Connaissez vous « l’université Evergreen » aux USA?
En résumé
L’affaire de l’université Evergreen c’est une panique morale liée à un incident lié à la tradition du Day of Absence. Dans l’Amérique de Trump, ça entraîne une récupération de la part de la fachosphère (aux USA comme en France).
On y retrouve tous les signes propres à l’angoisse réactionnaire de l’époque.
Il y a 4 ans maintenant, un accident incident y éclatait. Pourquoi avoir précisé » accident incident »? Et bien parce que quand on regarde objectivement les événements qui s’y sont déroulés et la qualification qu’en font toutes les droites extrêmes/extrêmes droite du monde, France en tête, on ne peut qu’être frappé par la récupération d’un si petit événement qui justifierait une dénonciation aussi unanime et aussi jusqu’au-boutiste.
Unanime, car lorsque l’on regarde un peu qui en parle, on ne peut qu’être ébloui par cette conjonction de certains réseaux de droite et des extrêmes droites les plus dures:
Quand à la « nuance », à l’explication, on repassera!
Allez ca mérite bien un « point Staline », pour l’occasion!
Il faut comprendre que tout ce joli monde s’est basé sur des enquêtes indépendantes, sérieuses, objectives… Comment ca non?
Mais enfin, la « Tribune de Genève » ou le si éminent philosophe de café du commerce (on a nommé « Raphael Enthoven ») ne sauraient s’y tromper, les deux ont fait appel à une source I R R E F U T A B L E, on vous dit:
Voilà, une vidéo qui fait 80000 vues, c’est S E R I E U X, on vous dit! D’ailleurs aujourd’hui la même vidéo a été vue 1 440 000 fois c’est donc que c’est encore plus sérieux…
On croit rêver…
Personne pour écouter vraiment la vidéo, ni regarder qui est son auteur???
Non personne.
Pourtant l’auteur à un nom connu, sinon évocateur de quelle tendance politique il se trouve: « Sanglier Sympa »… Et ce n’est pourtant pas très difficile de savoir qui il est est et quelle est la valeur de sa parole:
Sa cible d’alors n’était pas les féministes mais Emmanuel Macron, sur fond de complotisme et avec des références incessantes au club Le Siècle ou à Bilderberg.
Sa prophétie sur François Baroin restera dans les mémoires des bides du 18-25. Vous pouvez upper.
Voilà, voilà, voilà.
Comment on lance une polémique qui s’est depuis généralisée sur les « dérives du wokisme », « le fascisme de l’intersectionnalité », les « islamogauchistes » ou ce genre de « concepts » qu’aiment manier les droites et les extrêmes droites sans que pas un ne soit foutu d’expliquer ce que cela veut réellement dire, et remettre ces mots dans un contexte.
Il faut dire que si ils les dénonçaient pour autre chose que faire de la propagande, ca se saurait.
Alors on va tout reprendre à zéro et faire ce que ces gens ne feront jamais, pour des raisons politiciennes: vous expliquer.
1) Et le contexte bordel?
L’université Evergreen
L’Evergreen State College est un collège public « d’arts libéraux » et de sciences situé à Olympia, dans l’État de Washington . Fondé en 1967, il propose un programme de premier cycle « non traditionnel » dans lequel les étudiants ont la possibilité de concevoir leurs propres études en vue d’un diplôme ou de suivre un parcours d’études prédéterminé. Les étudiants à temps plein peuvent s’inscrire à des programmes universitaires interdisciplinaires, en plus des cours autonomes. Les programmes offrent généralement aux étudiants la possibilité d’étudier plusieurs disciplines de manière coordonnée. Le corps professoral rédige des évaluations narratives substantielles du travail des étudiants au lieu de délivrer des notes.
Le campus principal d’Evergreen, qui comprend sa propre plage d’eau salée, s’étend sur 1 000 acres de forêt près de l’extrémité sud du Puget Sound . Evergreen possède également un campus satellite à proximité de Tacoma . L’école propose un baccalauréat ès arts en « arts libéraux » et un baccalauréat ès sciences , une maîtrise en études environnementales , une maîtrise en enseignement , une maîtrise en administration publique et une maîtrise en administration publique en gouvernance tribale.
Evergreen était l’un des nombreux collèges et programmes alternatifs lancés dans les années 1960 et 1970, souvent décrits comme des expériences. Alors que la grande majorité d’entre eux ont soit fermé, soit adopté des approches plus traditionnelles, Evergreen est l’un des rares à rester inébranlable dans la poursuite de sa mission d’origine.
Le racisme systémique aux USA
On ne le répétera jamais assez dans cette histoire, et vraiment nous avons l’impression d’enfoncer des portes ouvertes en le disant: l’université Evergreen se trouve aux USA. Oui et?
Et bien c’est fort simple, les USA sont un pays qui est fondé, marqué, par un racisme, institutionnel et systémique. C’est un pays qui a construit en grande partie sa richesse sur l’esclavage. Un esclavage dirons nous « visible ». Certes, la France aussi en grande partie, mais c’est un peu plus complexe (complexité n’est pas annulation ni justification de la chose). Ce fût un tel problème aux USA que celui ci devint la justification (Howard Zinn, Une histoire populaire des Etats-Unis d’Amérique : de 1492 à nos jours, Agone éditeur, d’une guerre civile des plus meurtrières qui laisse de profondes traces qui subsistent encore aujourd’hui. Commencée le 12 avril suivant en Caroline du Sud, à Fort Sumter, la guerre de Sécession durera quatre ans, s’achevant le 9 avril 1865 après des combats qui ont fait 620 000 morts. Il s’agit, de loin, de la plus meurtrière des guerres menées par les États-Unis. « Ces victimes représentent environ 2 % de la population de l’époque », peut-on lire au musée de la bataille de Gettysburg, « ce qui correspondrait aujourd’hui à environ 6 millions de morts. » Au lendemain de cette guerre censée apaiser la question de l’esclavage, les états du sud mirent en place les lois « Jim Crow » entravant l’exercice des droits constitutionnels des Afro-Américains acquis au lendemain de la guerre de Sécession : le Treizième amendement de la Constitution des États-Unis du abolissant l’esclavage, le Quatorzième amendement de la Constitution des États-Unis de 1868 accordant la citoyenneté à toute personne née ou naturalisée aux États-Unis et interdisant toute restriction à ce droit, et le Quinzième amendement de la Constitution des États-Unis, de 1870, garantissant le droit de vote à tous les citoyens des États-Unis. Ces lois mirent en place la fameuse ségrégation raciale aux USA. Toujours au lendemain de la guerre civile, et une conséquence de celle ci se fonda l’organisation tristement célèbre du Ku Klux Klan.
Aux USA, le racisme est, encore aujourd’hui systémique. Au point que de nombreuses organisations terroristes, néo nazies y ont encore pignon sur rue. Au point tout de même que le dernier président de ce pays, Trump, pour ne pas le nommer, puisse se permettre de les soutenir, car constituant une partie non seulement de son idéologie, mais aussi de ses électeurs…
Tout ceci n’est qu’un petit rappel général que la grande majorité d’entre vous n’ignore pas. Mais celui ci est important à garder en tête pour la suite de notre exposé.
Le contexte local
En 2015, une affaire très locale inquiète les étudiants du campus d’Olympia. Deux jeunes noirs se font tirer dessus (et blesser) par un officier de police pour un vol de bière. Aucun des deux n’est armé, mais l’officier accuse l’un d’entre eux de l’avoir attaqué avec sa planche de skate. Les deux sont emprisonnés et l’un des deux reste paralysé des suites de ses blessures. L’officier ne sera pas poursuivi. Suite à ces évènements une manifestation de « Black Lives Matter » sera organisée sur le campus.
Contexte politique du moment
2017…une grande inquiétude s’empare des universités suite à l’élection de Donald Trump:
« Anti-intellectualisme »
Les enseignants et dirigeants du supérieur, et les scientifiques américains, sont eux aussi apparus sonnés. « La victoire de Trump secoue le monde académique », titre le magazine spécialisé Inside Higher Ed, tandis que le Chronicle of Higher ED estime qu’une « onde de choc traverse l’enseignement supérieur après la victoire surprise de Trump », rapporte l’Agence Education Formation (AEF). Si l’American council on education, la plus grande association de dirigeants d’établissement d’enseignement supérieur a, dans un court et discret communiqué sur son site Web, « félicité » Donald Trump pour sa victoire, l’Association of american university (AAU) est restée muette.
« De nombreux leaders académiques redoutent que le nouveau président effraie les étudiants étrangers, provoque des conflits sur les campus et promeuve un anti-intellectualisme qui lui a valu un large soutien de la part des hommes blancs non-diplômés », analyse Inside Higher Education.
Le prochain locataire de la Maison Blanche n’a rien fait pour les rassurer. Il avait déjà annoncé que le département de l’éducation « jouerait un rôle réduit » sous son administration. Durant la campagne, il est surtout intervenu sur des questions de financement et de dette étudiante, et indiquait vouloir obliger les universités riches à baisser leurs frais de scolarité…
Mais cette élection n’est que la conclusion d’un grand mouvement des républicains et de « l’alt right » pour pulvériser les collèges et université considérée comme « trop à gauche ». Le « National review », média pourtant conservateur explique comment la conjugaison de différents facteurs va permettre à Trump et au GOP de taper sur le système scolaire. Le média « La Chronique de l’enseignement supérieur » explique comment chaque « affaire locale » est systématiquement montée en épingle par les réseaux sociaux de l’alt-right et les médias conservateurs.
Chaque « petite phrase » de professeurs est récupérée par un système de réseau locaux puis amplifiée au niveau national, pour en faire une affaire d’état:
La droite politique a développé un réseau coordonné pour cibler systématiquement la liberté d’expression des professeurs présumés de gauche . Au cours des dernières semaines, ce réseau de militants a lancé une série d’attaques vicieuses, menant à des intimidations, des appels au licenciement et même des menaces de mort . Les collèges et les universités ont fermé leurs portes, tandis que les universitaires ont annulé leurs allocutions et se sont même cachés avec leurs familles.
Keeanga Yamahtta-Taylor, Johnny Eric Williams, Sarah Bond, Tommy Curry et George Ciccariello-Maher sont les cibles les plus récentes de la campagne de la droite contre l’enseignement supérieur. Alors que les attaques se sont propagées et intensifiées, l’ American Sociological Association s’est jointe à l’ American Association of University Professors pour condamner le ciblage de professeurs individuels et appeler les universités à protéger ceux dont le discours est visé. Jessie Daniels et Arlene Stein ont écrit un excellent aperçu de pourquoi et comment les universités devraient soutenir ces universitaires, et Eric Anthony Grollman a proposé un modèle aux universitaires pour protéger leurs collègues des attaques publiques.
Les détails des déclarations de ces professeurs ont été couverts et analysés ailleurs. Ma préoccupation ici est double. Premièrement, il semble que la liberté d’expression soit contrôlée différemment en fonction de l’identité de l’orateur et du fait qu’il soutienne ou défie le pouvoir. Deuxièmement, la droite exploite ces outrages fabriqués, en utilisant la liberté d’expression comme une question de coin dans le cadre de sa stratégie de longue date de délégitimation de l’enseignement supérieur lui-même.
Ces opérations s’inscrivant de toute manière dans une tactique délibérée, calculée de longue date par les populistes du GOP d’utiliser le premier amendement de la constitution américaine comme une arme à leur propre usage:
Les conservateurs, a déclaré le juge Kagan, qui fait partie de l’aile libérale de quatre membres de la cour, « militarisaient le premier amendement ».
Les deux décisions étaient les dernières d’une série de victoires étonnantes pour un programme conservateur de plus en plus fondé sur la liberté d’expression. Les groupes conservateurs, empruntant et s’appuyant sur les arguments développés par les libéraux, ont utilisé le premier amendement pour justifier des dépenses électorales illimitées, la discrimination contre les couples homosexuels et les attaques contre la réglementation du tabac, des produits pharmaceutiques et des armes à feu.
« La droite, qui avait été pendant des années hostile et très nerveuse à propos d’un premier amendement fort, l’a redécouvert », a déclaré Burt Neuborne , professeur de droit à l’université de New York.
L’affaire du financement de la campagne de Citizens United, par exemple, a été tranchée sur la base de la liberté d’expression, la majorité conservatrice de cinq juges ayant statué que le premier amendement protège les dépenses électorales illimitées des entreprises. Le gouvernement, selon la majorité, n’a pas à réguler le discours politique.
Les dissidents ont répondu que le premier amendement n’exigeait pas de permettre à l’argent des entreprises d’inonder le marché politique et de corrompre la démocratie.
« La position libertaire est devenue dominante à droite sur les questions du Premier amendement », a déclaré Ilya Shapiro , avocat au Cato Institute. « Cela signifie simplement que nous devrions être sceptiques quant aux tentatives du gouvernement de réglementer la parole. C’était un point non controversé et non idéologique. Ce qu’on appelle maintenant la position libertaire sur la parole était dans les années 1960 la position libérale sur la parole.
Et un système judiciaire de plus en plus conservateur a été plus que peu réceptif à cet argument. Une nouvelle analyse préparée pour le New York Times a révélé que la Cour suprême du juge en chef John G. Roberts Jr. était beaucoup plus susceptible d’adopter des arguments de liberté d’expression concernant le discours conservateur que le discours libéral. C’est une rupture brutale avec les époques antérieures.
L’antiracisme est désormais systématiquement présenté comme une menace à la liberté d’expression…
Le gouvernement du Parti conservateur au Royaume-Uni, par exemple, a investi une énergie politique considérable dans la présentation des manifestations liées au BLM comme des menaces à la liberté d’expression. Cela a impliqué une campagne contre la « censure » sur les campus universitaires, malgré le manque de preuves à l’appui de ces affirmations. Il a récemment abouti à la publication d’ un rapport sur le racisme en Grande-Bretagne qui blâme l’idéalisme juvénile mal avisé d’avoir – encore une fois – tout fait sur le racisme.
Et pourtant les faits sont là:
L’année dernière, le Guardian a commandé un rapport qui analysait les commentaires laissés sur des milliers d’histoires d’écrivains (la majorité écrites par des hommes blancs) sur une période de 10 ans. Il a révélé qu’aucun des 10 écrivains ciblés par la plupart des abus n’était un homme blanc : ils étaient tous des femmes et/ou des personnes de couleur.
Dans cette fabuleuse opération de bonneteau politique qui consiste à inverser les rôles et les faits, les blancs ne sont pas menacés, rassurons nous:
En écoutant les têtes parlantes à gauche et à droite, on pourrait penser que l’Amérique est confrontée à une crise de la liberté d’expression. Mais la crise n’est pas ce qu’elle est censée être. Les Jonathan Chaits et Frank Brunis et Sean Hannity du monde ne manquent pas de liberté de parole, pas plus que les conservateurs blancs sur les campus universitaires dont ils semblent si inquiets. Ce sont les femmes et les personnes de couleur qui ont le plus de mal à trouver une plate-forme – mais il y a un manque flagrant d’inquiétude à ce sujet de la part des militants de la liberté d’expression.
Lorsque Bill O’Reilly et feu Roger Ailes ont été payés des dizaines de millions de dollars pour avoir démissionné de leur emploi – bien plus que les règlements que les femmes qu’ils étaient accusés de harcèlement sexuel ont reçus – ils n’ont pas été réduits au silence. Et Bill Maher, qui a eu droit à un retour en arrière mérité pour avoir dit « house nigga » ne le fait pas lutter pour parler librement.
Ceux d’entre nous qui sont régulièrement appelés « salope », « pédé » ou « nègre » – et qui sont menacés de violence et de mort – ont beaucoup plus de mal à accéder au droit à la « liberté d’expression »
Car attention, cette « liberté d’expression » est à un seul sens!
Commanditée par des fondations aux poches profondes (Koch, Amway, Heritage, Bradley, Goldwater), la campagne a fait de la liberté d’expression sa pièce maîtresse. En envoyant des provocateurs comme Milo Yiannopoulos et Ann Coulter, des néo-nazis comme Richard Spencer et des types marginalement respectables comme Charles Murray, le but était de provoquer exactement les réactions qu’ils ont obtenues – l’indignation, la protestation, parfois la violence – et d’obtenir d’énormes publicité pour leurs efforts. Ces personnages se sont présentés comme des victimes de discrimination, ce qui détourne l’attention de discussions sérieuses sur des sujets tels que le racisme institutionnel sur les campus et d’autres problèmes rencontrés par les minorités et ceux qui cherchent à promouvoir la justice sociale. Les conservateurs ont attiré une énorme attention médiatique d’une manière que la gauche a eu du mal à faire. Dans son livre, L’avenir de la liberté académique, Hank Reichman cite une étude qui montre qu’entre mai 2016 et janvier 2018, le NY Times « a publié 21 colonnes ou articles dénonçant le silence présumé des conservateurs sur le campus », tandis que seulement trois articles parlaient du silence de ceux de l’autre côté (ce qui incluait un grave harcèlement ciblé des professeurs de gauche et des minorités). (186). Le livre de Hank contient des données qui montrent clairement que les cas de violence contre ces locuteurs sont rares et que la discrimination contre les conservateurs n’est pas un problème énorme. Il conclut ainsi son chapitre sur les locuteurs extérieurs : « Suggérer que les menaces gauchistes envers les locuteurs extérieurs constituent la principale menace à la liberté d’expression et à la liberté académique sur le campus aujourd’hui, c’est exagérer et induire en erreur, ou pire. (200).
[…]
Ce dont je veux parler aujourd’hui, cependant, c’est la manière claire dont les différentiels de puissance fonctionnent. Ils apparaissent comme des contradictions avec les principes professés de la liberté d’expression en cours d’approbation. D’une part, la liberté d’expression est approuvée pour les conservateurs ; par contre elle est refusée à ceux de gauche. Alors que l’attention du public est attirée sur les conservateurs en tant que victimes, ceux qui les protestent pacifiquement – au nom de l’égalité, de la justice, du climat – sont souvent punis. Le droit à la dissidence n’est pas inclus dans le rapport « modèle » de l’Université de Chicago sur la liberté d’expression. La discussion (le mot est utilisé maintes et maintes fois dans ce rapport) est la bienvenue tant qu’elle « ne perturbe pas les activités ordinaires de l’Université » — tant, semble-t-il, comme s’il ne s’agissait que de paroles. La protestation en tant que droit à la liberté d’expression est remarquablement absente du document ;elle n’est pas considérée comme une forme acceptable d’expression libre (bien qu’historiquement elle ait bénéficié d’une protection constitutionnelle). La pratique administrative dans les collèges et universités de tout le pays est d’agir rapidement pour punir les manifestants et tout aussi rapidement pour défendre les droits de « liberté d’expression » des conservateurs.
Est ce que tout ceci ne vous rappelle rien dans notre bonne France?
Vous pensez que nous n’en sommes pas encore là?
Et pourtant.
Exemple avec Emmanuelle Ducros, « journaliste » controversée, lobbycompatible, et en accord avec les thèses du « Printemps Républicain » ne dit pas autre chose:
« Je suis totalement d’accord avec vous, applaudit Emmanuelle Ducros, de L’Opinion. On a l’impression que l’extrême droite commence à la droite de La France insoumise. Et c’est terrifiant. » Je ne vous le fais pas dire. « On est tous devenus des fascistes. Je suis en colère contre cette gauche-là. »
Et ils sont nombreux tout ceux là qui ont pignon sur rue, rond de serviettes, place permanente sur les médias!!!!
Emmanuelle Ducros va même chercher d’autres non événements comme celui d’Evergreen pour appuyer ses thèses… La tactique de l’alt-right américaine à du bon semble t’il!
Tempête dans un verre d’eau!!!! Pire manipulation de la prof ET de la journaliste qui montèrent cette affaire en épingle!
Le « Printemps Républicain » n’est il pas un outil sculpté au ciseau pour accomplir les mêmes taches, avec les mêmes buts que l’alt right américaine? (On relira avec grand intérêt l’enquête en 4 épisodes sur ce réseau du Printemps républicain -et encore merci à notre amie Isabelle Kersimon pour ce travail).
En avril dernier, aux « Etats généraux de la laïcité » lancés par Marlène Schiappa, l’omniprésente gourelle de la laïcité, made in alt right française, Caroline Fourest herself lançait une phrase ahurissante relevée par Maxime Reynié, journaliste à Politis:
"C'est le mot islamophobie qui a tué les dessinateurs de Charlie Hebdo et Samuel Paty"
Aux Etats généraux de la laïcité ça dit donc que la lutte contre le racisme envers les musulmans est la cause du terrorisme islamiste. pic.twitter.com/CWev4JR6Oj— Maxime Sirvins (@MaximeSirvins) April 20, 2021
Hier (13 octobre 2021), le ministre de l’éducation nationale JM Blanquer lançait un Think Tank qui rejoint cette stratégie générale d’hystérisation des débats. Et que du beau monde!
Si vous n’avez toujours pas vu le rapport avec cette campagne de l’alt right, évoquée lors de cette affaire d’Evergreen , laissons parler un média américain. Médias américains pourtant assez prompts à ignorer ce qui se passe dans l’hexagone:
La nouvelle loi de l’ Idaho interdisant l’enseignement de la « théorie critique de la race » dans ses écoles publiques est un exemple de politique de « détournement cognitif » (« gaslighting » en anglais) en action. Dans le but de défendre « la dignité et la non-discrimination », il criminalise un tel enseignement, arguant qu’il favorise la division. Aucune définition de la « théorie critique de la race » n’est fournie, mais il s’agit d’une caractéristique, et non d’un défaut, de l’attaque contre l’antiracisme.
Si le concept reste aussi changeant, la « théorie critique de la race » peut remplacer toute tentative de rendre compte de l’héritage et de la persistance des structures racistes. En même temps, s’il est présenté comme quelque chose de solide, il peut être considéré comme une idéologie d’endoctrinement et justifier la censure, par exemple, de l’éducation et des éducateurs. Ce changement de forme est exactement ce avec quoi jouait l’ancien vice-président Mike Pence lorsqu’il a tweeté en réponse au vote :
« Nous rejetterons la « théorie critique de la race » dans nos écoles et nos institutions publiques, et nous ANNULERONS la « culture de l’annulation » où qu’elle se présente !
À première vue, Pence peut sembler avoir peu de points communs avec le président français Emmanuel Macron, dont le gouvernement libéral a poussé cet assaut encore plus loin. Dans une panique morale fabriquée, le gouvernement français accuse des groupes antiracistes d’importer des « théories nord-américaines » sur le racisme systémique qui menacent l’universalisme de la République française. Par conséquent, ces idées sont présentées non pas comme des contributions à un débat ouvert, mais comme une menace à la liberté d’expression en tant que valeur essentielle qui sous-tend la république.
On en reste pantois…
Mais « l’affaire Evergreen » elle-même qu’est elle?
2) « L’affaire Evergreen »
Chaque mois d’avril, des années 1970 à 2017, Evergreen a organisé un événement d’une journée appelé « Day of Absence », inspiré de la pièce de théâtre du même nom de Douglas Turner Ward , au cours de laquelle des étudiants et des membres du corps professoral des minorités sont volontairement restés hors du campus pour faire connaître les contributions de minorités et pour discuter des questions raciales et universitaires. Depuis 1992, le Jour d’Absence a été suivi du « Jour de Présence », lorsque la communauté du campus se réunit autour d’un spectacle, une conférence et une soirée festive. En 2017, environ 25 % des étudiants d’Evergreen étaient des minorités raciales.
En 2015, George Sumner Bridges devient le sixième président de l’Evergreen State College (sans compter les nominations intérimaires). Ses actions mises en place à la rentrée 2016 incluent une formation obligatoire à la diversité pour les enseignants, un rapport annuel sur les inégalités au sein de l’établissement, et la création d’un poste à plein temps « d’equity officer » (« préposé à l’équité »).
Dans le cadre de ce nouveau plan, les organisateurs du Day of Absence annoncent que l’événement pour les élèves « racisés » sera tenu sur le campus, tandis que celui pour les élèves blancs sera organisé en dehors du campus, inversant la structure habituelle de la journée. L’annonce dans le journal des étudiants affirme que toute personne peut décider où elle souhaite se rendre et des événements auxquels elle souhaite participer, comme chaque année, répétant que la séparation des élèves est sur la base du volontariat. JAMAIS il n’a été déclaré et encore moins obligé les étudiants blancs à quitter le campus. La volonté derrière cette inversion est d’insister sur le fait que les étudiants étrangers ou enfants d’immigrés ont leur place sur le campus : la décision est prise après l’élection de Donald Trump (voir plus haut).
Ce changement est voulu comme un symbole politique au vu de la situation.
Cependant, le départ volontaire est remis en cause : dans des notes de réunion, il est écrit que quinze à dix-sept professeurs se sont engagés à faire participer leurs étudiants à l’événement.
Peu après la publication du plan, Bret Weinstein, professeur de biologie dans l’établissement, juif, démocrate, pourtant soutien de Bernie Sanders et du mouvement Occupy Wall Street, envoie de nombreux emails dans une liste de diffusion réservée à la faculté et aux étudiants employés par la faculté, affirmant que la stratégie va handicaper la « majorité silencieuse » des professeurs. Il se concentre en particulier sur un événement, le Day of Absence. Bret Weinstein déclare dans une lettre du 15 mars 2017 que ce changement est discriminatoire pour les personnes blanches et qu’il s’agit d’un acte de « racisme antiblanc ».
Selon trois professeurs d’Evergreen ayant pris position dans le débat, Bret Weinstein aurait été invité par le directeur des services de conseil multiculturel des Premières Nations d’Evergreen à discuter du but de l’organisation spécifique du Day of Absence de cette année là et à préciser son objectif, mais aurait refusé de s’y rendre.
Bret Weinstein écrit aussi une lettre en mars à la faculté d’Evergreen, pour protester contre le changement de format, déclarant que: « Sur un campus universitaire, le droit de parler – ou d’être – ne doit jamais être basé sur la couleur de la peau ».
En 2017, certains étudiants de couleur ont exprimé leur inquiétude de ne pas se sentir les bienvenus sur le campus à la suite de l’ élection présidentielle américaine de 2016 et de la fusillade policière hors campus en 2015, dont nous avons parlé ci dessus.
Le 14 mai 2017, un étudiant appelle la police d’Evergreen après une confrontation avec deux étudiants noirs qui l’ont accusé de racisme sur Internet puis avec qui il a eu une altercation en personne : il affirme se sentir en danger. Les deux étudiants, Timeko Williams Jr et un autre dont on ne connaît que le prénom, Jamil, sont arrêtés par la police à 23 heures et détenus en garde à vue jusqu’à deux heures du matin le lendemain. Dans les jours qui suivent cette garde à vue, des étudiants d’Evergreen manifestent régulièrement sur le campus, estimant l’arrestation abusive et le traitement des deux étudiants inacceptable – on leur a interdit d’aller aux toilettes ou de boire un verre d’eau. Cette arrestation vient s’ajouter à, selon les manifestants, de longues récriminations des étudiants envers l’incurie de l’administration pour résoudre les problèmes de racisme à Evergreen. Les manifestants demandent à ce que soient rapidement prises des mesures visant à réformer la police du campus, ainsi qu’à réellement prendre en compte les inégalités raciales et les besoins des personnes noires et natifs américaines.
Le 23 mai 2017, une nouvelle manifestation d’une cinquantaine d’étudiants a lieu et vise cette fois-ci à confronter Weinstein pour ses emails de mars considérés comme racistes, ainsi que, selon The Cooper Point Journal, revue publiée par les étudiants d’Evergreen State College, pour son opposition répétée aux initiatives mises en place par le Conseil pour l’Égalité d’Evergreen en vue de répondre aux inquiétudes des étudiants noirs et natifs américains. Il est pris à partie par les étudiants qui lui rappellent ses emails et son comportement. La situation commence à dégénérer à l’arrivée de la police, les étudiants affirmeront que c’est parce qu’ils croyaient que les policiers avaient été appelés par Weinstein lui-même.
L’après-midi, une discussion entre les étudiants d’Evergreen et l’administration et certains professeurs est organisée; des étudiants demandent à ce que Weinstein soit suspendu.
Le lendemain, 24 mai, une grande journée de manifestation et d’occupation des locaux est organisée. Les demandes étudiantes concernent principalement des changements rapides dans la façon dont les besoins des élèves noirs et natifs américains sont pris en compte par l’administration d’Evergreen. Par ailleurs, la demande de suspension de Weinstein est finalement supprimée par les organisateurs.
Le 26 mai, l’administration affirme qu’elle ne renverra pas Weinstein, mais qu’elle mettra en place les initiatives anti-racistes plus rapidement que prévu au sein de l’université, à commencer par les formations obligatoires des professeurs aux enjeux de diversité. Les étudiants obtiennent cependant le désarmement de la police du campus.
Le soir même, Bret Weinstein est interviewé par Tucker Carlson sur Fox News Channel, où il ne corrige pas le présentateur quand ce dernier affirme que les étudiants blancs ont tous été interdits d’entrée sur le campus. Or nous l’avons vu plus haut, c’est faux.
Selon Noah Berlatsky, l’attitude de Weinstein durant cette interview laisse à penser que les manifestations ont été organisées uniquement en réponse à son email envoyé deux mois plus tôt.
Le 30 mai 2017, Weinstein écrit un article au titre alarmiste pour le Wall Street Journal, dans lequel il donne sa version des faits, depuis les échanges de mails de mars jusqu’à la fin mai. Ces prises de positions médiatiques font connaître les événements d’Evergreen dans tout le pays et attirent l’attention de militants d’extrême droite.
Dès lors, les menaces de mort se succèdent.
Le 31 mai 2017, le dirigeant de Patriot Prayer, un groupe militant de l’alt-right, promet de défendre Bret Weinstein contre l’université Evergreen qu’il qualifie « d’anti liberté d’expression ».
Une menace directe le 1er juin pour la sécurité du campus (un appel anonyme annonçant une tuerie de masse en milieu scolaire) conduit le FBI à ordonner une évacuation et à la fermeture du campus pendant deux jours. Il s’avère plus tard que l’appel anonyme vient d’un homme du New Jersey, qui n’avait aucune intention de passer à l’action : il est accusé de menaces terroristes et de fausses alarmes publiques.
Le jour suivant, l’administration reçoit des nouvelles menaces et choisit d’arrêter tous les cours. Les étudiants vivant dans les dortoirs du campus se regroupent et s’arment de battes de baseball pour répondre à une potentielle agression alors que des meneurs crient des insultes racistes derrière leurs fenêtres. Ils prennent une photo de groupe, souriants, leurs battes à la main, qui est rapidement reprise par les médias d’extrême-droite ; Weinstein tweete la photo en ajoutant que plusieurs personnes conservatrices ont été agressées, ce qui n’est corroboré par aucune autre source. Un groupe nazi Atomwaffen Division avait placé des affiches autour d’Evergreen la semaine précédente.
Le 15 juin, Patriot Prayer organise sa manifestation : le campus ferme à nouveau, les bâtiments sont verrouillés et le personnel est libéré plus tôt. La manifestation attire « un groupe de 60 ou 70 personnes d’extrême droite », dont quelques anciens étudiants de l’université qui soutiennent Weinstein, tandis que 200 membres du campus et des sympathisants de la communauté Olympia qui portaient des banderoles contre le fascisme et soutenaient « Community Love », un slogan des récentes protestations des étudiants en couleurs, leur font face. Les policiers de l’État de Washington séparent les deux camps avec des barrières en métal. À la fin de la journée, les manifestations se sont déroulées sans heurts, avec une personne arrêtée seulement.
Le 22 juillet, le journaliste conservateur Milo Yiannopoulos publie une vidéo dans laquelle il divulgue, comme à son habitude, les coordonnées exactes d’une enseignante noire de l’université. Elle a été inondée à partir de là de 40 à 50 messages de haine raciste par jour, jusqu’à son départ de l’université.
Comme on le voit, l’affaire n’est pas exactement la même lorsque le contexte est détaillé, remis en forme…
3) « Certes mais que faire de cette information? »
A notre sens, il faut mettre en parallèle ce qui s’est passé et continue à se passer aux USA, avec la nouvelle mode suivie par les conservateurs et la fachosphère française sur les « concepts flous » que nous évoquions dans un dernier article: « wokisme », « islamogauchisme », « cancel culture », « intersectionnalité », etc…
- Le néologisme
Dans un sens général, un néologisme est tout mot nouveau entré dans le lexique d’une langue. La plupart du temps cependant on réserve l’emploi de néologisme à la création et à l’utilisation d’un mot ou d’une expression qu’on vient de former à partir d’éléments déjà existants dans la langue elle-même. C’est exactement ce que font les créateurs de ces mots d’extrême droite, ils essaient de faire passer de nouveaux concepts politiques (tous plus fumeux les uns que les autres) en passant par une économie d’étude et de définition. Ce sont des « néologismes de sens ». Pour la plupart, ils essaient de lier un sens signifié par un signifiant qui fera appel de préférence aux affects (d’où le choix des mots-valises).
L’affaire Evergreen est aujourd’hui systématiquement évoquée par ces milieux pour justifier un discours de droite/d’extrême droite qui n’a aucune réalité et n’est que pure agit prop…
Bien sûr, on va nous opposer le « racisme intrinsèque » des événements en non mixité. C’est sur Reddit que nous avons trouvé une jolie explication (bonjour à l’ami Pandov Strochnis au passage):
Est-ce que faire ces groupes de travail sont racistes ?Non. De même que les groupes de travail non-mixtes sur le féminisme ne sont pas misandres. Je sais ça fait beaucoup, mais c’est pas forcément bien compliqué [2, 3, 5, 6, 7].
Reprenons l’exemple de la réunion de direction avec les représentants syndicaux, ou inversement, c’est au choix. Imaginez pas des cadres sup, imaginez l’ouvrier payé 1500€ brut par mois, celui que la gauche est censée avoir « abandonné au profit des luttes racialistes » (on fera un autre épisode là dessus à l’occas). Mettez tout ce petit monde dans un même salle pour décider si oui ou non il va falloir déclencher un PSE et dégager du monde, ou si on peut pas plutôt geler les salaires de la direction et le versement des dividendes (je vous vois venir avec votre science sur les dividendes, soit vous avez une autre option plus pertinente pour enrichir l’exemple et le rendre plus pertinent, soit ça n’a aucun intérêt). Oui, il va falloir soit un grand stock de chemises pour les cadres et des parachutes dorés pour amortir la chute du patron qui va se faire défenestrer, soit assez d’agents de sécurité pour faire sortir les représentants syndicaux un par un à chaque proposition du patronat. Est-ce qu’il-y aurait pas une manière plus intelligente de travailler en amont ? Bien sûr que si ! Mettez les deux groupes dans deux espaces séparés, et faites les travailler sur leurs propositions avec un compte rendu et un partage des conclusions à la fin sur la base de travaux solides et réfléchis.
Mais pourquoi ce qui peut paraître évident dans un contexte professionnel ou péri-professionnel ne l’est plus dans d’autres groupes, fussent-ils militants ? Et surtout pourquoi peut-on y avoir recours ?
La non-mixité est un outil qu’on retrouve aussi dans les luttes féministes, et qui date au-moins des années 1960, et des années 1970 en France. Elle répond à la problématique de l’appropriation de l’espace d’échange [sur le féminisme] par des personnes externes, sans intention forcément malveillante, mais néanmoins pas concernées par le sujet. Un peu comme si vous deviez expliquer votre produit ou votre service et ses limites sans les dire à un client, mais que ce gros con de commercial arrive par dessus votre épaule avec toute l’assurance qui le caractérise et vient annoncer des trucs que vous savez d’avance impossibles à réaliser ou qui n’ont jamais été prévus, mais ça c’est pas son soucis puisqu’il aura jamais à subir les conséquences de ce qu’il avance (par contre vous oui).
A quelques reprises, des hommes ont voulu être inclus dans des groupes de réflexions féministes, comme des hétéros ont voulu s’inscrire en tant que « soutiens » ou « partisans » dans les groupes LGBT. Quasi systématiquement, ceux qui sortent de leur place de spectateur (parce-que pas concernés quoi qu’ils en disent par le sujet) pour prendre une place plus active dans le mouvement, s’approprient et dénaturent le sujet, voire le foutent en l’air. C’est une critique qu’on voit souvent dans les milieux militants[8] : chacun doit connaître son rôle, et avant toute chose savoir écouter.
Evidemment est-ce que c’est la seule solution, ou est-ce que son efficacité en tant qu’outil est garantie ? Bien sûr que non, et il serait de mauvaise foi de dire le contraire. Mais il s’agit de considérer l’outil, son utilisation dans un cadre donné, et son intérêt. De même que la violence ou la non-violence ne sont pas les deux seules options et que l’un implique l’absence de l’autre, les méthodes et les outils se doivent d’être variés[8].
Et c’est là que nous en revenons à notre petit aparté en début d’article sur la spécificité du racisme aux USA. Chanelle Wilson, professeure adjointe en éducation et directrice des études africaines à Bryn Mawr, déclare à Newsweek:
« la race est consubstantielle à la fondation des États-Unis et à la manière dont ce pays fonctionne: inévitablement, elle est aussi présente dans l’éducation »
La race comme construction politique et comme mécanisme d’oppression imprégnent, de manière invisible, les structures de pouvoir dans les sociétés postcoloniales. Ces études décoloniales sont celles-là même que les tenants de l’universalisme classique, se présentant souvent en France comme issus de la « gauche républicaine », rejettent en bloc. Ils ne sont pas les seuls. Aux États-Unis aussi, les études décoloniales font l’objet de nombreuses critiques, mais elles émanent principalement du camp conservateur et ultra-conservateur.
Chanelle Wilson (toujours elle) affirme que:
La race fonctionne comme un système de divisions et de hiérarchies. Nous avons créé ce système. Aux États-Unis, il existe dans tous les aspects du quotidien parce que ce pays a été fondé sur la race.
Alors qu’en est il dans les universités américaines?
S’agit-il d’une forme de pénitence –je suis blanc, donc raciste– comme le pensent ceux que la notion de privilège blanc épouvante? Mal conçus, mal dirigés, détournés par des entrepreneurs racialistes, les ateliers décoloniaux peuvent donner lieu à ce type de dérives.
La plupart du temps, ce sont pourtant des espaces ouverts à tous, dans lesquels les profs sont invités à repenser leur syllabus et leurs techniques d’enseignement d’une façon plus équitable et plus inclusive. Pour les enseignants blancs, l’idée n’est pas d’expier un racisme ontologique (être raciste), mais de prendre conscience de préjugés inconscients, produits de l’ignorance ou du déni historique (avoir le racisme).
Dans la même veine un groupe politique, comme le PIR, suivez notre regard, peut censément s’appuyer sur ces concepts mais en les déformant pour arriver à des conclusions guère différentes d’une « alt right inversée »…
Car ces « études décoloniales » et les applications qui en sont proposées ne sont pas un but en soi. Elles ne sont qu’un moyen, un outil. Imparfait certes, mais qu’il est tentant d’essayer dans un pays gangrené par le racisme comme les USA.
Toute la question pour ceux qui nient cette réalité sociologique est donc désormais de minimiser les faits en présentant de fausses accusations de racisme, ou bien de présenter certaines affaires sous leur « plus mauvais jour », voir carrément d’en faire un cauchemar propre à effrayer ces fragiles de fachos. Coucou Evergreen, on comprend de mieux en mieux cette affaire maintenant.
Au vu de certaines affaires « désolantes » ou carrément monstrueuses, il semble impossible aux USA de contester le racisme systémique.
Et en France?
Merci de poser la question, nous ne sommes guère mieux lotis. Il semble bon désormais de replacer tout ce fatras de discours tenus aussi bien par le président actuel, que par les chantres de son parti (Blanquer/Schiappa/Darmanin en tête); mais aussi par des partis satellites (le printemps républicains) qui grenouillent aussi bien à LREM, que chez les fossoyeurs du PS (coucou Valls)
ou bien encore à l’extrême droite…Mais là pas d’étonnement.
L’histoire française est jalonnée de massacres depuis Sétif et Guelma, la répression sanglante des manifs de 61, la Pointe à Pitre en 67, voire carrément les complicités de génocide au Rwanda …
Et on en passe sur la façon dont la France a colonisée l’Algérie par exemple.
Plus la France vote à droite, et plus les pouvoirs successifs tentent désespérément de mettre la situation sous le tapis. Des affaires particulièrement grave deviennent médiatisées parfois comme le drame de Michel Zecler ou la mort de Zyed et Bouna…Circulez ya rien à voir.
Amnesty International met l’accent régulièrement sur ces violences policières qui font froid dans le dos.
Le problème c’est que si ces affaires sont relayées la réponse des politiques, gauche en tête est faiblarde, voire inexistante. Et lorsqu’elle dépasse un peu, elle est immédiatement décapitée. Les grands partis de gauche envoient leurs représentants participer à des manifestations factieuses devant l’assemblée nationale… C’est ainsi que l’on peut voir Faure (PS), Roussel (PC) et Jadot(EELV) défiler au coté de Darmanin (un ministre qui manifeste contre lui-même?), ou des personnalités aussi fréquentables que Bardella, Zemmour et Messiha…
Mais si il n’y avait que la police.
des études ont montré le croisement des racismes, la fameuse « intersectionnalité » si décriée. L’institut Montaigne (de vrais bolcheviques ceux là) ont montré qu’il existait une discrimination religieuse à l’emploi.
Mais rassurez vous les juifs y ont droit aussi. Si d’un coté la tolérance augmente envers les « minorités visibles », de l’autre une partie de la population se crispe de plus en plus sur le racisme, et les stéréotypes sont particulièrement responsables.
La montée régulière des extrêmes droites en France en est le signe majeur, car les raisons du vote extrême droite sont très claires sur le sujet.
Et les gouvernants face à celà?
Et bien les acteurs politiques et médiatiques inventent toutes sortes de scenarii qui consistent essentiellement à nier l’évidence ou à l’escamoter sous un autre masque: on entend ici qu’il y aurait un divorce entre la population et les forces de l’ordre, divorce que réfute d’ailleurs le ministre de l’Intérieur; là, dans le sillage du stéréotype sur les territoires perdus, on se raconte que c’est la société qui serait de plus en plus violente, que la violence de la police ne serait que le produit ou le reflet d’un irréversible ensauvagement.
Bref les gouvernants et les médias font perdurer la situation.
Dès lors il devient tentant de stigmatiser des méthodes américaines destinées à prendre en compte ce racisme systémique. La situation américaine n’est certes pas celle de la France. Quoique… N’avons nous pas tendance à nous dissimuler sous des atours de vertus historiques qui nous permettraient de nous situer nous même plus haut que cela. Que l’on vaudrait mieux que ca?
Tel n’est pas l’objet de cet article et qui le dépasse complètement.
Non plus de trouver les raisons qui pourraient pousser la droite classique en France et une bonne partie de « la gauche » a adopter un discours hystérisant dont on a vu qu’il est une parfaite copie des méthodes, des stratégies du GOP trumpiste… Le monde universitaire a beau se défendre intelligemment, il n’est guère relayé par les politiques de « gauche » ou parce que certains copinent carrément avec les thèses de Blanquer/extrême droite; ou bien parce que certains ayant copiné avec le PIR se retrouvent englués dans un amalgame qui ne sert au final que les extrêmes droites.
Souvenez vous que toute la gauche n’a pas copiné avec ce PIR et des inconvénients majeurs qui découlerait de le faire. Le PIR a toujours été infréquentable et a utilisé les thèses décrites plus haut dans un fatras idéologique raciste. En bref: « fallait pas l’inviter » dans nos manifs, ni défiler avec eux.
CONCLUSION
Les conséquences pour l’université Evergreen
Les manifestations de 2017 ont aggravé le déclin des inscriptions que connaît l’institution depuis une dizaine d’années. La baisse des inscriptions a forcé l’université à ôter 6 millions de dollars de son budget annuel et à augmenter ses frais d’inscription. Les inscriptions baissent de 5 % pour la rentrée 2017 et les prévisions indiquent une baisse de 20 % dans les quelques années qui suivent. Alors que l’université en comptait 3 881 en 2017, le nombre d’étudiants chute à 3 327 en 2018 puis à 2 854 en 2019.
Mais rappelons le cette baisse avait commencé avant les événements et ne sont donc pas à lier avec ceux ci même si ils les ont sans doute accéléré. Cette désaffection est certainement plus à mettre sur le compte de l’organisation des diplômes à Evergreen. Ceux ci manquant de grades tendant à se standardiser dans le monde du travail.
Et Bret Weinstein? Ca va bien pour lui, merci. En juin 2018, il est invité à témoigner au sujet de la liberté d’expression devant le Congrès. En septembre 2017, un accord est conclu : Weinstein et sa femme Heying démissionnent et reçoivent 500 000 dollars d’indemnités, après avoir réclamé 3,8 millions de dollars de dommages et intérêts. En 2020, il confie : « Ma femme et moi avons vécu une véritable tornade personnelle qui était annonciatrice de la tornade qui a balayé tout le pays. Evergreen est maintenant partout ». Il vaque aujourd’hui à différentes activités de conférence, podcast et autres.
En 2018, Evergreen State College supprime le Day of Absence, mais des étudiants de couleur choisissent d’organiser leur propre événement du même type à la même période de l’année. Ils reçoivent à nouveau des messages haineux et des menaces dans leur formulaire d’inscription à l’événement. L’événement se déroule finalement sans violence.
Les conséquences aux USA et en France
Su ce point au moins ont peut mettre les deux sur le même plan. Biden a exprimé des paroles NETTEMENT moins agressives que Trump sur le sujet. Mais Trump a irrémédiablement fracturé le GOP et celui ci continue la même politique de dénigrement des établissements universitaires et tient un discours anti intellectuel de plus en plus complotiste. Ce discours; ces tactiques ont amenés Trump au pouvoir et font vivre des milliers de politiques aux thèses démentielles, sans compter les blogueurs et podcasteurs du même tonneau.
Et en France, comme nous l’avons vu, ce n’est pas mieux. On assiste aujourd’hui à une véritable collusion d’idées, de tactique et d’intérêts entre fachosphère et droite classique. LR et LREM rivalisent d’un discours ahurissant de contre vérités et qui relèvent d’une agit prop complètement identique à celle du GOP. Evergreen est passé par là et sert systématiquement d’argument entre les mains de ces gens là.
D’autant que certains « fact checker », pourtant des pontes, sont tombés dans le panneau. Ou bien pire participent de la confusion. exemple avec l’article de Michael Schermer dans « Pour la Science ». Un article ahurissant qui pratique de non moins ahurissantes inversions accusatoires sans jamais se pencher sur les faits qui se sont RÉELLEMENT déroulés à Evergreen. Exemple:
Ces professeurs postmodernistes enseignent aux étudiants qu’il n’y a pas de vérité, que la science et les faits empiriques sont des outils d’oppression par le patriarcat blanc, et que presque tout le monde en Amérique est raciste et sectaire, y compris leurs propres professeurs – dont la plupart sont pourtant des libéraux ou des progressistes qui combattent ces fléaux sociaux.
En même temps, il ne vous dira pas qu’il est un farouche libertarien et que certaines de ces théories sont pour le moins malaisantes:
Michael Shermer asks why Jefferson shouldn't be seen as progressive for raping Sally Hemings and enslaving his children.
Even the right wing crank he's interviewing looks creeped out by the question. pic.twitter.com/1iNd7zK4FP
— Merkin Muffley (@MerkinMuffley5) October 13, 2021
On assiste donc à une conjonction de tactiques et d’intérêts extrêmement inquiétante entre les droites plus « modérées » et les extrêmes droites sur le sujet, quitte à raconter n’importe quoi avec une très grande violence. « L’affaire de l’université Evergreen » devrait nous servir d’exemple au lieu qu’il serve à nos ennemis idéologiques.