19 juin 2022 | Temps de lecture : 5 minutes

« L’honneur » du journalisme « indépendant » au service du régime poutinien: A.L. Bonnel à l’ONU

Sa Tsaricité Poutine 1er (15)

La Russie continue de faire feu de tout bois de sa propagande. Et ce faisant elle tire les ficelles d’un certains nombres de ses activistes aux ordres du Kremlin.
Exemple aujourd’hui de ces sortes de petites magouilles.

1)La journaliste, l’activiste Anne-Laure Bonnel à l’ONU?

Tout à fait par hasard, sur un post d’un média mainstream (« Le Monde » pour ne pas le nommer) nous sommes tombé sur un curieux post. Une pro poutine affirmant que la désormais fameuse « journaliste Anne-Laure Bonnel aurait été entendue à l’ONU. Le tout sans sources bien entendu.
Une rapide recherche nous a conduit sur ce post:

Bonnel à l’ONU?

Avouons le nous sommes restés un instant interloqués. Anne-Laure Bonnel a déjà été épinglée pour son reportage, pardon son agit prop réalisée avec des commissaires politiques pro russes au Donbass. Sa bouse avait été, et continue aujourd’hui à circuler dans la fachosophère comme la « preuve irréfutable » des crimes de guerre des méchants ukrainiens contre les gentils russes. Elle n’est pas la seule et d’autres activistes d’extrême droite participent à cette désinformation à grande échelle.

Mais en France, Bonnel est certainement la plus connue.
5 mn de recherches plus tard nous avons excavé le pot au rose grâce à notre « spécialiste » de la question russe et syrienne CSH. En fait IL NE S’AGIT PAS d’une réelle intervention à l’ONU. Du tout.
Il s’agit en fait de ce qui est appelé une « formule ARRIA »:

Manuel des méthodes de travail

Note d’information sur les réunions des membres du Conseil de sécurité en « formule Arria »

Les réunions en « formule Arria » sont une pratique relativement récente des membres du Conseil de sécurité. Comme les consultations plénières du Conseil, elles ne sont prévues ni par la Charte des Nations Unies ni par le Règlement intérieur provisoire du Conseil. Cependant, l’Article 30 de la Charte fait du Conseil le maître de sa procédure et lui donne toute latitude pour établir sa pratique.

Les réunions en formule Arria sont des rencontres confidentielles et très informelles qui permettent aux membres du Conseil d’avoir, à huis clos et selon une procédure offrant toute la souplesse voulue, de francs échanges de vues avec des personnes dont le ou les membres du Conseil qui les ont invitées et qui sont chargés d’organiser et d’animer la réunion considèrent que le Conseil aurait intérêt à les entendre ou à qui ils souhaitent faire passer un message. Elles donnent aux membres du Conseil de sécurité concernés la possibilité d’avoir des échanges directs avec des représentants de gouvernements et d’organisations internationales – souvent à la demande de ces derniers – ainsi qu’avec des parties non étatiques, sur des questions qui les préoccupent et qui relèvent de la responsabilité du Conseil de sécurité.

Ces réunions portent le nom d’un ancien Représentant permanent du Venezuela auprès de l’ONU, Diego Arria, qui a siégé au Conseil en 1992 et 1993 et inauguré cette pratique en 1992. Lorsqu’il a convoqué la première réunion en formule Arria, l’Ambassadeur Arria était Président du Conseil de sécurité. Cependant, il ressort de la pratique récente du Conseil que ses membres préfèrent que ce ne soit pas le Président, mais un autre membre du Conseil, qui convoque ce genre de réunion. La présidence de la réunion est assurée par le membre qui a lancé la convocation
Les réunions en « formule Arria » se distinguent des consultations plénières du Conseil par les caractéristiques suivantes:

  • Réunions informelles, elles ne constituent pas une activité officielle du Conseil et elles sont convoquées à l’initiative d’un ou plusieurs membres du Conseil. Les membres du Conseil décident, chacun pour soi, s’ils participeront ou non à une réunion en formule Arria, et il est arrivé que certains membres décident de ne pas y participer.
  • Les réunions en formule Arria se tiennent dans une salle de conférence et non dans la salle des consultations du Conseil de sécurité.
  • L’organisateur de la réunion adresse par écrit une invitation aux 14 autres membres par voie de télécopie adressée par sa mission permanente plutôt que par voie d’avis émanant du Secrétariat. L’invitation donne le lieu, la date et l’heure de la réunion en formule Arria, ainsi que le nom de la personnalité invitée.
  • Les réunions en « formule Arria » ne sont pas annoncées dans le Journal des Nations Unies.
  • Sauf invitation expresse, les fonctionnaires du Secrétariat ne sont pas admis, à l’exception des interprètes et d’un fonctionnaire du Service des conférences.

Source: Document de travail officieux du 25 octobre 2002 établi par le Secrétariat de l’ONU.

En fait il ne s’agit ni plus ni moins que d’une sorte de conférence de presse qui n’a aucune valeur diplomatique internationale.

2)Faits et conséquences

La Russie fait ainsi coup double:

-Tout d’abord la diplomatie russe, par la voix de Lavrov à beau jeu de gloser sur la « pauvre » journaliste française censurée.

Lavrov, l’œil de Sauron

-Et deuxio, permet ainsi à Bonnel de « gagner » en crédibilité, en faisant croire que l’ONU s’intéresse à son verbatim de propagande.

C’est assez malin et ca marche…
Tout d’abord parce que Bonnel elle-même en joue et publie le chaud et le froid. Un jour elle publie un post qui laisse fortement à entendre de son importance:

Les larmes de crocodiles de Bonnel

et le lendemain elle publie innocemment un post (mais sans s’attarder dessus) qui lui permettra en cas de pépin de se dédouaner en disant « ah mais regardez je l’ai dit que c’est une « formule ARRIA) ». Bien sûr personne ne lui posera la question de ce que c’est et elle n’expliquera pas non plus:

Premier souci: ca marche et ce pas joli bricolage fonctionne chez ceux qui ne se posent guère de questions:

Ou font « leurs propres recherches » selon la formule consacrée des conspis:

Fait tes propres recherches!

Deuxième souci: la Russie est une habituée du genre. Elle avait déjà utilisé ce stratagème avec la Syriecomme le révèle « Syrie Factuel:

Syrie Factuel

Et les « Sleeping Giants »:

https://twitter.com/slpng_giants_fr/status/1522566204560490496

Après tout on ne change pas une formule qui coûte si peu cher et qui semble fonctionner!

Debunked !!!

2 commentaires pour “« L’honneur » du journalisme « indépendant » au service du régime poutinien: A.L. Bonnel à l’ONU”

  • pascal gillardin

    dit :

    Mise au point quant à l’origine historique du conflit, laquelle est bien antérieure aux évènements de Maiden (2013 et 2014) et au protocole de Minsk (2014). L’ingérence provocatrice des institutions européennes dans le Donbass (surtout russe à Rostov) date officiellement de 2006.

    Depuis la fin de l’URSS, l’épisode le plus grossier du colonialisme néolibéral européen restera, dans son élan oriental de ce début de siècle, le vain acharnement, de 2006 à 2012, des missionnaires du Conseil de l’Europe à instaurer la lubie « d’Eurorégion du Donbass ».

    Considérer l’Ukraine postsoviétique, rongée par une corruption endémique (à laquelle participe le très médiatique Serviteur du Peuple) et les trafics multiples (armes …), comme potentielle candidate au partage des idéaux démocratiques européens, relevait déjà de l’ironie en 2006 (bien avant la complaisance de l’UE envers son actuel gouvernement belliqueux et mafieux).
    Par contre, l’écart patent entre les opportunités économiques (en particulier dans le Donbass) et le ridicule salaire moyen (300 €/mois) présentait lisiblement l’Ukraine comme proie facile aux appétits des lobbies capitalistes maîtres des institutions européennes.

    Le plus fin de la farce réside dans le choix des trois oblasts voués à se fondre dans cette Eurorégion, brouillant les frontières et bousculant les souverainetés nationales, selon la plus pure idéologie néolibérale (fondant tout projet d’Eurorégion) : deux oblasts ukrainiens, ceux de Louhansk, puis de Donetsk mais surtout, dès le début … le vaste et prospère oblast russe de Rostov !
    Cette arrogante tentative d’ingérence du capitalisme européen sur le territoire de la Fédération de Russie, selon le très arbitraire principe néolibéral d’une théorique priorité du commerce et du capital sur la souveraineté des peuples, constitue le détonateur historique de la situation conflictuelle historique du Donbass. Cette situation n’a cessé de dégénérer depuis, intégrant au fil des ans d’autres moteurs.

    Le virage politique de Zelensky, sortant progressivement de son rôle fictif de serviteur du peuple et épousant l’idéologie ultranationaliste guerrière et antirusse de la mouvance d’Azov, l’a poussé à saboter le processus de Minsk, à provoquer Moscou en se tournant ostensiblement vers l’UE et l’OTAN et maintenant, à entretenir l’escalade du conflit militaire de Washington(et son pion l’UE) contre Moscou.

    On pouvait deviner, dès 2006, dans ce projet d’Eurorégion du Donbass un cheval de Troie des lobbies capitalistes européens, visant une extension vers le l’Asie, via le Kazakhstan, riche pont eurasien convoité conjointement par Pékin.
    Ce pont a été repris à son compte par Pékin, via les diverses voies de la BRI (nouvelles routes de la soie), vaste projet initié depuis 2013 et sillonnant le Kazakhstan.
    Dans ce cadre que Xi Jinping a proposé, le 6 juillet 2021, à Zelensky une aide élargie, pour développer une nouvelle voie de la BRI via l’Ukraine et concurrençant la voie Nord via Moscou et la Biélorussie.

    Une pacification du Donbass, surtout sous contrôle Ukrainien, ne participe donc probablement pas des projets de Washington car une voie de la BRI « UE-Ukraine-Rostov-Volgograd-Kazakhstan-Chine » ruinerait le pôle atlantique (soumis au dollar) dans la redistribution géostratégique en cours.
    Washington devrait tenter d’entretenir ce conflit, pour affaiblir (économiquement et militairement) Moscou mais en évitant toute issue pacifique en faveur de Kiev.
    L’UE n’a par contre pas d’intérêt (au contraire) à participer à cette stratégie, pour elle suicidaire.

    Poutine s’inquiète de toute option géostratégique de pont eurasien qui ne serait pas contrôlé par Moscou. La voie Nord prioritaire de la BRI a été jusqu’en 2021 celle liant la Chine à l’UE via le Kazakhstan nord, Moscou puis la Biélorussie.

    Depuis Zelensky, l’Ukraine se rapproche conjointement de l’UE (et de l’OTAN, à l’Ouest) et de la Chine (à l’Est ; le 6 juillet 2021), jetant les bases d’un nouveau pont eurasien, plus direct, via les plaines centrales du Kazakhstan. Cette nouvelle voie de la BRI incluait les oblasts russes de Rostov et Volgograd, susceptibles de céder à terme aux sirènes du capitalisme.
    Ce projet concurrencerait la voie nord contrôlée par Moscou mais couperait la Fédération de Russie de la Mer Noire et du Proche Orient, l’isolant de tout un pan géostratégique.
    Dans le conflit actuel, Poutine a deux objectifs majeurs : contrôler le Donbass pour éviter à l’oblast de Rostov toute participation à un projet capitaliste eurasien et dévaster globalement les infrastructures ukrainiennes pour ruiner tout projet UE-Ukraine-Kazakhstan.
    Ces deux objectifs restent envisageables actuellement : si le premier se fragilise, par aide militaire de l’OTAN, Poutine accentue le second.
    Pour Washington, les deux conviennent … en y ajoutant l’épuisement militaire russe et l’affaiblissement de l’économie de l’UE.

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