10 novembre 2014 | Temps de lecture : 14 minutes

Un ami d’Hervé Gourdel dénonce: Les identitaires tentent de récupérer sa mémoire

Mathieu Vernerey, ami d’Hervé Gourdel a contacté les Debunkers. Il a été scandalisé par l’entreprise systématique de récupération de la mort de son ami par les identitaires et en particulier les identitaires Niçois de « Nissa Rebella ». Son témoignage est implacable, sourcé, argumenté. Il démontre une campagne organisée de récupération de la mort d’un homme au profit d’un parti dont les opinions sont à l’opposé de celles d’Hervé Gourdel.
On sent une colère saine, une indignation dans les propos de M. Vernerey qui a touchée l’équipe des Debunkers. Mais de plus son article est sourcé, rigoureux et démontre au fil de la lecture l’implacable logique politicienne d’un parti de vautours qui exploite la moindre rumeur, tronque les faits quand il ne les modifie pas complètement.
Voici l’article de M. Vernerey qui montre sa profonde amitié désintéressée pour l’ami qu’était pour lui M. Gourdel:
Nous n’avons pas changé une virgule, un mot de ce texte, nous le publions intégralement :

 

Les identitaires tentent de récupérer la mémoire d’Hervé Gourdel

Le 21 septembre dernier, un groupe terroriste séquestrait le guide de haute-montagne niçois Hervé Gourdel lors de son séjour en Algérie. Aussitôt, des comités de soutien se créaient spontanément un peu partout en France, organisant des manifestations de solidarité et s’exprimant sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook. À la suite de l’exécution de l’otage français, le 24 septembre 2014, ces comités ont tous exprimé leur hommage à la victime et adressé leurs condoléances à la famille. Tous, ou presque. L’un de ces hommages s’est rapidement transformé en récupération politique – une récupération qui, a posteriori, semble même avoir été préméditée alors que l’initiative se présentait au début comme « citoyenne, populaire et apolitique ».

https://www.facebook.com/SoutienHerveGourdel

Plus de 60 000 internautes trompés

Ce sont pourtant les identitaires qui se révèlent au fur et à mesure être les administrateurs de la page Facebook intitulée « Soutien à Hervé Gourdel » et les organisateurs de plusieurs rassemblements, notamment à Nice. Un « soutien » sensible, dès lors que leur page Facebook est celle qui réunit le plus grand nombre de followers (plus de 60 000) – dont la plupart ont probablement adhéré spontanément, pensant avoir affaire à une démarche neutre et solidaire – et devient une tribune pour véhiculer des idées politiques, contestables de surcroît. Un « soutien » sensible aussi parce qu’il intervient dans un climat national tendu, où une partie de la population française est de plus en plus stigmatisée, à savoir ceux des Français qui sont de confession musulmane ou d’origine immigrée.

La page Facebook intitulée « Soutien à Hervé Gourdel » suscite au prime abord une adhésion de confiance, car elle répertorie ou donne l’impression de répertorier tous les messages et signes de soutien à l’égard de l’otage français exécuté. Et ce, en apparence, sans exclusive. Ce sont pourtant plusieurs signes qui interrogent la motivation réelle des administrateurs de la page.

À travers l' »islamisme », les musulmans stigmatisés

Tout d’abord, aucun des nombreux hommages et rassemblements de musulmans en France n’est relayé, pas même ceux des Algériens et Kabyles qui, en Algérie même, ont exprimé leur solidarité avec Hervé Gourdel. Idem pour les déclarations des organisations représentatives musulmanes en France ou la campagne « Not In My Name » qui ont chacune dénoncé l’abject à travers cet assassinat ainsi que tout lien avec l’islam alors que les terroristes s’en revendiquaient. Seul un statut posté sur Facebook par la page « Les Kabyles pour la libération d’Hervé Gourdel » est partagé et où il est fait référence aux « griffes de l’hydre islamiste actionnée par le pouvoir algérien » – une page francophone présentée comme d’initiative kabyle, mais au cadre éditorial très politisé et anti-algérien, et elle aussi identitaire.

Pendant ce temps, les administrateurs de la page française « Soutien à Hervé Gourdel », plutôt que d’opter comme les autres comités pour une formulation neutre et non polémique, choisissent d’offrir leur « soutien » puis leur « hommage » à une « nouvelle victime du terrorisme islamiste ». En insistant à chaque fois sur le terme « islamiste » et en revendiquant même toujours plus fort ce choix de vocabulaire à chaque fois que des critiques ou des réserves leur sont adressées.

Les administrateurs estiment ainsi dénoncer une « réalité » en désignant les islamistes, et ne pas faire d’amalgame avec les musulmans. Ils ne peuvent pourtant ignorer l’ambiguïté de ce terme couramment utilisé, qui résonne pour certains comme un équivalent de « christianisme » et dont la racine « islam » a une forte résonance dans notre contexte national, et qui inévitablement ouvre la polémique et échauffe les esprits. Pour preuves les critiques suscitées dans les commentaires de la page et les nombreux commentaires haineux, racistes et islamophobes qui déferlent à chacun des statuts postés par les administrateurs.

Ces derniers estiment ne pas toujours être en mesure de tout modérer – ils sont pourtant de leur propre aveu dix à se relayer pour administrer la page, ce qui ressemble plus à une activité militante coordonnée qu’à une initiative spontanée souvent plus désorganisée. Mais alors que les critiques interrogeant la finalité de cette page et l’identité de ses administrateurs se retrouvent censurées, tous les commentaires racistes et intolérants sont quant à eux préservés du travail de « modération ». Cette complaisance laisse également libre court à la plupart des réactions « pro-musulmanes » exacerbées, comme pour alimenter la polémique et nourrir de nouveaux commentaires toujours plus vifs. Et de dénoncer ensuite ceux des commentaires qui seraient « islamistes » ou qualifiés comme tels par les administrateurs pour mieux justifier leurs choix éditoriaux.

Au fil de leurs publications, les administrateurs vont jusqu’à publier des captures d’écran – y compris sous forme de montages – de commentaires postés par des utilisateurs de Facebook dont les noms sont à consonance arabe ou musulmane. Ces commentaires extraits – dont le contexte n’est jamais restitué – s’en prennent avec virulence à la victime Hervé Gourdel et engendrent fatalement des réactions indignées de la part des autres internautes ainsi qu’une multitude de nouveaux commentaires racistes qui, quant à eux, ne seront jamais dénoncés ni « capturés » par les administrateurs.

Il existe ainsi deux poids deux mesures dans la dénonciation des excès, et il est possible de lire dans les commentaires des appels suggérés ou explicites à mener des ratonnades, à mettre en place des milices, etc., sans que cela n’émeuve les administrateurs, bien au contraire semble-t-il.

Parmi les montages ayant suscité une vive émotion se trouve celui mettant en scène – une fois de plus – de supposés « islamistes », et dont les commentaires – là encore décontextualisés – mettent en doute la mort d’Hervé Gourdel et dénoncent une manipulation. Cette théorie du complot a déjà été démontée par les « Debunkers » dans un précédent article (*), mais les administrateurs de la page « Soutien à Hervé Gourdel » semblent ignorer ou occulter le fait que l’extrême-droite s’est elle-même emparé de cette théorie et l’a elle-même largement diffusée. Mais à la différence de l’extrême-droite conspirationniste, l’extrême-droite identitaire ne peut se permettre de désigner un ennemi abstrait, au risque de se priver de son fonds de commerce lui permettant de stigmatiser les musulmans à travers l' »islamisme ». Une fois de plus, les administrateurs de la page utilisent ici deux poids deux mesures pour dénoncer les dérives, si l’on tient à leur laisser le bénéfice du doute.

(*) http://www.debunkersdehoax.org/assassinat-d-herve-gourdel-la-fachosphere-utilise-un-expert-en-toc-pour-accrediter-ses-theories-fumeuses

Les identitaires niçois en embuscade

Alors que les administrateurs se veulent impartiaux et entendent restituer fidèlement tous les hommages, leur démarche se révèle de nouveau sélective. En plus des témoignages de solidarité exprimés par la communauté musulmane, c’est au tour du plus important rassemblement organisé en France de faire les frais de cette forme de censure. La marche silencieuse qui s’est déroulée à Nice le samedi 27 septembre 2014 et qui a réuni plus de 3000 personnes, n’est pas relayée et est décrite ironiquement comme « l’événement ‘apolitique’ de M. Estrosi », le maire de Nice.

Les administrateurs vont jusqu’à suggérer une récupération politicienne de la part de celui-ci, lequel connaissait pourtant Hervé Gourdel et a pris l’initiative de cette marche en accord avec la famille. Pour une page se présentant comme « apolitique », les administrateurs font le choix curieux de mettre en scène les difficultés qu’ils auraient rencontrées pour organiser leur propre rassemblement, pointant du doigt l’entourage de Christian Estrosi mais aussi de supposés « islamistes » appelant à un rassemblement concurrent. Ce qui n’est pas sans rappeler l’action des identitaires niçois (Nissa Rebela et Génération Identitaire Nice) qui exploitent toutes les opportunités pour déstabiliser le maire de Nice, que ce soit en conseil municipal, sur la voie publique ou par voie de presse.

Les administrateurs de la page « Soutien à Hervé Gourdel », qui sont également les organisateurs de leur propre rassemblement le 26 septembre à Nice – auquel les participants étaient invités à venir « avec drapeaux niçois ou français » -, revendiquent le caractère « citoyen, populaire et apolitique » de leur démarche. S’il est vrai qu’ils ne mettent la plupart du temps aucun homme politique en avant, ils dérogent à cette règle lors du compte-rendu de leur rassemblement. Est ainsi soulignée la présence de Philippe Vardon (leader identitaire niçois, président de Nissa Rebela et co-fondateur du Bloc identitaire):

de Marie-Christine Arnautu (conseillère municipale FN):

de Marc-André Domergue (conseiller municipal FN):

et de Jacques Peyrat (ex-FN et ancien maire de Nice, candidat soutenu par les identitaires lors des dernières municipales):

Est également identifié Marc Concas (conseiller municipal PS), présent comme d’autres citoyens niçois venus se recueillir spontanément et qui croyaient avoir affaire à un rassemblement citoyen et apolitique comme cela était annoncé:

En outre, alors que la famille d’Hervé Gourdel avait souhaité que les rassemblements ne donnent lieu à aucune récupération politique ni à aucune parole haineuse ou provocatrice, les administrateurs de la page n’ont pas jugé bon de relayer son appel. Dès ses premières publications, la page offre notamment une tribune à Philppe Vardon (leader identitaire de Nissa Rebela) dont deux posts sur sa propre page sont partagés et dont la teneur politique aurait dû alerter. Où il dit notamment : « le développement de l’islamisme en France est le fruit de l’islamisation, elle-même conséquence de l’immigration massive ». Une intervention loin d’être « apolitique » et loin également de ne pas rechercher la stigmatisation des Français de confession musulmane ou d’origine immigrée.

Une initiative identitaire coordonnée

En plus de donner l’impression de son « impartialité », la page « Soutien à Hervé Gourdel » semble présenter un second atout lui permettant d’élargir son audience : répertorier sinon coordonner divers rassemblements à travers la France pour celles et ceux qui souhaiteraient se recueillir en mémoire de l’otage français exécuté. Les administrateurs prévoient pour cela un visuel préformaté pour chacun des rassemblements, avec pour slogan martelé comme un leitmotiv : « nouvelle victime du terrorisme islamiste ».

Il est à noter que dans la plupart des cas, les groupes identitaires locaux (notamment Génération Identitaire) relayent aussitôt sur leur page Facebook l’annonce des rassemblements prévus dans leur propre ville et qu’ils ne communiquent que sur ceux-ci. En outre, le site Novopress (média privilégié par les groupes identitaires et nationalistes ainsi que par le Front national) relaye lui aussi, parallèlement, les rassemblements proposés par la page « Soutien à Hervé Gourdel » sans pour autant citer celle-ci. Parmi ces rassemblements : Paris, Vannes, Aix-en-Provence, Nantes, Nice, Lyon, Montpellier, Antibes, Cannes, Menton, etc.

http://fr.novopress.info/175602/vendredi-2609-nombreux-rassemblements-en-hommage-herve-gourdel/

 

Si le doute est permis quant à l’identité réelle des organisateurs pour certains de ces rassemblements, il n’en va pas de même pour les autres, à commencer par ceux de Lyon et de Nice. Dans ces deux villes, l’initiative des identitaires est clairement perceptible, à travers notamment l’utilisation du slogan et de la banderole « victime du terrorisme islamiste », entre autres signes. Mais il faut, pour le comprendre, recouper différentes sources.

LYON – À Lyon, la presse locale (Le Progrès, Lyon-Capitale, Lyon Mag) atteste de l’initiative identitaire, en soulignant la présence d’une cinquantaine de militants, dont Alexandre Gabriac (ex-FN et ex-Jeunesses nationalistes) et Yvan Benedetti (ex-FN et ex-Oeuvre française), et en précisant que de nombreux Lyonnais venus se rassembler ont eu « le sentiment de s’être fait piéger ». Les photos publiées par la page « Soutien à Hervé Gourdel » montrent également, sans les nommer, Romain Espino et Louise d’Espagnac du groupe Génération Identitaire Lyon prenant la parole au mégaphone. L’initiative identitaire sur Lyon est par ailleurs ouvertement assumée à travers une vidéo postée sur le site d’extrême-droite Novopress.

http://www.lyoncapitale.fr/Journal/Lyon/Actualite/Actualites/L-hommage-a-Herve-Gourdel-etait-initie-par-les-identitaires

http://fr.novopress.info/176222/lyon-hommage-herve-gourdel-25-septembre-dernier-video/

NICE – À Nice, un premier article de Nice-Matin (27/09/14) fait état de « rumeurs » autour de l’identité des organisateurs, précisant qu’il « ne s’agit, a priori, pas des identitaires » mais sans savoir « qui a appelé sur Facebook au rassemblement », en soulignant dans le même temps la présence de Philippe Vardon de Nissa Rebela et de Jacques Peyrat. C’est un second article de Nice-Matin (30/09/14) qui relatera a posteriori : « ‘Hervé Gourdel, victime du terrorisme islamiste’, c’est ce que l’on pouvait lire sur la banderole accrochée par des identitaires », en citant de nouveau Philippe Vardon et Nissa Rebela.

https://www.facebook.com/SoutienHerveGourdel/photos/a.279914438864431.1073741828.279906425531899/282467298609145/?type=1&theater

https://www.facebook.com/SoutienHerveGourdel/photos/a.279914438864431.1073741828.279906425531899/282467298609145/?type=1&theater

 

TOURS – Sur Tours, également, le flou entoure l’identité réelle des organisateurs, mais la forte représentation de militants identitaires, dont Pierre-Louis Mériguet (Front national, ancien leader du groupe extrémiste Vox Populi), laisse peu de place au doute, comme l’indiquent le webzine tourangeau 37° et, de manière plus explicite, la chaîne de télévision locale TV Tours.

http://www.37degres-mag.fr/actualites/soutien-identitaire-a-herve-gourdel/

http://www.youtube.com/watch?v=4HlWiL2g_lE

 

CANNES – Sur Cannes, le groupe Cannes-Grasse Identitaire assume ouvertement sur sa page Facebook sa « participation » au rassemblement et valorise la présence de deux élus frontistes : Adrien Grosjean (conseiller municipal FN) et Sébastien Copin (conseiller régional FN), seuls élus présents.

https://www.facebook.com/CannesIdentitaire/photos/a.195000303881972.47948.194993877215948/721334521248545/?type=1&theater

 

MONTPELLIER – À Montpellier, la Ligue du Midi (« les identitaires du Languedoc ») se déclare elle-même co-organisatrice du rassemblement et prend soin de préciser dans son compte-rendu que « le danger, à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières, est désormais permanent et qu’il fait son lit d’une immigration incontrôlée ».

http://liguedumidi.com/la-ligue-du-midi-a-rendu-hommage-a-herve-gourdel/

 

NANTES – Sur Nantes, l’implication du Front national et l’utilisation de la banderole « victime du terrorisme islamiste » ont fini par perturber le bon déroulement du rassemblement auquel d’autres personnes et élus s’étaient joints, comme le mentionnent Le Parisien et France bleu Loire-Océan. On ignore là aussi l’identité réelle des organisateurs.

http://www.leparisien.fr/politique/nantes-la-presence-du-fn-perturbe-l-hommage-a-herve-gourdel-27-09-2014-4169445.php

https://www.francebleu.fr/infos/societe/hommage-herve-gourdel-quand-le-fn-derape-nantes-1411823026

 

À Nice, la banderole identitaire « découpée par des islamistes »

 

Plutôt que d’assumer sa mission initiale de « soutien » puis d' »hommage », la page « Soutien à Hervé Gourdel » juge bon de s’appesantir sur un incident survenu à Nice et donne finalement l’impression de vouloir monter celui-ci en épingle. Cet incident concerne la banderole ayant jusqu’alors suscité la polémique, intitulée « victime du terrorisme islamiste » et où le qualificatif « islamiste » a été découpé. Les administrateurs décrivent aussitôt l’auteur de cet acte comme étant un « islamiste » et remercient celles et ceux qui auraient permis d’en apporter la preuve.

Relatant l’incident, un article de Nice-Matin (30/09/14) explique quant à lui, en utilisant le conditionnel, que la revendication a été attribuée à cet internaute, sans que le geste dont il est supposé être l’auteur n’ait été accompagné d’explications. D’autres messages postés par ce dernier auraient témoigné, toujours selon le quotidien, de sa motivation à « lutter contre un amalgame desservant l’islam ». Nice-Matin conclut en expliquant que « les identitaires niçois n’ont pas apprécié la découpe de leur banderole », en citant notamment le leader de Nissa Rebela, Philippe Vardon. Et permet ainsi de mieux comprendre qui étaient les organisateurs du rassemblement niçois et par conséquent les administrateurs de la page « Soutien à Hervé Gourdel ».

https://www.facebook.com/SoutienHerveGourdel/photos/a.279914438864431.1073741828.279906425531899/282467298609145/?type=1&theater

Les administrateurs avaient d’ailleurs auparavant ouvertement « remercié » les identitaires niçois pour avoir remplacé la banderole. Il s’agissait alors de la première référence explicite sur cette page au groupe Génération Identitaire, non seulement remercié mais aussi désormais mis en avant.

Il est peu probable qu’un « islamiste » soit l’auteur de la dégradation de la banderole identitaire à Nice, ou que, même si ça avait été le cas, il se serait alors contenté de simplement découper le qualificatif « islamiste ». On comprend cependant que les identitaires ont eu besoin de cette justification pour continuer d’alimenter leur discours et que ce qualificatif a probablement été délibérément choisi pour provoquer ce genre de situation. Lors du rassemblement qui s’est tenu à Nantes, le 26 septembre dernier, ce ne sont pas des « islamistes » qui ont demandé le retrait d’une banderole comportant le même slogan, mais un ancien élu nantais ainsi que des militants communistes. Un slogan dont « la formule a été jugée choquante et inopportune pour la plupart des participants à cet hommage », comme le rapporte France bleu Loire-Océan.

https://www.francebleu.fr/infos/societe/hommage-herve-gourdel-quand-le-fn-derape-nantes-1411823026

Une pétition de facture identitaire

« Après l’émotion doit venir l’action », affirment les administrateurs de la page « Soutien à Hervé Gourdel ». Pour ce faire, ils proposent une pétition dont le contenu et la forme méritent une lecture attentive, car très orientés.

http://www.france-petitions.com/petition/443/hervegourdel

Tout d’abord, le site sur lequel la pétition est hébergée – France Pétitions – est connu pour ses prises de positions contestables, avec plus d’un quart des pétitions stigmatisant l’islam et les musulmans et de nombreuses autres porteuses de thèmes identitaires, nationalistes et bien souvent racistes.

 

Les auteurs de la pétition évoquent alors une « saine colère patriotique », comme si le qualificatif « patriotique » était une précision indispensable. Ils se réfèrent ensuite aux djihadistes français partis en Irak et en Syrie pour « persécuter des Chrétiens », occultant au passage les centaines d’autres civils exécutés par l’État Islamique, y compris ceux de confession musulmane. Partant d’un assassinat qui s’est produit à l’étranger – celui d’Hervé Gourdel en Algérie -, ils en viennent à invoquer un thème national, en y mêlant des questions de « sécurité » et d' »identité ». Il faut en déduire que l' »identité » – française si l’on comprend bien – est forcément chrétienne et que les musulmans en sont par conséquent exclus. Et que ces derniers, en plus de ne pas être français, représentent « chez nous » une « menace » potentielle.

 

Assassinat d’Hervé Gourdel, APRES L’ÉMOTION DOIT VENIR L’ACTION !
L’émoi national, la saine colère patriotique, suscitées par l’infâme assassinat d’Hervé Gourdel ne doivent pas rester lettre morte. A l’émotion doit désormais succéder l’action !
Les 2 000 djihadistes partis de France pour rejoindre les groupes opérant en Irak et en Syrie, et y persécutant les Chrétiens, nous indiquent clairement que c’est d’abord chez nous que la menace islamiste doit être combattue ! Désormais, ce n’est plus seulement une question d’identité, mais aussi de sécurité.
Nos dirigeants ne peuvent plus se contenter de « condamner fermement », ils doivent désormais agir avec fermeté. Signataires de cette pétition, nous demandons à nos politiques de s’engager à défendre :
– L’application de la déchéance de la nationalité française pour les djihadistes binationaux et l’interdiction totale de retour sur le territoire.
– La fin de toutes compromissions et de toutes relations avec les associations islamistes – que celles-ci se réclament du salafisme ou de la doctrine des Frères Musulmans promue par l’Union des Organisations Islamiques de France.
– Le refus de l’influence du Qatar, grand pourvoyeur de fonds des djihadistes, dans notre pays.
Nous comptons bien mettre nos élus devant leurs responsabilités en les interrogeant un à un sur ces mesures et en faisant connaître leurs réponses aux Français.

 

La pétition reprend point par point l’argumentaire de la lettre postée par le leader identitaire niçois Philippe Vardon (Nissa Rebela), un argumentaire identique à celui du discours de Génération Identitaire lors du rassemblement à Lyon et que l’on retrouve également dans d’autres communications issues de cette mouvance d’extrême-droite. À commencer par la référence aux « 2000 djihadistes » français partis en Syrie qui représenteraient une « menace islamiste » « en nos frontières » et à combattre « d’abord chez nous » ; ensuite à la « déchéance de la nationalité française pour les djihadistes binationaux et l’interdiction totale de retour sur le territoire » ; et enfin à l’arrêt de « toute relation avec les associations islamistes – que celles-ci se réclament du salafisme ou de la doctrine des Frères Musulmans promue par l’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF) ».

 

Communiqué de PHILIPPE VARDON du 23 septembre 2014
L’enlèvement du guide de haute-montagne niçois Hervé Gourdel par un groupe djihadiste, lié à l’État Islamique, en Algérie est un drame qui touche chaque Niçois et au-delà chaque Français et doit nous conduire à une véritable réflexion collective. Je tiens, à titre personnel mais aussi comme responsable politique, à apporter mon plus entier soutien à ses proches dans cette terrible épreuve.
J’appelle aussi nos compatriotes résidant ou voyageant dans des pays musulmans à prendre le moins de risques possibles. Chacun d’entre-nous doit désormais se pénétrer de l’idée que nous pouvons tous êtes des cibles potentielles… En effet, hier, l’État Islamique – ce groupe djihadiste ayant établi son Califat à cheval sur l’Irak et la Syrie – a appelé dans un communiqué officiel tous ses sympathisants à frapper la France et les Français où qu’ils soient. L’appel a été entendu par ces islamistes algériens, mais ils ne seront sans doute pas les seuls.
Rappelons que 1 000 à 2 000 djihadistes « français » combattent dans les rangs de l’État Islamique, parmi lesquels près d’une centaine partis de notre département. De l’aveu même du Ministre de l’Intérieur plusieurs centaines seraient aussi déjà rentrés en France. Tant à travers ces djihadistes, véritables bombes à retardement, présents sur notre sol qu’à travers le développement de l’islamisme (fruit de l’islamisation, elle-même conséquence de l’immigration massive) la menace existe aussi en nos frontières.
Christian Estrosi, reprenant l’une des formules favorites de nos politiciens devenus commentateurs, « condamne fermement » l’enlèvement d’Hervé Gourdel. Mais l’heure est grave, il ne suffit plus de « condamner fermement » mais il faut agir avec fermeté !
C’est pourquoi je demande solennellement à tous les élus du département de s’engager en défendant l’application de la déchéance de la nationalité française, et évidemment l’interdiction de revenir en France, pour tous les djihadistes binationaux, mais aussi de cesser immédiatement toutes relations avec les associations islamistes – que celles-ci se réclament du salafisme ou de la doctrine des Frères Musulmans promue par l’UOIF. C’est d’abord chez nous que le combat doit être mené, et l’on ne peut prétendre lutter contre les groupes djihadistes en se compromettant avec ceux qui leur préparent le terrain.

Cette pétition n’est finalement qu’un « copier-coller » du programme politique identitaire, qui reflète une interprétation partisane des données du problème et dont les solutions proposées sont par conséquent orientées. On est bien loin ici d’un hommage à une victime et d’un soutien à sa famille, dont l’état d’esprit initialement déclaré se voulait « apolitique » et se défendait de toute velléité de récupération.

Une lourde responsabilité et une faute grave

Le plus grand tort des administrateurs de la page n’est pas simplement d’avoir instrumentalisé la mémoire d’un défunt et d’avoir profité de l’émotion suscitée par son assassinat. Leur principal tort est d’avoir agi à visage dissimulé et de n’avoir jamais prévenu de leurs intentions. Car, sur le fond, il n’est pas surprenant de voir l’extrême-droite (ici dans son expression identitaire) véhiculer des idées d’extrême-droite ou encore s’adonner à la récupération politique sans la moindre morale ni le moindre scrupule. Mais il aurait fallu que les 60 000 utilisateurs de Facebook qui ont adhéré à la page « Soutien à Hervé Gourdel » puissent en être avertis, de même que les milliers de personnes qui se sont rendues sur chacun des rassemblements identitaires organisés en France.

 

Cette instrumentalisation, si elle se comprend du point de vue identitaire pour atteindre ses objectifs, est dangereuse. Car elle intervient dans un climat national déjà difficile et où l’équilibre de la société est de plus en plus précaire. Si globalement les Français ont su rester unis face à la provocation terroriste à travers l’assassinat d’Hervé Gourdel, l’initiative identitaire, telle qu’elle a cherché à s’insinuer dans les esprits, a commencé de mettre en péril cette unité nationale à laquelle elle aspirait pourtant.

Enfin, l’initiative identitaire correspondait à la seule réponse qu’attendaient véritablement les criminels d’Hervé Gourdel : la division, la désignation d’un bouc émissaire – à savoir sur le plan national les musulmans et les immigrés -, le choc des cultures, la confrontation des idéologies, etc. En un mot : la haine répondant à la haine, et l’extrémisme répondant lui-même à l’extrémisme.

Mathieu Vernerey

A nouveau l’équipe des Debunkers présente ses plus sincères condoléances à la famille d’Hervé Gourdel, ainsi qu’à ses proches…
To top