11 juillet 2024 | Temps de lecture : 10 minutes

Quand les incendies d’église deviennent un signe divin à l’extrême droite

PROFANATIONS DES LIEUX DE CULTES. ET SURTOUT: MANIPULATIONS DES ULTRAS CATHOS (5)

On le sait la fachosphère est fondamentalement  intégriste. Et quand on est intégriste/complotiste/d’extrême droite, on cherche des synchronicités. C’est le fondement même de la pensée d’extrême droite.

Et de la pensée magique.

Aucun des évènements ne peut être reliés sans une longue analyse et des arguments en béton. Là l’évènement survient, et ILS SAVENT. 5 minutes après l’annonce et sans aucune vérification ils vous assènent une pseudo vérité. 
En même temps les intégristes sont passionnés par la religion et cherchent le diable à tous les coins de rue. 

Nous avions déjà fait des articles/séries d’articles sur ce type de sujet:

Celui-ci s’inscrit plus dans une constatation sur la pensée, le mode de fonctionnement complotiste; suivis d’une explication démontant complètement cette pensée. Cet après-midi nous avons appris qu’un incendie s’était déclaré dans la flèche de la cathédrale de Notre Dame de Rouen. Immédiatement chacun y va de son petit commentaire grotesque:

 

Un incendie maîtrisé rapidement à la flèche de la cathédrale de Rouen. Comme pour Paris:  immédiatement les conspi y voient un complot et autre théories. Et ce sont  toujours les mêmes conspi antivax, fakemed, pro-ED, pro-russes etc. Ils veulent immédiatement des explications, alors qu’on le sait:  la flèche est en travaux, donc des risques existent. Hemelrick a même une jolie explication complotiste, bien raciste et bien orientée théories du complot maçonniques:

On rappellera que cette carte est FAUSSE et se balade sur internet depuis quelques années, comme l’explique cet article du Monde. Article qui parvient aux mêmes conclusions que nous:

« Il compile et cartographie depuis 2016 des actes de diverses gravités allant du vandalisme aux vols, en passant par des agressions, voire des meurtres, des enlèvements ou des attentats perpétrés essentiellement en France et ciblant les symboles du christianisme. »

[…]

Bien que les actes antichrétiens soient en progression depuis dix ans en France, la qualification en acte « christianophobes » est par ailleurs à prendre avec prudence. Il s’agit principalement de vols et d’actes de vandalisme de diverses gravités, perpétrés par des individus souvent mineurs sans réelle motivation idéologique ou religieuse.

Rappelons que l’incendie de Notre Dame de Paris avait donné lieu à une floppée de commentaires, théories du complot que nous avions recensé dans cet article.
Encore une fois ce qui compte pour eux c’est leur récit fantasmatique que l’on peut résumer ainsi: « il y a une épidémie d’incendies d’églises/cathédrales en France. Edifice qui avaient travaersés les siècles sans encombre. C’est donc un signe divin/complot. ».
Sauf que ces incendies ont parsemé les siècles avant nous. Et si au moyen-âge on y voyaient aussi un signe divin, on pouvait attendre à ce que ces gens aient quitté les croyances les plus rétrogrades.

Alors voyons un peu si ces incendies étaient si rares… Nous ne donnerons ici que quelques exemples, on ne peut que vous conseiller de lire les articles indiqués pour vous rendre compte de l’ampleur des sinistres dans l’histoire:

1) En général:

Les incendies dans l’histoire, intéressant car cet article parle d’un incendie ayant déjà touché la flèche de la cathédrale de Rouen!

Incendie de la grande flèche de la cathédrale de Rouen

Alain Villes

Le 4 octobre 1514, « l’ancienne piramide » centrale de Notre-Dame de Rouen s’embrasait. On ne sait pas la cause de l’incendie. Cette flèche n’était que la deuxième, voire la troisième dans l’histoire de l’édifice. « Sur les huit heures du matin, on vit sortir des pelotons de fumée de tous les côtez de la Piramide, qu’on apelloit en ce temps l’Aiguille,à cause qu’étant plus haute de quinze pieds que celle d’aujourd’hui, elle paraissoit aussi plus menuë… ».
Le plomb fondu tombant en pluie empêcha toute approche. « En une heure de temps cette superbe piramide fut toute embrasée et tomba sur les voûtes du chœur, qui furent rompues… ». Les combles se consumèrent ensuite rapidement. « Quoique des charbons volassent jusqu’à saint-Ouen »… la ville fut épargnée. Dès les semaines suivantes, un beffroi provisoire fut dressé sur la tour-lanterne. Il figure sur la vue de Rouen par Jacques Le Lieur en 1525. Les chanoines sollicitèrent, avec un succès mitigé, la municipalité et le roi de France et investirent immédiatement 3 000 livres dans un comble provisoire.
Le charpentier Robert Becquet rencontra des difficultés pour convaincre le chapitre de son projet de nouveau clocher, en 1542. Mais sa « piramide » fut adoptée : en charpente, dotée d’un premier étage en galerie et terminée par un obélisque très aigu, dressé au-dessus de six courts étages égaux, eux aussi très ajourés. Grâce à une contribution du cardinal Georges II d’Amboise, l’ouvrage fut réalisé en 1544. De style entièrement renaissance, mais d’allure encore très gothique, il culminait à 135 m environ.

Dès la soirée du 14 septembre 1822, l’orage menaçait. La foudre frappa la flèche à 5h du matin. L’incendie débuta à la base de l’obélisque, attisé par un fort vent de nord-est. Sous les regards d’une foule impuissante et atterrée, la flèche entière s’abattit sur une tour du portail sud. L’incendie dévora inexorablement le reste des charpentes du clocher, puis l’ensemble des grands combles. Vers 9 h du matin, il n’en restait plus rien, mais les voûtes résistèrent.
La flèche fut remplacée par le chef d’œuvre néogothique en fonte, conçu par Jean-Antoine Alavoine dès 1823, mais dont l’édification traîna jusqu’en 1884. Il fallut aussi du temps pour la reconnaître comme un chef-d’oeuvre. C’est la plus haute de France (151 m).

Bibliographie
E.H. Langlois – Noticesur l’incendie de la cathédrale de Rouen. Rouen, 1823, 91 p.
Yves Lescroart – Rouen.La cathédrale Notre-Dame. Coll. « Cathédrales de France », éd.du Patrimoine, Paris, 2000.

Les incendies accidentels, les feux de guerre et les bâtiments atteints

4Les incendies se répartissent en trois catégories inégalement représentées dans nos sources : une dizaine d’accidents, huit démolitions préventives et cent huit feux de guerre. La distinction entre les deux dernières est selon les circonstances parfois un peu artificielle. Dans dix cas, la mention de l’incendie et le contexte ne permettent pas à coup sûr d’en déterminer l’origine.

5Les accidents sont dus aux phénomènes météorologiques ou à une intervention humaine. Jean de Roye rapporte deux incendies qui ont pour origine la foudre. Le 1er février 1461, en Normandie, par male fortune et feu d’aventure qui vint de la mer de devers les marches de Cornouaille, le clocher de l’église de l’abbaye de Fécamp et la moitié de la nef sont abattus et les cloches sont fondues en une masse11. Le 7 juin 1483, entre 8 et 9 heures du soir, un coup de foudre met le feu au clocher de Sainte-Geneviève12. Toute la charpente, vieille de 900 ans, brûle. Le plomb (100 000 livres environ) et les cloches fondent. Ces exemples, qui ne rendent sans doute pas compte de la totalité des sinistres, donnent un élément d’explication au petit nombre de faits rapportés : la faible part relative du bois dans les constructions de notre période13. Les accidents liés à l’intervention humaine sont un peu plus nombreux. Leur origine n’est pas toujours précisée. Monstrelet14 rapporte qu’en 1423, dans la ville de Saint-Amand sont arses de feu de meschief15 environ six cents maisons avec la porte de la cour basse de l’abbaye et deux chambres de moines. Il ne reste que deux pauvres maisons dans la ville. Chastellain16, à propos de l’incendie de Dordrecht, la nuit, précise que le feu commence par la grande église, puis gagne toute la longue rue, cinq cents à six cents maisons. Jean de Roye17 rapporte un accident révélateur, le jeudi 14 mai 1472, par male fortune, le comble et le faîte de l’église Notre-Dame de Clery brûlent et s’écroulent. Alors que le roi fait refaire une toiture de charpenterie d’ardoises et de plomb, un plombier tombe de la toiture, laissant sans garde le feu où il mettait les fers à souder à chauffer. Le vent disperse le feu tout au long de la charpente, rien ne peut être fait. Alain Bouchart18 suggère que l’incendie de la maison épiscopale de Laon, au temps de la commune, se propage de manière accidentelle à l’église Notre-Dame, la cathédrale et à l’abbaye de Saint-Jean, puis à toutes les églises.

Incendies d’édifices religieux pendant l’histoire:

Les incendies sont-ils fréquents dans les édifices religieux du Moyen Âge à l’époque moderne ?

Ce sont des événements assez réguliers, qui n’ont rien d’étonnant ou de dramatique pour les populations. Les cathédrales brûlent une fois, deux fois, trois fois dans des proportions différentes, qui imposent soit des réparations soit des reconstructions. Celle de Chartres flambe ainsi aux 11e, 12e et 19e siècles. La Cathédrale de York, en Angleterre, brûla également plusieurs fois durant le Moyen Âge. Les raisons de ces incendies récurrents sont simples : les préoccupations des hommes du Moyen Âge à la période moderne vis à vis de la sécurité n’ont rien à voir avec les nôtres. En conséquence, les incendies sont parfois provoqués par des négligences. Mais ils sont surtout liés au fait que les églises sont de vrais espaces de vie utilisés constamment, de jour comme de nuit, ce qui multiplie les risques : les églises brasillent de lampes à huile, de cierges, de candélabres et de braseros répartis parmi un important mobilier de bois, agrémenté de tentures et parfois de tapisseries. Tout cela favorise les incendies.

Les risques d’incendies au moyen-age

Beaucoup d’édifices religieux et presque toutes les cathédrales ont brulé au moins une fois dans leur histoire [La cathédrale de Chartres par exemple flambe aux 11e, 12e et 19e siècles. NDLR]. Même si elles ont été construites en pierres, les charpentes en bois sont nombreuses et les flammes ouvertes omniprésentes : illuminations diverses, chandelles d’éclairage et luminaires, cierges… sans compter la présence de tapisseries, tentures, boiseries diverses, bancs, statues et objets de culte en bois… Par ailleurs ces lieux sont de vrais espaces de vie et sont fréquentés jours et nuits.

Par ailleurs les cathédrales sont constamment en chantier du fait de la durée de leur élévation (près de deux siècles pour la Cathédrale Notre-Dame de Paris !) avec des travaux permanents réclamants des foyers : réchauds pour la fonte du plomb par exemple…

Les grands incendies de l’histoire

On notera que l’article de wikipédia recense 45 grands incendies de cathédrale, 21 d’églises, 3 monastères; on précise bien « grands incendies » entrainant la destruction ou quasi destruction de l’édifice

2) Plus localement:

Amiens, Bourges, Chalons et des dizaines d’autres:

L’incendie, d’origine inconnue, qui détruisit une grande partie de la ville d’Amiens le 3 août 1137 provoqua la reconstruction de la cathédrale. L’édifice, dont le toit était en travaux en 1148, était probablement achevé au moment de la consécration, célébrée en 1152. On considère d’ordinaire cette cathédrale du XIIe siècle comme romane, mais dans cette fourchette de dates, elle peut avoir déjà relevé, au moins quant à ses voûtes, du « premier gothique ». Les dégâts d’un incendie que l’on date de 1218, mais dont on ignore la cause, sont à l’origine de la mise en chantier, en 1220, de l’édifice actuel, dont le gros œuvre, hormis le dernier étage des tours, était terminé en 1269.

Bourges:

Les pertes s’élèvent donc à 1 088 « logements » de types divers sans compter cinq bâtiments cultuels, les églises de Saint-Médard, Saint-Pierre-le-Marché, Sainte-Croix et Saint-Ambroix, auxquelles il faut ajouter une chapelle. Si l’on compare ces dégâts à ceux occasionnés par des combustions particulièrement destructrices comme celle de Toulouse en 1297 où 1 174 maisons disparurent dans les flammes [18], si l’on se souvient qu’à Bourges l’incendie de la Madeleine, en 1487, consuma entre 1 000 et 2 000 habitations et une douzaine d’églises[19]

Bretagne:

Quelques années plus tôt, en 1353, c’est la belle cathédrale Saint-Etienne de Saint-Brieuc qui est dévorée par les flammes. De l’édifice construit au XIIe siècle, il ne subsiste que la partie basse de la tour nord et du pignon occidental adjacent aujourd’hui.

Certains ouvrages évoquent aussi des impacts de foudre qui ont touché l’église Notre-Dame de Lamballe en 1447 et 1453, sans toutefois préciser l’étendue des dégâts.

La sacristie de la cathédrale de Tréguier en 1632

Au XVIIe siècle, c’est la sacristie de la cathédrale Saint-Tugdual de Tréguier qui est touchée. L’accident s’est produit dans la nuit du 5 au 6 septembre 1632. « Le feu s’étant maintenu au rez-de-chaussée, le premier étage et la charpente sont restés intactes » , apprend-on sur le site du conseil régional, qui reprend un document conservé aux archives départementales.

« Le feu avait pris dans la sacristie de ladite église, avait brûlé et consommés les trésors sacrés, les plus précieux ornements et les plus importants titres, lettres et garants dudit chapitre et de ladite église » , indique le procès-verbal. Les archives de l’évêché n’ont pas été affectées par ce sinistre.

Chartres, Nantes et Verdun (et des dizaines d’autres!):

La constance ou la répétition du processus de déroulement des incendies de grandes églises médiévales ressort clairement d’une enquête, même peu approfondie, à travers les documents historiques. Dans un cas sur trois, la guerre est à l’origine de la catastrophe. Dans un deuxième cas sur trois, c’est la foudre qui en est la cause. Mais, pour le tiers restant, on peut s’étonner du fait que c’est l’entretien d’un fourneau dans les combles, voire le feu d’un chalumeau, qui ait provoqué l’incendie. Dès avant celui de 1481 de la cathédrale par des couvreurs négligents, le chapitre de Reims avait interdit le maintien d’un foyer quelconque dans les hauteurs de l’église.
Peine perdue…

 

Reims:

Strasbourg:

Les chroniqueurs de la fin du Moyen Âge et des débuts de l’époque moderne (Closener, Koenigshoven, Specklin et J.-J. Meyer) ont tous fait état de divers incendies qui ont touché le monument. Une liste rigoureuse n’est pas facile à établir : de l’un à l’autre, les dates peuvent varier légèrement, certains événements étant cités par les uns et pas par les autres. Mais au total, une histoire s’en dégage. C’est d’abord la cathédrale romane qui, au XIIe siècle, a été la proie des flammes et à des dates souvent très rapprochées, soit 1130, 1140 ou 1142, 1150, 1176. Comme pour d’autres événements (guerres, tremblements de terre, construction des remparts…), ces catastrophes répétées sont cataloguées de façon sérielle par les chroniqueurs, soit le premier incendie (der erste Brant des Münsters…), le deuxième, le troisième, etc.

Quant à la cathédrale gothique, le rythme des incendies est un peu plus espacé, soit en 1298, 1384, 1401, 1407, 1460, 1496, 1555, 1565,

 

CONCLUSION

Cet article n’est pas un recensement exhaustif des articles sur le sujet et encore moins de TOUS les incendies d’édifices religieux au travers de l’histoire. Certains sont d’ailleurs très mal connus.

Un des articles que nous avons consulté sur le sujet donne une conclusion très intéressante. Article réalisé par un laboratoire spécialiste des évaluations du sinistre:

Conclusion
Pour conclure sur ce sujet des incendies de lieux de cultes, on retiendra les points suivants :
 les incendies de lieux de cultes sont très peu nombreux (quelques dizaines par an en France),
 ils ont en revanche un retentissement important à considérable,
 le risque d’incendie accidentel intrinsèque à ces bâtiments est, en période normale (c’est-à-dire en dehors des périodes de restauration), infime,
 la majorité des incendies touchant les lieux de cultes sont d’origine humaine accidentelle (travaux à risque notamment) ou volontaire,
 la plupart des bâtiments de lieux de cultes sont très vulnérables au risque d’incendie volontaire,
 les autorités publiques comme religieuses se montrent très discrètes sur le sujet, dans un souci évident de limiter les risques d’amalgame, de
mimétisme et d’emballement. A ce sujet, les mois de janvier, février et mars 2019 (donc avant l’incendie de Notre Dame de Paris) ont vu une
multiplication d’actes touchant des églises, dont plusieurs incendies ou départs de feu d’origine volontaire.

On retiendra points: ces accidents sont rares, encore plus rares quand il n’y a pas de rénovations, la majorité sont d’origine humaine volontaire… CQFD

Alors qu’est ce qui excite autant la fachosphère? C’est de façon paradoxale notre bonne information de ce genre d’évènements. Autrefois ce genre d’infos ne dépassait pas le canton, la région. Aujourd’hui, tout info est re-digérée par les médias qui lui donnent un retentissement national.
On ne dit pas que ca ne devrait pas l’être. Juste que ce retentissement fait le lait des théories du complot de la fachosphère. Retentissement que l’on doit prendre donc avec des pincettes et toutes les précautions nécessaires.

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