Depuis des années que nous arpentons les réseaux sociaux, il est une assertion bien ancrée à droite/extrême droite qui nous laisse pantois: Hitler aurait été un « socialiste », et le fascisme et le nazisme seraient des idéologies de gauche…
Peu répandue à nos débuts, elle n’a cessé malheureusement de grossir, au point que nous avons du il y a quelques années, nous poser la question de réaliser un article dessus. Et la réponse a finalement été « non » par peur d’une médiatisation d’un truc qui restait alors confidentiel. Les élections européennes et législatives qui s’ensuivent de cette année 2024 ont changé cet avis. Car le phénomène de propagande de foire s’est tellement répandu qu’il mérite aujourd’hui une réponse.
Répandu? Oui.
Non seulement sur les réseaux sociaux, mais à notre immense stupéfaction, il s’est immiscé à la téloche lors d’un débat de deuxième tour sur Réunion 1ère entre la candidate NFP Émeline K/Bidi et le candidat RN Jonathan Rivière. Ok ce candidat est un complotiste notoire qui met en doute l’alunissage et ses théories sont… spéciales, mais tout de même. Jugez en par vous-même :
On le comprends: si désormais un candidat RN le dit ouvertement à la télé, alors ont peut craindre bien, bien pire prochainement.
Préambule – à propos de Godwin
Mike Godwin, avocat connu, a énoncé en 1990, la fameuse « loi » qui porte son nom:
« Plus une discussion en ligne se prolonge, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de un. »
En 2017, il invitera cependant les gens à qualifier leurs interlocuteurs de nazis lorsqu’ils en sont. « Variante » de cette « loi », le sophisme de la « Reduction ad Hitlerum ».
Qui pourtant est souvent confondu avec la loi, le « point » Godwin. Godwin n’a pas inventé le « point Godwin », il le dit lui-même:
« Pour être tout à fait clair, j’ai inventé la « loi de Godwin », pas « le point Godwin » – cette expression s’est développée chez les francophones. Ceux-ci parlent de « point Godwin » quand ils atteignent, dans la discussion, le stade de la comparaison avec les nazis : ils se décernent même des « points Godwin » par dérision ! J’apprécie cette inventivité linguistique mais, à ma connaissance, cette expression est propre aux francophones. »
La loi de Godwin est une sorte de conjecture, une statistique sociologique. Reductio ad Hitlerum est une expression ironique ou sarcastique due au philosophe Leo Strauss qui l’utilise pour la première fois en 1951 et désignant, sous forme de locution latine, le procédé rhétorique consistant à disqualifier les arguments d’un adversaire en les associant à Adolf Hitler. La « reductio » est une spécialisation de l’argumentum ad hominem et de l’argumentum ad personam, locutions antérieures. La loi de Godwin introduit l’idée selon laquelle un tel argument est inévitable dans un débat qui s’éternise.
Notre sujet d’aujourd’hui relève plus précisément de cette « reductio », mais pas seulement. Bien entendu, accuser ses ennemis du pire mal que l’on puisse imaginer est un procédé rhétorique facile, classique et on en comprend immédiatement les effets. Mais il ne faut pas oublier qu’il a aussi comme but D’EXONÉRER l’extrême droite actuelle de ses origines fascistes/nazies. D’une pierre, deux coups en somme.
Fin du préambule.
I) Origine de cette théorie
On trouve en France une théorie du complot bien établie et qui consiste à accuser l’UE de « projet nazi » par l’intermédiaire d’un de ses « pères fondateur » Walter Halstein.
Vous avez bien lu. il y a une petite dizaine d’années. Réitérées régulièrement par les faussaires de l’histoire sus cités parfois sur des chaines de désinformation comme CNEWS:
Propagée par Asselinul et De Villiers de façon concomitante, elle a connu son heure de gloire, il y a une petite dizaine d’années.
Au point qu’en 2017, nous avons fait 2 articles successifs sur le sujet. L’une sur la théorie de base elle même, puis un deuxième pour contrer une résurgence de celle-ci concernant une fausse carte du NSDAP. Puis plus récemment, encore des militants UPR remettaient le couvert sous l’une de nos publications. Nous y avions encore répondu.
Mais sur la « thèse » Hitler=socialiste, celle-ci semblait assez récente en France. Et lorsqu’elle est apparue, elle semblait déjà « constituée ». Ce genre de génèse indique généralement une origine étrangère à l’affaire. Et par instinct vu la bizarrerie de la chose, nous sommes allé chercher aux USA. « Sovereign citizens« , « QAnon« , « pizzagate« , théorie du complot des « khazars« ; malheureusement ce pays est souvent à l’origine de ces théories d’extrême droite.
Mais étonnement elle ne vient pas de là à l’origine. Mais d’un groupe « voisin » et qui fricote souvent avec les suprémacistes, les QAnon et les citoyens souverains; nous voulons parler des libertariens ou « anarchistes capitalistes (« anars caps »), et leurs cousins idéologiques: les « minarchistes« .
Les libertariens ont en commun de penser que l’État est une institution coercitive, illégitime, inutile ; et de valoriser la liberté individuelle absolue et l’association volontaire. Ils s’appuient sur un libéralisme économique absolu, s’exerçant dans le cadre d’un capitalisme complètement dérégulé, et un État absent (anars caps) ou minimal (minarchisme). Selon les libertariens, le libre marché s’autorégulerait et suffirait pour efficacement allouer les ressources et assurer la croissance économique. Le but étant de parvenir à une société qui respecterait au maximum, selon eux, la liberté individuelle totale et plus particulièrement la propriété privée.
Ils s’inspirent d’idées économiques ultra libérales (Milton Friedmann et Gustave de Molinari par exemple) , et plus particulièrement développées par l’école autrichienne d’économie, dont les auteurs principaux sont Carl Menger, Ludwig von Mises, Friedrich Hayek et Murray Rothbard.
Et c’est justement dans les écrits de ces théoriciens que l’on trouve les ferments de cette thèse. Voyons ce que ces théoriciens disent:
- Friedrich Hayek:
« Peu de gens sont prêts à reconnaître que l’ascension du fascisme et du nazisme a été non pas une réaction contre les tendances socialistes de la période antérieure, mais un résultat inévitable de ces tendances. C’est une chose que la plupart des gens ont refusé de voir, même au moment où l’on s’est rendu compte de la ressemblance qu’offraient certains traits négatifs des régimes intérieurs de la Russie communiste et de l’Allemagne nazie. Le résultat en est que bien des gens qui se considèrent très au-dessus des aberrations du nazisme et qui en haïssent très sincèrement toutes les manifestations, travaillent en même temps pour les idéaux dont la réalisation mènerait tout droit à cette tyrannie abhorrée. Il y a aujourd’hui encore une raison plus pressante pour que nous essayions sérieusement de comprendre les forces qui ont créé le national-socialisme ; c’est que cela nous permettra de comprendre notre ennemi et l’enjeu de notre lutte. » La Route de la servitude
« Voici bientôt quarante ans qu’un socialisme, qui s’affublait du préfixe décoratif de «national», a mis un terme à la libre circulation en Europe. »
- Ludwig Von Mises est celui qui a sans doute le plus théorisé cette ânerie:
Mises a produit nombre d’écrits où il explique doctement que l’interventionnisme mène inexorablement à la dictature. Et que socialisme et nazisme sont parfaitement semblables idéologiquement. Son œuvre, « Le Gouvernement Omnipotent » en est un parfait exemple.
« Il n’est pas nécessaire de s’attarder sur ce que les nazis avaient réalisé en ce domaine. Ils avaient réussi à éliminer entièrement de la conduite des entreprises la recherche du profit. L’entreprise libre avait disparu dans l’Allemagne nazie. Il n’y avait plus d’entrepreneurs. Ceux qui avaient été entrepreneurs étaient réduits au rôle de Betriebsführer (directeur d’établissement). Ils ne pouvaient diriger comme ils l’entendaient ; ils étaient tenus d’obéir sans réserve aux ordres venus du Bureau Central d’Organisation de la Production, le Reichswirtschaffsministerium, et des organismes qui lui étaient rattachés pour chaque branche et pour chaque région. L’État ne se contentait pas de fixer les prix et les taux d’intérêt à verser et à réclamer, le niveau de la production et les méthodes à utiliser pour la production ; il attribuait un revenu défini à tout directeur d’établissement, le transformant ainsi pratiquement en un fonctionnaire salarié. Pareil système n’avait, à part l’emploi de quelques termes, rien de commun avec le capitalisme et l’économie de marché. C’était simplement le socialisme de type allemand, la Zwangwirtschaff. Il ne différait du modèle russe, système de nationalisation intégrale, étendue à toutes les usines, que dans le domaine technique. Et c’était, évidemment, au même titre que le système russe, un type d’organisation sociale purement autoritaire. » La bureaucratie (en)
- Georges Reisman (élève de Mises, modèle Ayn Rand)
George Reisman dans cet article du Mises Institute y affirme: « Pourquoi le nazisme était-il du socialisme et pourquoi le socialisme est totalitaire ».
Reisman affirme que la substance réelle de la propriété des moyens de production résidait dans le gouvernement allemand. Reisman affirme que:
« le socialisme, compris comme un système économique basé sur la propriété gouvernementale des moyens de production, nécessite positivement une dictature totalitaire »,
et s’efforce de prouver que dans l’Allemagne d’Hitler, c’était:
« le gouvernement allemand et non les propriétaires privés nominaux qui exerçaient tous les pouvoirs substantiels de la propriété ».
Reisman estime qu’il est étrange que si peu de gens considèrent Hitler comme un socialiste, étant donné qu’il se considérait lui-même comme tel et que le Troisième Reich répondait aux critères d’une économie socialiste.
Retenez bien ceci car c’est principalement ainsi que nous allons démonter cette thèse.
En France, la branche libertarienne tient le même discours, exemple sur « Contrepoints »:
Ou le libertarien de base:
Mais aussi les néo conservateurs ultra libéraux:
Selon les libertariens donc, les pires dictatures seraient toutes socialistes par définition , car le socialisme est défini comme un contrôle gouvernemental.
Une monarchie pourrait être « socialiste » si le roi était suffisamment puissant. Une aristocratie féodale pourrait être « socialiste » si ceux qui « gouvernent » « contrôlent » également la production. » Ce serait toutefois ridicule, car cela signifierait qu’une économie dans laquelle une caste géante de travailleurs salariés sert une minuscule aristocratie riche serait « socialiste », de sorte qu’une société qui violerait tous les principes que les socialistes soutiennent serait considérée comme satisfaisant à leurs principes.
La raison pour laquelle cette définition déraille autant est qu’elle ne tient pas compte des concepts socialistes de base comme l’existence des classes sociales, la démocratie, l’égalité et l’exploitation. Le contrôle gouvernemental de la production ne vous apporte rien si votre société est toujours stratifiée par classe, antidémocratique, très inégalitaire et exploiteuse selon le principe marxiste.
Quand les libertariens disent « les nazis étaient socialistes », ce qu’ils veulent vous faire entendre, c’est « socialisme et nazisme sont synonymes ». Ils veulent vous faire croire que s’ils peuvent prouver que l’Allemagne nazie avait une économie socialiste, cela montre que les économies socialistes sont du totalitarisme.
Mais le raisonnement est fallacieux, pour la même raison que « Hitler était végétarien, donc végétarisme et nazisme sont synonymes ».
II) Principes du nazisme, principes du socialisme
Rappelons ce que nous disions plus haut: « Reisman estime qu’il est étrange que si peu de gens considèrent Hitler comme un socialiste, étant donné qu’il se considérait lui-même comme tel et que le Troisième Reich répondait aux critères d’une économie socialiste. »
Nous allons maintenant démontrer toute la fausseté de cette assertion de propagande en montrant les oppositions sur les principes de base et la comparaison des économies des deux régimes politiques.
1) Principes fondamentaux du nazisme
Le plus simple nous semble t’il est d’aller voir ce qu’en dit le fondateur du nazisme lui-même à propos du « socialisme nazi »:
« Je définis le terme « socialiste » à partir du mot « social », qui signifie essentiellement « équité sociale ». Un socialiste est quelqu’un qui sert le bien commun sans renoncer à son individualité, à sa personnalité ou au produit de son efficacité personnelle. Le terme que nous avons adopté, « socialiste », n’a rien à voir avec le socialisme marxiste. Le marxisme est anti-propriété, ce qui n’est pas le cas du véritable socialisme. Le marxisme n’accorde aucune valeur à l’individu, ni à l’effort individuel d’efficacité ; le véritable socialisme valorise l’individu et l’encourage à être efficace individuellement, tout en affirmant que ses intérêts en tant qu’individu doivent être en harmonie avec ceux de la communauté. Toutes les grandes inventions , découvertes et réalisations ont d’abord été le produit d’un cerveau individuel . On m’accuse d’être contre la propriété, d’être athée. Ces deux accusations sont fausses. »
Discours prononcé le 4 décembre 1938, cité dans The Speeches of Adolf Hitler: April 1922-August 1939 , traducteur et éditeur Norman Hepburn Baynes, vol. one, Oxford University Press, (1942) p. 93
Ou bien:
« Le point principal du programme national-socialiste est d’ abolir la conception libérale de l’individu et la conception marxiste de l’humanité et de les remplacer par la communauté populaire, enracinée dans le sol et unie par le lien de son sang commun.
Sur le national-socialisme et les relations mondiales , discours au Reichstag allemand (30 janvier 1937)
Les conservateurs américains insistent parfois sur le fait qu’Hitler était un homme de gauche, en raison de la présence du mot « socialiste » dans « national-socialiste ». Hitler lui-même a insisté sur le fait que « le terme que nous avons adopté, « socialiste », n’a rien à voir avec le socialisme marxiste », mais la lecture de ses écrits et de ses discours est un très bon moyen de comprendre pourquoi il est absurde de le qualifier de gauchiste.
Les engagements idéologiques fondamentaux qu’Hitler exprime à maintes reprises sont les suivants :
- Le besoin de pureté raciale
« l’ensemble du travail d’éducation et de formation de l’État populaire doit être de graver le sens et le sentiment racial dans l’instinct et l’intellect… aucun garçon et aucune fille ne doit quitter l’école sans avoir été amenés à une réalisation ultime de la nécessité et de l’essence de la pureté du sang. »
- Une croyance méritocratique selon laquelle les talentueux devraient dominer leurs inférieurs
« Dans le domaine économique, les hommes ne sont pas, dès le début, de même valeur ni d’égale importance dans toutes les branches. Et une fois cela admis, il est insensé de dire : dans le domaine économique, il y a sans doute des différences de valeur, mais dans le domaine politique, ce n’est pas vrai. Il est absurde de construire la vie économique sur les conceptions de la réussite, de la valeur de la personnalité, et donc en pratique sur l’autorité de la personnalité, mais dans le domaine politique… d’imposer à sa place la loi du plus grand nombre, la démocratie. »
- Mépris des faibles physiques et célébration de la force physique
« L’État ne doit pas consacrer tout son travail éducatif à l’inculcation de simples connaissances, mais à la formation de corps absolument sains. L’entraînement des capacités mentales n’est qu’un élément secondaire… L’enseignement scientifique n’est qu’en dernier lieu… Un homme peu instruit scientifiquement mais physiquement sain, doté d’un bon caractère ferme, imprégné de la joie de la détermination et de la volonté, est plus précieux pour la communauté nationale qu’un faible et intelligent. Un peuple de savants, s’il est physiquement dégénéré, faible de volonté et lâche pacifiste, ne prendra pas d’assaut les cieux… Un corps délabré n’est pas rendu le moins du monde plus esthétique par un esprit brillant. »
- Un dégoût pour les principes « marxistes » selon lesquels les êtres humains sont égaux
« La doctrine juive du marxisme rejette le principe aristocratique de la nature et remplace le privilège éternel du pouvoir et de la force par la masse du nombre et son poids mort. Elle nie ainsi la valeur de la personnalité de l’homme, conteste la signification de la nationalité et de la race, et retire ainsi à l’humanité les prémisses de son existence et de sa culture… »
- Un dégoût de la démocratie pour ne pas reconnaître que les êtres humains sont inégaux
« Je vois deux principes diamétralement opposés : le principe de démocratie qui, partout où on lui permet d’exercer une influence pratique, est le principe de destruction ; et le principe de l’autorité de la personnalité que j’appellerais le principe d’accomplissement, car tout ce que l’homme a accompli dans le passé – toutes les civilisations humaines – n’est concevable que si l’on admet la suprématie de ce principe. »
- Une amertume extrême à propos du traité de Versailles
- Nationalisme fanatique et croyance en la nécessité de la lutte violente
« Dans l’État, il existe une organisation, l’armée, qui ne peut en aucune façon être démocratisée sans renoncer à son existence même. Mais si une conception du monde ne peut s’appliquer à tous les domaines de la vie d’un peuple, ce fait suffit à prouver sa faiblesse. En d’autres termes : l’armée ne peut exister que si elle maintient le principe absolument antidémocratique de l’autorité inconditionnelle allant vers le bas et de la responsabilité absolue allant vers le haut, tandis que, par opposition à cela, la démocratie signifie en pratique la dépendance complète allant vers le bas et l’autorité allant vers le haut. »
- Une haine violente envers les Juifs, car ils incarnent des traits qu’il déteste, comme le fait d’être des intellectuels, des marxistes, des pacifistes, des égalitaristes, etc.
« Le salut de l’humanité n’a jamais résidé dans les masses, mais dans ses esprits créateurs, qui doivent donc être considérés comme les bienfaiteurs de la race humaine… [L’intérêt de la totalité] n’est pas satisfait et n’est pas servi par la domination des masses inintelligentes ou incompétentes, en tout cas sans inspiration, mais uniquement par la direction de ceux à qui la Nature a donné des dons spéciaux à cet effet. La sélection de ces esprits… s’accomplit avant tout par la dure lutte pour l’existence. Beaucoup se brisent et périssent, montrant ainsi qu’ils ne sont pas destinés à l’ultime, et à la fin, seuls quelques-uns semblent être élus… l’effet destructeur de l’activité du Juif dans d’autres organismes nationaux est essentiellement imputable uniquement à ses efforts éternels pour saper la position de la personnalité dans les peuples hôtes et la remplacer par la masse. »
2) Les principes fondamentaux du socialisme
sont les suivants :
- Une société sans classes – les socialistes croient qu’il ne devrait pas y avoir une petite caste de personnes qui possèdent et contrôlent tout les moyens de production (matérialisme), et une grande majorité de personnes qui doivent vendre leur travail aux puissants.
« L’histoire de toute société jusqu’à présent est l’histoire des luttes de classes » ~ Extrait du Manifeste communiste de 1848
- Egalité des chances et justice sociale
- Répartition équitable des ressources
- la solidarité, la lutte contre l’individualisme, l’intérêt général partagé et prévalant sur les intérêts particuliers…
« De quoi est né le socialisme ? De la révolte de tous ces sentiments blessés par la vie, méconnus par la société. Le socialisme est né de la conscience de l’égalité humaine. »
Léon Blum – 1872-1950 – Pour être socialiste, 1919
- Antiracisme et libération des femmes – les socialistes croient que « les travailleurs du monde entier doivent s’unir » et voient dans l’ethnocentrisme une manière de diviser les gens afin qu’ils ne reconnaissent pas ce qu’ils ont en commun. Et parce que les socialistes déplorent la hiérarchie et l’exploitation, la domination des femmes par les hommes a toujours été une préoccupation socialiste importante.
- L’antimilitarisme – Les socialistes ont toujours déploré la guerre et la conquête, dans lesquelles les travailleurs sont contraints d’assassiner leurs homologues d’autres pays. De l’emprisonnement d’Eugene Debs pour son opposition à la Première Guerre mondiale au mouvement de protestation au Vietnam en passant par la guerre en Irak, les socialistes ont été ceux qui ont dit non aux guerres agressives et futiles et qui ont imaginé un monde de paix.
On ne peut que constater l’évidence en listant ces points, ils ne sont pas seulement différent: ils sont OPPOSES. Dès lors on comprendra aisément l’opposition farouche entre socialistes et nazis (ou plus généralement membres de l’extrême droite). Il ne s’agit pas d’une nuance politique qui engendrerais une opposition politique, mais d’une opposition totale sur tous les points de base; ce qui engendre une guerre politique entre ces deux blocs opposés.
3) Économie nazi, économie socialiste
Le constat est implacable: TOUS les gouvernements fascistes, de la Chambre des Faisceaux et des Corporations italienne à l’Estado Nuevo portugais en passant par la Constitution de Pinochet (voir la 6e question), ont donné du pouvoir aux grandes entreprises et/ou restreint le pouvoir de la gauche politique (socialistes et sociaux-démocrates). Mais plutôt que de se contenter de subventions et d’allégements fiscaux, ils interdisent les syndicats et rendent illégal le processus démocratique.
La croyance généralement admise d’une planification extrême et d’une mainmise de l’état sur les moyens de production dans l’économie nazie fait partie de ces fables qu’il convient de démonter.
« Sous le nazisme, les entreprises, et en particulier les grandes entreprises, bénéficiaient d’une liberté de manœuvre extraordinaire. Elles n’avaient pas les coudées franches, mais les grandes entreprises étaient libérées de nombreuses restrictions imposées par la social-démocratie. Les organisations syndicales indépendantes furent écrasées et les entreprises furent autorisées à se regrouper en monopoles massifs générateurs de profits, à condition qu’elles produisent les biens et services nécessaires au parti et à l’armée. » « The Supermanagerial Reich », « The managerial class and the crisis of democracy. », By Ajay Singh Chaudhary, Raphaële Chappe, November 7, 2016
Le parti s’appelait certes parti national-socialiste, mais il ne fut jamais sérieusement question de socialisation. Les moyens de production devaient rester la propriété d’entrepreneurs et de bailleurs de fonds privés et le restèrent. L’économie sous le Troisième Reich n’était pas une économie d’État.
Elle n’était pas non plus une économie planifiée et administrée par l’État. Certes, on proclama en 1934 un « plan nouveau » et en 1936 un second plan quadriennal. Mais, d’abord, en contradiction avec la terminologie, il n’y avait ni plan ancien ni de premier plan quadriennal ; ensuite, le premier et le second plan n’avaient que peu de choses en commun avec une économie planifiée. Le prétendu « nouveau plan » était en réalité une procédure publique, au moyen de laquelle les importations étaient harmonisées avec les rentrées de devises. Quant au second plan quadriennal, il visait à augmenter la production de certaines matières de base tels l’acier, l’huile minérale, le caoutchouc, l’aluminium etc. par prise d’influence et aides de l’État, et non sous la forme d’une réglementation et de directives de l’État.
Par conséquent, il ne s’agissait pas d’une économie planifiée ou administrée, mais pas plus d’une économie libre de marché, ni en principe, ni dans la pratique. Économie de marché et primauté de la politique ne se mariaient guère. Les nationaux-socialistes, certes, affirmaient leur foi dans les avantages économiques de la concurrence pour les entrepreneurs privés, mais parallèlement ils soulignaient que la liberté d’action privée trouvait ses limites dans un intérêt général et un bien-être collectif définis par les autorités politiques. Transposé dans la pratique de la politique économique, cela signifiait que la liberté de décision de l’économie privée et la libre concurrence restaient, en principe, acquises, mais que l’État se réservait le droit d’intervenir dans le processus du marché par des mesures dirigistes, si nécessaire et si l’envie lui en prenait.
Si le régime national-socialiste avait fait un usage extensif de cette politique restrictive, sa profession de foi en l’économie de marché n’eût été que belles paroles, et l’économie de marché aurait vite disparu. Mais cela ne se passa pas ainsi.
On est participant au marché soit comme offrant, soit comme demandeur de biens. Sous le Troisième Reich, l’État jouait les deux rôles sur le marché, bien qu’il fût avant tout demandeur. Il achetait en masse et de plus en plus des biens d’équipement militaire en payant des prix porteurs. Cela suscita aussitôt chez les entreprises privées des prévisions de vente optimistes et des perspectives de profits avantageux, et les incita, comme de bien entendu, à fabriquer les produits réclamés. Lorsque la production exigeait de nouveaux développements techniques et de lourds investissements en capitaux, il pouvait arriver qu’elles hésitent et se fassent prier quelque peu. Les coûts et les risques rendaient leur décision difficile. Dans ce cas, l’État leur venait en aide par des garanties de ventes et de prix, ainsi que des crédits favorables. Parfois il prenait même en charge une partie des coûts de développement et des dépenses d’investissement. Voilà le sens du terme d’intervention conforme aux conditions du marché. L’État n’imposait pas de décisions aux entreprises ; il leur proposait la décision qu’il souhaitait en modifiant les données de la décision à l’avantage des entreprises.
Dans toutes les mesures prises par le nazisme, ce qui apparaît, suivant Bettelheim (« L’économie allemande sous le nazisme » Revue n° 044 Janvier 1948 – p. 133-134, Charles Bettelheim, Librairie Marcel Rivière et Cie, 1946 ; 302 pages ), c’est que ce régime, qui se prétendait « socialiste », a, au contraire, toujours protégé le capitalisme monopoleur, afin de s’appuyer sur lui. Non seulement les droits du capital ont été soutenus par le nazisme, mais ils ont été renforcés, et, dans ces monopoles, les banques ont joué un rôle de premier plan. La domination des banques sur l’industrie a pour aboutissement la fusion du capital bancaire et du capital industriel sous forme de capital financier. Les mesures administratives et législatives, prises par les nazis, ont renforcé les positions du grand capital. Pas de nationalisation, mais suppression des syndicats ouvriers et de la représentation ouvrière, institution de cartels obligatoires, politique d’autarcie, anéantissement du commerce juif, expulsion des petits entrepreneurs, des petits artisans qui sont forcés de s’enrôler dans la grosse industrie. Diminution du chômage, mais par l’enrôlement forcé de l’ouvrier dont les salaires ne sont guère augmentés. Mêmes procédés dans l’agriculture.
Il est nettement plus difficile de définir les principes d’un « socialisme économique » au vu de la diversité des options de la gauche à ce niveau là. Cependant, il est possible d’en dégager des invariants:
- Limitation voire suppression de la propriété privée des moyens de production
- Contrôle voire suppression de l’économie de marché pour une économie planifiée
- Lutte contre les inégalités qui passe par une meilleure redistribution des ressources et des revenus
- Nationalisations partielles ou complète
4) La droite héritière et génitrice du nazisme
Il ne fait aucun doute que Hitler est fondamentalement de droite à la lecture de ses écrits et de ses discours. Son insistance sur l’importance des différences raciales entre les hommes fait écho aujourd’hui chez Charles Murray, et la centralité de la hiérarchie chez Jordan Peterson. Il n’est pas nécessaire de pousser ces convictions jusqu’aux fins génocidaires fanatiques d’Hitler, mais l’un des principaux débats entre la gauche et la droite porte sur l’égalitarisme : existe-t-il des hiérarchies naturelles de privilèges et de richesses ou les gens devraient-ils être égaux ?
Or il amusant de le constater à cette étape de notre article que les libertariens comme Mises (et qui ont avancé la fameuse propagande que nous détaillons aujourd’hui) sont de farouches partisans de ces inégalités:
« Vous avez le courage de dire aux masses ce qu’aucun politicien ne leur a dit : vous êtes inférieurs et toutes les améliorations de vos conditions de vie que vous considérez simplement comme allant de soi, vous les devez aux efforts d’hommes qui sont meilleurs que vous. » Lettre de Mises à Ayn Rand,
L’égalitariste croit aussi que les peuples du monde entier méritent une considération égale ; les socialistes ont tendance à être des internationalistes qui défendent les droits des peuples opprimés partout dans le monde. Mais pour le nazi, l’humanité n’est pas ce qui a de la valeur : « Si d’autres parlent du monde et de l’humanité, nous disons la patrie – et seulement la patrie. » Il méprise le slogan « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous », le qualifiant d’« expression de la volonté d’hommes qui, dans leur caractère essentiel, ont une certaine parenté avec des peuples analogues à un niveau de civilisation inférieur. » En fin de compte, « des idées telles que « démocratie », « majorité », « conscience du monde », « solidarité mondiale », « paix mondiale », « internationalité de l’art », etc. désintègrent notre conscience raciale, engendrent la lâcheté, et c’est pourquoi nous sommes obligés de dire aujourd’hui que le simple Turc est plus homme que nous. »
La solidarité mondiale, principe fondamental de la gauche, s’oppose au racisme et mènerait à des conclusions aussi radicales et inacceptables que celles selon lesquelles les Turcs ne sont pas si différents des Allemands . Mort à la solidarité, donc.
Le nazisme est un enfant des anti-lumière (Zeev Sternel), qui ne veut pas une société moderne, futuriste, mais qui cherche une utopie du passé (Chapoutot).
Le terme « socialisme » est là pour représenter la Volksgemeinschaft, la communauté populaire raciste. Il sert avant tout à créer une unité autour de la race. Ainsi les patrons qui se sont largement enrichis durant la période, ne sont plus les « exploiteurs » dépeints par les marxistes, mais deviennent des « camarades de race ». Hitler lui-même n’est pas un dictateur, mais le guide qui a le mieux compris les « loi de la biologie et de la race ». Dans les rapports sociaux, le nazisme n’est pas particulièrement tendre. Un impératif est posé : celui du Leistung (la « performance »). Il faut être productif et reproductif, car, dans la conception nazie, la vie est un combat permanent, imposé par la biologie. Le Kraft durch Freude, la force par la joie, loin d’être un outil d’émancipation sociale, est avant tout une manière de booster la productivité des travailleurs pour atteindre les buts nazis. Contrairement à ceux de l’URSS (mais jamais réalisés), qui sont inclusifs, ceux du nazisme sont de conquérir le « biotope » qui leur serait naturellement alloué (grosso modo la zone dans laquelle pousse les hêtres). Le reste du monde les intéresse moins, notamment car ils sont persuadés que les climats chauds les feraient génétiquement dégénérer. C’est tout un univers mental.
Le nazisme ne s’est jamais revendiqué de gauche, mais d’une droite révolutionnaire (au sens copernicien, revenir vers l’origine). Il ne possède que des similitudes cosmétiques avec le soviétisme, notamment l’utilisation de la violence et du terrorisme d’Etat. Mais les tentatives de tracer des parallèles sont complètement foireuses, et ne suscitent plus d’engouement universitaire.
Extrait de l’interview de Johann Chapoutot lors de la sortie de « Zone d’interêt » :
« C’est un film sur le carriérisme consumériste, utilitariste et égoïste, érigé encore aujourd’hui en valeur cardinale du capitalisme, mais aussi sur la réification. Pour Höss, la population des camps est du Menschenmaterial, du matériau humain. Ce que nous appelons aujourd’hui des ressources humaines. Cette réification est corrélée à un certain darwinisme social, avec l’idée que la vie est un combat, qu’il faut être performant parce qu’elle opère une sélection parmi les meilleurs. Cela structurait le monde des nazis et structure toujours le nôtre. Et enfin on voit, avec la pollution de la rivière qui se trouve près de chez les Höss, à quel point le nazisme est le paroxysme de l’anthropocène, qui rime avec une destruction systématique de l’environnement et des êtres humains. Tout est considéré comme un fonds d’énergie dans lequel on va puiser jusqu’à épuisement. Ça aussi, c’est très actuel. »
III) Exemples de prolifération de cette propagande
En France, on l’a vu cette thèse est promu par les libertariens, Asselineau, De Villiers, Zemmour et quelques zozos du RN. Elle l’est aussi par exemple promu en Suisse par l’extrême droite:
« Ces mêmes socialistes qui, aujourd’hui, lancent si facilement leurs reproches de fascisme feraient bien d’être conscients qu’avec leur adoration de l’État universel, la référence permanente au collectif et le mépris de la liberté individuelle, ils sont bien plus proches d’une vision fasciste du monde que nous. Ce n’est pas un hasard si les hordes brunes se sont appelées les « nationaux-socialistes ». Christophe Blocher:
Et sur les réseaux sociaux les naïfs sans réflexion répètent à l’envie cette propagande. Exemples:
Mussolini et Hitler étaient socialistes
Le niveau zéro de la réflexion. On notera la contre vérité « Mussolini = socialiste » alors que justement il a été VIRE du PSI en 1914 pour ses nouvelles options politiques fascistes, et le retour de la fausse citation soit disant de Churchill.
Adaptation
Plus proches de nous certains ont fait varier la théorie de base pour l’adapter à la France et au Pétainisme:
Pro Poutine
Enfin et c’est en même temps nouveau et assez stupéfiant, les pro Poutine s’y mettent aussi. Au vu de la convergence entre la Russie Poutinienne et le Reich, on se demande si ceci fait rire ou pleurer. Et en même temps au vu de l’obsession des pro poutine à pointer du doigt les « ukronazis » et les nazis imaginaires du régime…
On rajoutera cette constatation que l’AfD s’y met aussi. Un comble. Et que si les proxys anglos saxons pro poutine s’y mettent, on peut parier sur une très probable tache d’huile idéologique chez leurs proxys français.
Ah oui vous n’étiez pas au courant?
La cheftaine de l’AfD a pu dégoiser avec Elon Musk sur ce sujet montrant là son inconnaissance totale de l’histoire du régime nazi (et donc de son propre pays):
Dans un passage lunaire, Alice Weidel en a profité pour souligner que son parti était selon elle, l’opposé d’Adolf Hitler parce que les nazis ont immédiatement supprimé la liberté de parole après leur accession au pouvoir. Le milliardaire sud-africain et américain lui a alors demandé de répondre aux affirmations des médias qui tendent à considérer son parti comme d’extrême droite et à associer ses idées avec celles du parti nazi d’Adolf Hitler.
« Hitler était un socialiste, un communiste »
« Hitler était un socialiste, un communiste », a-t-elle répondu à Elon Musk, passant sous silence le fait que les socialistes et les communistes ont été persécutés par les nazis. « Les nazis ont nationalisé l’industrie comme des fous et ils ont exigé de lourdes taxes des entreprises privées », a-t-elle expliqué, tout en réaffirmant que l’AfD était au contraire un parti libertarien et conservateur.
Et si vous avez lu cet article, vous savez que c’est faux. Aucune nationalisation. Pour les impôts c’est un peu plus compliqué. Les impôts augmentent pour tous il est vrai, mais surtout pour les pauvres. La consommation est rationnée, les salaires limités. La dernière source de revenus, c’est la monstrueuse spoliation des juifs. Les nazis n’ont pas touché aux riches, ni au système capitaliste. Et au passage mettant à leur disposition une immense réserve de travail d’esclaves que vous n’avez ni à nourrir, ni à soigner dans les camps de concentration.
Conclusion : Hitler n’avait rien d’un socialiste
Qu’entendait donc Hitler par « socialisme » dans « national-socialisme » ? Il s’agissait surtout d’une bonne stratégie de marque, et il n’utilisait ce terme que de temps à autre de manière positive, en disant des choses comme « ce n’est qu’en adoptant une vision véritablement socialiste du problème auquel la communauté est confrontée qu’il sera possible de trouver une solution » lorsqu’il parlait du chômage, puis en précisant que cela signifie « que chacun s’élève au-dessus de son égoïsme et triomphe de ses intérêts personnels ». En d’autres termes, il entendait surtout par « être social » et il dit ailleurs :
« être « social » signifie construire l’État et la communauté du peuple de telle sorte que chaque individu agisse dans l’intérêt de la communauté du peuple et soit à tel point convaincu de la bonté, de la droiture honorable de cette communauté du peuple qu’il soit prêt à mourir pour elle ».
Dans un passage curieux, il le définit ainsi :
« Celui qui a pris à cœur le sens de notre grand chant « Deutschland, Deutschland, uber alles », selon lequel rien au monde ne lui est plus cher que cette Allemagne, ce peuple et ce pays, ce pays et ce peuple, celui-là est un socialiste ! »
Le « socialisme » d’Hitler n’était donc qu’une vague reformulation de son nationalisme. Il n’avait certainement rien à voir avec la lutte des classes que la plupart des socialistes considèrent comme importante. « Je rejette le mot « prolétariat » », dit-il, le qualifiant de terme juif. Hitler dit que toute l’idée d’une lutte des classes est une absurdité juive marxiste, et « nous devons par principe nous libérer de tout point de vue de classe », car ce qui compte n’est pas de savoir si vous êtes un Allemand bourgeois ou un Allemand prolétarien, mais si vous êtes Allemand. Comme il le dit :
« Il n’existe pas de classes… là où tous les Allemands ont le même sang, les mêmes yeux et parlent la même langue, il ne peut y avoir de classes, il ne peut y avoir qu’un seul peuple et rien d’autre au-delà. »
Quand à nos contemporains, quand ils font cette analogie c’est également pour ses différentes fonctions : invalider toute émancipation socialiste en l’associant à Hitler (stratégie de la boule puante), mais également une façon de se dissocier, à l’extrême droite du nazisme.
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