La hausse des prix lors du passage à l’euro a donné plusieurs hoax. Que se cache-t-il derrière ?
Ah le « bon sens », que ne lui ferait on pas dire? Le fameux proverbe « quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt » prend ici tout son sens. Il faut dire que nous avons affaire à la blondouille de youtube. Mais pour une fois, dédouanons là un peu, cette rumeur idiote traîne depuis des années sur la toile. Et continue aujourd’hui en juin 2020. Il est normal qu’elle finisse par la reprendre, et en en étant fière bien sûr!
Et pourtant, à sa place, on se cacherait.
Voici l’œuvre:
Un bon vieux hoax sur la hausse des prix avec le passage à l’euro
En fait c’est un lecteur qui nous a signalé ceci. Et disons le de suite, ce lecteur a mis le doigt sur deux points qui déjà sont des piques dans sa fumeuse théorie.
- Ce lecteur nous signale qu’en 2002 (année de référence de ce tableau), nous étions DÉJÀ passé à l’euro…
- Et détail non négligeable, il tenait dit il « un troquet », et le café était déjà à 1€30
Fort de cela nous avons jeté un coup d’œil aux prix réels de l’époque et d’aujourd’hui, afin de voir quelles exagérations elle avait bien pu commettre.
Pour établir ce tableau voici les références que nous avons utilisés (pour 1 euro=6,55F taux de conversion en 2002):
Ail- Baguette: (le prix indiqué sur le tableau de l’INSEE est au kilo, une baguette faisant en moyenne 250g, nous avons divisés par 4 les prix afin d’obtenir le prix unitaire)
- Lait
- Tomates
- Carburants: (nous avons pris le SP95 comme référence)
D’ailleurs nous conseillons à nos lecteurs cette page qui indique l’évolution réelle des prix des produits de consommation courante.
On peut donc bien constater que la tableau établi par la blondouille est totalement fantaisiste. On sent que cette personne ne vérifie rien (ce n’est pas nouveau), mais on voit qu’il existe bien entendu des augmentations. Ce qui est normal puisque l’inflation cumulée sur la période se situe entre 22 et 24%: Inflation cumulée 2002/2014 : 22,6%
et une fois celle ci prise en compte, on s’aperçoit que les prix ont augmenté de façon logique, mais avec quelques disparités que nous allons détailler maintenant. Car le choix des produits pris sur ce tableau est parfaitement ORIENTE.
1) Prix des produits agricoles
Les raisons sont simples:
- Augmentation des marges de la grande distribution
- Spéculations sur les produits agricoles
2) Prix de l’énergie
Apparemment seule la blondouille (et les fafs en général) ne sont pas au courant que l’augmentation du prix du pétrole est structurelle.
Ils ne sont pas au courant non plus qu’un euro fort les a protégé d’un prix beaucoup plus élevé. Prévenons les dès aujourd’hui que ca va aller de pire en pire, puisqu’il semble que nous ayons bien atteint le « peak oil« .
3) Prix du tabac
Là aussi apparemment les fafs sont les seuls à ne pas être au courant que les augmentations de prix du tabac sont dus à une politique anti tabac et que la cour des comptes préconise de l’augmenter de façon beaucoup plus drastique.
4) Prix de la place de cinéma
Là c’est carrément une erreur le prix de la place de cinéma ayant augmentée moins vite que l’inflation:
Reprenons le tout pour une bonne explication.
En général
Rappelons tout d’abord qu’au cours de la décennie 1981-1991 c’est 68% de taux d’inflation auquel nous avons eu affaire.
Mais les chiffres et les analyses sont clairs, la mise en place de l’euro n’a eu qu’un effet très marginal.
D’où vient alors la réelle difficulté? C’est tout simplement que les salaires n’ont pas augmenté pendant la même période ou plus exactement que les salaires ont été captés par les actionnaires:
Au cours de la dernière décennie, 80 % des augmentations de salaires ont été captés par le 1 % des salarié les plus riches:
Et, plus destructeur, on a assisté à l’accroissement de l’écart dans la répartition du revenu. Au cours de la dernière décennie, 80 % des augmentations de salaires ont été captés par le 1 % des salariés les plus riches. Finalement, l’économie de marché ne veut pas ou ne peut pas augmenter les salaires et compte sur les patrimoines et la dette pour compenser cette rigueur salariale.
Voilà pourquoi le ressenti de baisse de pouvoir d’achat est plus sensible dans les classes moyennes ou modestes:
Conclusion: Alors que pourtant les prix n’ont pas plus augmenté en moyenne entre 2001 et 2011 que durant les 10 années précédentes, le sentiment global des français est différent. Cela peut s’expliquer par la provenance de l’inflation, principalement au niveau du logement et de l’énergie. Cette hausse est davantage perçue par les français car elle concerne des dépenses de tous les jours et touche principalement les classes les plus pauvres. Alors qu’en France le pouvoir d’achat a augmenté d’environ de 3% durant le quinquennat de Sarkozy, le Captain’ serait prêt à parier que le pouvoir d’achat des ménages gagnant un tout petit peu plus que le SMIC a stagné, voire diminué, depuis 5 ans (mais impossibilité de vérifier, les chiffres ne sont pas disponibles).
En fait le seul moyen de comparer réellement les prix doit être fait d’une autre façon.
Mais même si c’était le cas regardons de plus prêt la thèse des fafs sur le sujet.
Si les prix avaient augmenté tels qu’ils le décrivent, ce serait du à un manque de « surveillance » ou de compréhension des français, ceux ci calculant mal la conversion francs/euros, les distributeurs en auraient profité pour augmenter de façon vertigineuse leurs prix. Sauf que dans ce cas, ce n’est pas la faute de l’euro…mais des commerçants… Et aujourd’hui revenir à un changement inverse aboutirait à la même confusion (le taux de change ne pouvant être le même)… Que se passerait il donc? Les commerçants en reprofiteraient donc.
Et quid des jeunes qui ont appris à calculer en euros en ne connaissent plus le franc?
CONCLUSION:
Non l’euro n’a pas entraîné une hausse des prix spectaculaire, sauf de façon marginale. Les prix ont augmentés sur trois postes de dépense principaux:
- l’énergie
- les produits agricoles
- le loyer
Trois produits qui ont subis à cette période des effets de spéculation importants et même majeurs pour les énergies fossiles. Certains attribuant même la crise des subprimes à cette augmentation du pétrole.
En effet, pour ces ménages pauvres habitant en banlieue, loin de leur lieu de travail, et ayant des vieilles voitures consommant énormément, les dépenses en énergie ont totalement éclaté entre 2000 et 2008. La facture énergétique des ménages du dernier quartile (= les 25% des ménages les plus pauvres) représentait 41% des dépenses de ces ménages. Et c’est cette hausse des prix de l’essence qui a, entre autre, fait diminuer la valeur des habitations éloignées du centre ville et qui, combinée à une hausse des défauts de paiement, a déclenché la crise des subprimes.
La décennie 1981/1991 a mieux absorbé ce choc grâce à une meilleure politique des salaires qui permettaient une meilleur redistribution de ceux ci et donc moins d’inégalités.
Car le problème ne vient pas de l’inflation, mais des salaires.
Au vu de ce que nous venons d’analyser, voici les potentielles solutions:
- augmentation des salaires
- réaffectation de ceux ci aux salaires bas et moyens (réduction des inégalités)
- contrôle strict des marges de la grande distribution
- politique de contrôle des loyers et de construction d’habitation
- à coupler avec une contrôle de la consommation d’énergie et de production d’énergie propre
Et ceci étant posé… en quoi les politiques préconisées par le fn et autres partis fascistes (ah oui depuis la semaine dernière on peut parler de parti fasciste pour le fn) pourraient elle régler ces problèmes?
En rien vu qu’ils ne les abordent pas ou bien qu’ils préconisent les mêmes solutions qui ont conduit à ces problèmes.
CQFD
Debunked !!!