et techniquement qualifiés que la Russie ne peut se permettre de perdre.
- Problèmes graves dans le secteur du mobilier:
« Les colonies pénitentiaires peuvent tout à fait remplacer IKEA » dans la production de mobilier, déclare un responsable régional de l’admin. pénitentiaire russe. « Notre qualité est meilleure et nos prix sont plus bas. » On dirait du Gorafi, mais non. https://t.co/UGkhja48k2
— Anna Colin Lebedev (@colinlebedev) July 28, 2022
- Début des conséquences sur l’industrie militaire russe: la société « Buk » (fabrication de système anti aériens) a stoppé sa production.
- La Chine prend la place des russes dans les ventes de matériel militaire.
- Enfin une photo qui circule donne une petite idée du niveau de l’industrie russe:
Il s’agit donc du « museau » d’un BMP3 russe. Quand on voit les spécifications d’un Caesar français on prend peur…
d) Secteur tertiaire
- Le marché de la logistique est un bon indicateur. De combien les taux de fret ont-ils chuté à travers la Russie ? Les estimations varient, et les taux sont très variables suivant les régions. Mais depuis fin février, les taux de fret chutent de 30 à 40 %, certaines (société Oboz) donnant des estimations aussi basses que 25 % et d’autres (société Deliver) donnant jusqu’à 50 %. Par exemple, selon la bourse de fret les échanges dans le sens Moscou-Saint-Pétersbourg ont chuté de 34,3%. La baisse du taux de fret reflète la diminution générale du commerce interrégional. Il y a maintenant beaucoup moins à expédier, par conséquent les tarifs baissent. Et pourtant, les coûts réels du fret montent en flèche en raison de la pénurie de camions et de pièces détachées. Le coût de ce dernier a augmenté de 70%! La dépendance à l’égard des importations des entreprises de camionnage russes peut sembler surprenante étant donné que sur le papier, les importations russes se sont largement substituées. Théoriquement, la plupart des camions russes sont soit russes (Kamaz, GAZ, ZIL, Ural) soit produits en Biélorussie (MAZ). Dans la pratique, l’industrie automobile russe dépend entièrement des importations. Toutes les machines-outils, tous les instruments, tous les équipements sont importés. Et ils ne sont importés de Chine… Quelles informations peut-on tirer des données du marché russe du fret ? Tout d’abord, nous constatons que l’immense pays perd progressivement sa cohésion. Considérez que les trois moyens de transport : les voies aériennes, les automobiles et même les chemins de fer dépendent tous fortement des importations. La situation avec des taux de fret en baisse de 30 à 40 % et des prix des pièces de rechange en augmentation de 70 % est insoutenable, surtout si l’on considère que le camion moyen en Russie a 21 ans d’age. Très bientôt, communiquer ou commercer avec des provinces lointaines deviendra un problème majeur.
Par contre, les données de fret nous permettent de suivre les principaux canaux de contrebande que la Russie utilise actuellement. Alors que la demande dans la plupart des directions diminue, il y a une direction avec une demande qui monte en flèche (plus de +100 %) . C’est la Géorgie. Par conséquent, c’est le principal canal de contrebande désormais. - Effondrement de la société de transport Aeroflot.
e) Vie quotidienne du russe/données générales
- Bien que les chiffres du chômage soient restés globalement stables, la plateforme de recrutement en ligne HeadHunter a constaté que le nombre d’offres d’emploi annoncées avait chuté de 28 % en avril par rapport au mois de février d’avant-guerre. Les offres d’emploi dans les domaines du marketing, des relations publiques, des ressources humaines, de la gestion et de la banque ont chuté de 40 à 55 %.
- Environ 15 à 20 % des magasins des centres commerciaux de Moscou sont désormais fermés, selon Knight Frank Russia.
- D’ici la fin de l’année, jusqu’à 20% de l’ensemble des bureaux de Moscou pourraient également être libérés, a déclaré ILM, principalement en raison du départ d’entreprises occidentales.
- Il est difficile de dire exactement dans quelle mesure les importations ont chuté, car les autorités russes ont cessé de publier des chiffres. Mais en utilisant plutôt les données de 20 des plus grands partenaires commerciaux de la Russie, les économistes de l’Institute of International Finance ont estimé que les importations en avril avaient chuté de 50% par rapport au même mois de l’année précédente.
- Les données sur les perceptions de TVA sur les biens nationaux montrent à quel point la consommation commence à baisser et l’activité économique à décliner. Selon le ministère des Finances, les recettes de TVA ont chuté de 54% en avril par rapport à l’année précédente.
- La Douma a suggéré l’introduction de cartes de rationnement…
- Le nombre de Russes qui ont perdu leur emploi en raison du retrait des entreprises occidentales du pays est estimé à 600 000
- De grandes entreprises nationales russes comme AvtoVAZ, Ural Airlines, les aéroports de Moscou-Cheremetievo et de Vnoukovo, et d’autres, ont également annoncé la suspension partielle de la production et la mise à l’arrêt de leurs employés. Le « chômage caché » augmente dans le pays: les gens ne sont pas licenciés, mais ils sont placés en congé sans solde ou à temps partiel. Bientôt, il serait possible que des centaines de milliers, voire des millions de Russes aient officiellement un emploi, mais pas de salaire.
- Aujourd’hui, même les médias russes pro-gouvernementaux soulignent l’augmentation «significative» du nombre de crimes depuis le début de l’«opération spéciale», même s’ils l’attribuent aux migrants.
- Les compagnies d’assurance russes prévoient ainsi la hausse des vols de voitures pour en récupérer les pièces. Selon les propriétaires de voitures, les prix de l’entretien ont déjà doublé. Dans ce contexte, la demande pour des systèmes antivol a déjà été multipliée par quatre à Moscou.
- Le 23 mars, des employés du magasin HardSafe ont déclaré au magazine économique russe RBC que la demande pour tous les types de coffres-forts avait augmenté de 100%. Parmi ces coffres-forts, certains sont destinés à abriter des armes. De fait, d’après les représentants des magasins d’armement, les Russes achètent en masse des carabines telles que Saiga, Beretta Bellmonte, Huglu, ainsi que des munitions.
- La demande de moyens d’autodéfense classiques comme le spray au poivre a également augmenté: certains vendeurs parlent d’une multiplication par trois des ventes.
- Les ventes de détail, mesure de la consommation, ont ainsi baissé de 9,7 % en avril sur un an, et de 11,3 % sur un mois.
- Plus d’accès aux équipements 5G
- Près de 200 000 employés du secteur de la high tech ont quitté le pays
CONCLUSION
Comme nous l’expliquions dans notre premier article, les sanctions économiques contre la Russie sont une énorme épine dans le pied pour celle-ci, et la fachosphère fait preuve d’une grande mauvaise foi. Et la situation s’est tellement aggravée que désormais la Russie a perdu ce fameux pied et est en passe de perdre maintenant la jambe. C’est évidemment pourquoi ce sujet est récurrent dans la fachosphère. Et ce souci devient tellement prégnant que la Russie a organisé une conférence « anti sanctions » dont des politiques français…du rassemblement national bien entendu en la personne du très poutinien Thierry Mariani.
Lors d’une conférence anti-sanctions « économie contre les sanctions » soutenue par le Comité économique de la Douma, des politiciens, hommes d’affaires, des délégations d’une dizaine de pays dont l’Autriche, la France, la Biélorussie se sont réunis le 25 avril dernier, à Moscou. pic.twitter.com/HJbNV41PJd
— Stéphane Kenech (@stephanekenech) July 28, 2022
A moment où le #RN a maintenant investi des secteurs stratégiques de l’assemblée nationale de la commission de la défense de l’Assemblée nationale et la délégation parlementaire au renseignement, cela ne peut que nous rendre inquiet. Un parti qui doit de l’argent à la Russie et copine avec celle ci depuis des décennies ne peut qu’être suspect.
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