16 juin 2022 | Temps de lecture : 5 minutes

Manipuler le climat, une bonne vieille théorie du complot

Le retour de la revanche

Le grand complot climatique n’est pas une nouveauté. On profite d’un dernier rebondissement pour passer rapidement en vue une facette des théories du complot qui n’est pas prête de disparaître avec le réchauffement global. Quand Willy Shraen émet un doute sur le traitement médiatique d’une canicule, c’est la complosphère qui s’embrase. 

Willy Shraen, un chasseur en plein complot climatique

Willy et le complot médiatique

Nous sommes donc le mardi 14 juin 2022 quand Willy Shraen, patron des chasseurs Français part en roue libre et se prend à trouver bizarre tout de même cette vague de chaleur en plein mois de juin, pile pendant les deux tours d’une élection. En effet, le chroniqueur de l’émission Les grandes gueules ne plaisante pas : la NUPES a gros à jouer, l’enjeu est de taille et on a autre chose à faire que de parler d’une canicule qui arrange bien les écolos, membres de cette alliance de gauche.

Inutile de disserter trop de temps sur le réchauffement climatique, il est une réalité tangible, d’autant plus quand il fait en France des températures supérieures aux normales de saison. Ce qui se joue ici, c’est la façon dont on glisse vers le complotisme, comme on se retrouve à alimenter la complosphère. Devinez qui on appelle pour causer climat? Le GIEC, pardi! Et ça fait le jeu de qui? Des écolos, comme par hasard.

L’inénarrable Francis Lalanne en embuscade.

Réfugié sur VK, notre rebelle en cuissardes a posté son avis dans la nuit : oui, les mondialistes savent manipuler le climat. Le climat qui déraille, c’est un complot car on sait faire pleuvoir, tout ça ce sont des magouilles. Le candidat éliminé dés le premier tour en Charentes ne va pas jusqu’à faire le lien avec son score, mais personne n’est dupe.Et au moins ça lui permet de parler d’autre chose que du COVID.

 

Haarp une bonne vieille théorie du complot

Impossible de parler de complot climatique, sans parler de HAARP. Si Willy ne s’est pas risqué jusque là, son propos relève tout de même du conspirationnisme. Nous allons donc voir dans cette partie comment les catastrophes naturelles alimentent constamment les discours toxiques, comme celui de Francis Lalanne qui lui se risque à accuser sans trop de pincettes. 

Haarp l’origine

High frequency active auroral research program ou HAARP, c’est un programme de l’armée Américaine qui a pour but d’observer la ionosphère et l’effet des orages magnétiques, raison pour laquelle il se trouve en Alaska. Il est lancé en 1993 et sera pleinement opérationnel en 2006. Son principe est de générer des ondes à hautes fréquences sur cette couche de l’atmosphère pour simuler les effets des tempêtes solaires.

Évidemment, un programme de l’armée ça offre tout un tas de possibilités : une nouvelle arme par exemple (après les tiques nazies…). Le savant fou lié à l’armée est une image d’Épinal, et les premières théories débarquent en 1995 sous les plumes de Nick Begich et Jeane Manning qui affirment que l’impact de HAARP est beaucoup plus important que ce qu’on veut bien nous dire. On nous cache tout!

Quelques exemples de théories vaseuses

Le Tsunami de 2004

Le 26 décembre 2004, à Banda Aceh en Indonésie, un séisme sous-marin d’une magnitude 9 sur l’échelle de Richter déclenche un tsunami dévastateur : 230 000 victimes dont certaines jusqu’en Somalie, à l’autre bout de l’océan Indien. Comment expliquer une catastrophe d’une telle ampleur ? On vous le donne en mille, ce sont les illuminatis avec des ondes ELF (pour trouver du pétrole, c’est de circonstances. Mais on préfère les avions renifleurs).

Au Brésil

Enfin, le peuple se soulève ! Les Brésiliens montrent l’exemple et détruisent Haarp ! Hourra ! En 2017, la complosphère exulte avec des images de Brésiliens détruisant ce qui ressemble à la station Haarp.

Sauf qu’en fait, non, il y a jamais eu de station d’observation de la ionosphère au Brésil, et ces images ont été détournées.

 

2021 et ses catastrophes

Si on a eu un été pourri en France, 2021 a été une année terrible dans le monde : Algérie, Russie, Australie, les incendies ont ravagé des millions d’hectares. Largement de quoi alimenter les habituelles théories du complot (chemtrails), voir de servir des intérêts politiques avec des accusations fallacieuses.

Ajoutons également des théories un peu plus farfelues comme cette accusation venue d’Iran contre Israël d’avoir volé des nuages.

Manipuler une élection ?

Nous avons vu ici la façon dont la complosphère s’accapare des catastrophes naturelles ou des évènements ponctuels pour relier les points et trouver un fil logique : quelqu’un est derrière ça !

Donc, nous voici en 2002, notre bon vieux Willy ne doute pas de l’existence de la canicule, tout climatosceptique qu’il est. Non, le premier écolo de France s’interroge sur la médiatisation de cette canicule, un coup fourré des journalistes qui n’attendaient que cette occasion pour détourner l’attention.

Cette mécanique, nous la connaissons sur le bout des doigts, elle est la même que celle que nous avons décrit juste au dessus : on relie des points comme ça arrange, quitte à mentir. Sa sortie sur le climat relève largement de la théorie du complot.

Manipuler le climat, oui mais…

… il n’est pas encore possible de mettre en place une géo-ingénierie de cette ampleur.

Ensemencer les nuages

On peut jouer par contre sur l’humidité déjà existantes. Brouillards ou nuages, pour éviter la grêle ou faire pleuvoir en plein désert, il existe des techniques, très polluantes cependant. Il s’agit de l’ensemencement des nuages.

C’est une pratique commune dans l’agriculture qui permet de sauver des cultures parfois, mais qui s’avère difficilement tenable à grande échelle et sur le long terme.

Un petit laboratoire en Alaska

La réalité de Haarp est bien plus prosaïque que ce qu’affirme la complosphère. En 2014, l’armée abandonne le projet, onéreux et plus en phase avec ses besoins. C’est l’université d’Alaska qui reprend les rênes.

Et finalement, il n’y a pas de laboratoires secrets disséminés sur le globe. Il existe des laboratoires similaires à plusieurs endroits de la planète dont les recherches ne sont pas secrètes. Décevant, pas de quoi dénicher un complot sur le climat.

Manipuler les médias alors ?

A défaut de pouvoir manipuler le climat, il nous reste un os à gratter : les médias (dont on sait qu’ils sont évidemment vendus au grand complot, sauf cnews). Là encore, on peut apporter une explication simple.

La canicule de 2003 à fait 19 000 morts en France.  De ce point de vue là, la canicule porte en elle les caractéristiques de la grande catastrophe. Tous les ans les incendies de forêts sont légions et font des ravages. En plus, c’est un sujet que les chaînes d’infos continues peuvent traiter à peu de frais : quelques invités, un micro-trottoir, des envoyés spéciaux détachées des antennes locales… Rien à voir avec les grands moyens pour couvrir un conflit armé à l’étranger.

Sauf que pour parler réchauffement climatique, on invite le GIEC, des climatologues et des écolos. Patatra, des ayatollahs verts qui viennent prêcher pour leur paroisse alors que le productivisme est pointé du doigt. Willy fulmine, on le comprend.

Le grand complot contre le climat n’existe pas

La réalité est toujours décevante quand les complots offrent des perspectives sans limites. Hélas :

  • Si on pouvait contrôler le climat, on éviterait le réchauffement climatique. On utiliserait la géo-ingénierie autrement, certainement pas pour manipuler une élection, et encore moins pour faire passer la gauche.
  • Le réchauffement climatique est une réalité, et les rapports du GIEC aussi. Et les moyens dont nous disposons aujourd’hui sont dérisoires et se limite à éviter une catastrophe très ponctuelle.
  • Les catastrophes arrivent, et on les explique parfois a posteriori.
  • Il n’y a pas de complot médiatique : les journalistes traitent les canicules comme des serpents de mer.

 

 

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