Mais on va quand même y regarder de plus près. Parce que ce qui est intéressant ici, c’est la façon dont on va construire un contre-discours.
Damien Rieu et les chiffres sur la prison
Nous ne sommes pas dupes, Damien Rieu a twitté sur un coin de table, il parle de prison comme il parlerait d’autre chose. C’est une affirmation en l’air, qui ne trompe personne en commentaires. D’ailleurs aucune actualité brûlante ne traite de ce sujet (à part l’OIP qui fait un super travail et qui soulève de vrais problèmes de discrimination en milieu carcéral).
Malgré tout, on va quand même revenir sur le contenu. Et pour commencer, on va rappeler ce qui pour nous sonne comme une évidence : l’extrême droite a vraiment du mal avec les statistiques, on en parlait il y a 10 ans déjà.
Le contenu du tweet
Reprenons dans l’ordre.
95% des détenus sont des hommes.
Des hommes discriminés ?
Si les hommes sont en prison, c’est parce qu’ils ont été reconnus coupables par un tribunal d’un crime ou délit nécessitant aux yeux de la loi d’une incarcération. On peut discuter des raisons, elles sont multiples, mais ce n’est pas parce qu’ils sont des hommes.
Un cas flagrant de whataboutism !
La discrimination sociale est un processus lié au fait d’opérer une distinction concernant une personne ou une catégorie sociale en créant des frontières dites « discriminantes », c’est-à-dire produisant un rejet visant à l’exclusion sociale sur des critères tels que l’origine sociale ou ethnique, la religion, le genre, le niveau de son intelligence, l’état de santé, etc.
Wikipedia
L’origine sociale des détenus
Ce qui passe à la trappe dans la démonstration de Damien Rieu, c’est le « qui » est en prison. En l’occurrence, on trouve en majorité des personnes en situation de grande précarité. C’était le cas en 2003, et ça l’est encore.
Être méchant avec les méchants
Pour Damien Rieu, tous ceux qui se trouvent en prison rentrent dans la case « méchant ». Reconnaissez, cette posture est facile à tenir sur Twitter, mais à l’épreuve du pouvoir, il y a fort à craindre que ça n’aille pas très loin.
Ce tweet de 2022 fait l’impasse sur un point essentiel : la réinsertion, une des clés pour prévenir la récidive. Ne pas accompagner les détenus c’est les maintenir dans la précarité à leur sortie.
Un autre absent, c’est l’accompagnement des pathologies psychiatriques. 25% des détenus sont concernés par des troubles plus ou moins graves.
Nous passerons sur le point 2, il faut ne rien connaître à ce monde là. La dissuasion ne vaut pas tripette face à l’urgence matérielle. Quant au point 6, il pose une question constitutionnelle, considérant qu’un ressortissant étranger ayant purgé sa peine n’a pas les mêmes droits que n’importe quel citoyen.
La justice prônée par Damien Rieu et Reconquête n’est pas réparatrice, elle ne repose sur rien d’autre que la prison. Ignorant les parcours de vie de chacun, c’est une justice destructrice.
De l’importance de fabriquer un contre discours
Mais pourquoi Damien Rieu nous raconte ça ? En aucun cas, il ne se rêve garde des sceaux. Ici, il ne s’agit que de servir un narratif : celui d’une immigration dangereuse. C’est ce récit qu’il faut refuser. Ce n’est pas l’immigration le problème, c’est la précarité et la misère.
Voilà la base de notre contre-discours.
Alors quand on dit fabriquer, il ne s’agit pas d’inventer un mensonge pour contrer un mensonge. Nous savons également qu’opposer un debunk n’a absolument aucun intérêt, et de toute façon, peu de monde y croit. Damien Rieu s’adresse ici à ceux qui le lisent en silence, ceux qui n’ont pas besoin d’être convaincu et qui ne sont pas exigent sur la qualité des arguments. Il table sur les préjugés racistes.
Deux projets de société qui s’opposent
Dit comme ça, ça ressemble à une banalité. Mais c’est justement cette position qui doit être défendue, et elle n’est pas anodine. Damien Rieu et Reconquête prône l’éthno-différencialisme, une vision essentialiste qui réduit l’individu à son origine, et la prison est un prétexte commode.
La défense des détenus est perçue comme une faiblesse pour l’extrême droite. Mais vous vous en doutez, il y a un contrepied ! Défendre la dignité des détenus n’est pas une faiblesse. Garantir des conditions de vie décentes est un devoir collectif et l’État est en charge de cette mission. Et ce n’est pas du tout gagné aujourd’hui.
Voilà pourquoi, il faut lutter contre les discriminations en prison.
Debunked !