Zemmour est un animal médiatique qui aime les grandes figures et les affirmations fantaisistes comme aujourd’hui avec cette histoire de calendrier chrétien sous Napoléon qui conditionnerait les prénoms que l’on peut donner à ses enfants.
Le 6 septembre : sur France 5, zemmour affirme dans l’émission « C à vous » que « donner un prénom qui n’est pas un prénom français à ses enfants, c’est ne pas se détacher de l’islam. C’est vouloir continuer l’identité islamique en France ».
Le 12 septembre, sur LCI affirme cette fois:
« Un prénom français, c’est un prénom chrétien, cela vient d’une loi établie par Bonaparte » et abrogée (déplore-t-il) en 1993.
Il récidive ce dimanche sur C8:
« Normalement, chez moi, en tout cas depuis une loi de Bonaparte qui a malheureusement été abolie en 1993 par les socialistes, on doit donner des prénoms dans ce qu’on appelle le calendrier, c’est-à-dire les saints chrétiens. »
Cette loi existe bien. C’est la loi n°2614 du 11 Germinal an XI, ou plus simplement du 1er avril 1803, « relative aux prénoms et aux changements de noms ». Or voici ce que dit son article 1:
« A compter de la publication de la présente loi, les noms en usage dans les différents calendriers, et ceux des personnages connus de l’histoire ancienne, pourront seuls être reçus, comme prénoms sur les registres de l’état civil destinés à constater la naissance des enfants ; et il est interdit aux officiels publics d’en admettre aucun autre dans leurs actes. »
Cette loi ne parle donc pas de « prénoms chrétiens », mais parle par contre « DES calendriers ». Car le calendrier à l’époque n’est pas « chrétien ». En fait, cette loi permet de donner comme prénoms ceux qui figurent dans les calendriers (des saints, révolutionnaire, musulman, etc.), ou ceux de personnages connus dans l’histoire ancienne, à condition qu’ils aient existé et se soient manifestés avant le Moyen Age (sont ainsi autorisés : Achille, Vercingétorix, mais les dieux de la mythologie sont exclus). Le gouvernement consulaire fit dresser un répertoire des noms autorisés. C’est ainsi qu’on vit fleurir des prénoms parfois difficiles à porter comme:
Abelard, Abeline, Adéodat,Agathon, Anacréon, Angadrem, Annibal, Argentine, Arthus, Auguste, Azémia, Basilique, Basilique, Bélissante, César, Charlemagne, Cléonis, Clodomir, Cloédie, Clovis, Cloviste, Colbert,Constantine, Damarisse, Dauphine, Divine, Faidherbe, Fénelon, Galien, Isabule, Ismérie, Kléber, Malvina, Médélisse, Mériade, Napoléon, Napoléone, Numa Obéline, Onézime, Opportune, Ovide, Perpétue, Pétronille, Philigore, Philogène, Policarpe, Restitude, Scholastique, Sosthène, Théolone, Thomasse, Vénérande, Zélie, Zéphir.
Ou des prénoms carrément « exotiques » comme:
Pour les garçons :
Abédécales, Abide, Abscode, Acepsimas, Anstriclinien, Aphone, Aproncule, Bananuphe, Calépode, Canisius, Coconain, Cordule, Delcolle, Dorymédon, Eupsyque, Eusémiote, Frichoux, Gobdélas, Gorgon, Guthagon, Gabin, Havenne, Huldegrin, Injurieux, Ithamace, Keintegern, Lézin, Lupède, Ludon, Latin, Mappalique, Melchiad, Métromane, Moucherat, Nizilon, Némèse, Odilard, Oenillin, Onésiphore, Ouarlax, Palphètre, Pamphalon, Patape, Pèlerin, Pétronin, Philogon, Pipe, Proscidile, Quoamal, Rasyphe, Sabas, Smaragde, Syarèse, Télesphore, Théoïde, Théopiste, Théopompe, Triphon, Tripodes, Tychique, Ubède, Urciscène, Usthazades, Viedemial, Ynsigo, Zotoucque.
Et pour les filles
Agetine, Animaïde, Arcade, Avaugourg, Bertoarde, Bibienne, Conchinne, Crispine, Cuthburge, Dodoline, Dorothée, Dorphate, Édifrède, Égobille, Ensvide, Épicaride, Ésothéide, Godine, Golinduche, Guimfroye, Hérondine, Hune, Irmine, Kymescide, Lupite, Macarie, Mamelthe, Mazote, Mirlouriraine, Nossète, Obdule, Oringue, Panduine, Piste, Pompine, Porcaire, Rusticule, Sigouleine, Sosipatre, Supporine, Tatienne, Venefride, Yphenge, Zingue, Zite, Zuarde.
Autorisation est faite par cette loi d’utiliser des noms anciens connus comme des « Mohamed », des « Saladin » ou des « Sadi » – comme Sadi Carnot, ancien président de la république du XIXème siècle – qui est un prénom d’origine Iranienne, sans doute donné en hommage au grand poète persan du XIIIème siècle, Abū-Muḥammad Muṣliḥ al-Dīn bin Abdallāh Shīrāzī.
Zemmour est donc un menteur, et nous raconte des sornettes sur ces histoires de prénoms sous Napoléon. Nous avons encore un triste exemple de ces pâles obsessions de la fachosphère.
PS: « Corinne » ou « Corinna » fut une poétesse de la Grèce ancienne (VIème siècle avant JC)
Pour en savoir plus: Prénoms au XIXème siècle