Les États-Unis ont-ils utilisé HAARP pour détruire un gazoduc en Turquie ? Voilà une question qui agite la complosphère depuis le 6 février, date du terrible séisme qui a frappé une zone à cheval sur la Turquie et la Syrie. Dans le contexte de la guerre menée par la Russie en Ukraine et les enjeux des sanctions.
Nous passerons rapidement sur le debunk en lui-même, avant de livrer une réflexion sur la façon dont fonctionne le conspirationnisme.
HAARP et le gazoduc
Le mois de février 2023 est un mois chargé en actualités improbables : D’abord, les américains abattent des ballons qui survolent leur territoire et accusent la Chine. Puis Seymour Hersch, le prix Pulitzer qui a mené l’enquête sur Mi Laï, accuse Biden d’avoir ordonné la destruction de Nordstream. Enfin, la France est au cœur d’un conflit social.
Mais en parallèle, on trouve d’autres actualités. D’abord une plutôt légère, un nuage lenticulaire est aperçu au dessus de la Turquie le 22 janvier. Sa forme singulière et plutôt rare donne l’occasion à quelques articles de presse.
Puis le 6 février, c’est le drame. Un séisme de 7.8 sur l’échelle de Richter frappe le sud de la Turquie, suivi d’une réplique tout aussi meurtrière. Le jour même, les théories fusent.
Ce serait donc l’effet de HAARP, le programme d’étude météorologique dont nous parlions ici, qui est responsable. Sous-entendu, ce sont les américains qui ont frappé la Turquie. Pourquoi? Pour couper le gaz pardi !
On ne va pas passer beaucoup de temps là-dessus, ça a été largement debunké, ici ou là.
Chacun ses obsessions
Parce qu’au registre des coïncidences, ça tombe pile poil avec les révélations de Hersch sur Nordstream, les américains auraient détruit le gazoduc, pas avec HAARP cette fois, mais avec des plongeurs. Des révélations très vite mises en doute, le journaliste, désormais âgé, ayant perdu de sa superbe (et de sa crédibilité) avec les années.
Malgré tout, il reste dans la fachosphère des personnes qui ne fonctionnent pas ainsi et qui suivent leur propre agenda. À l’image de Bertrand Scholler qui est interviewé avec Jean-Rémi Menneau (de l’association SOS Chrétien D’orient où on croise Charlotte d’Ornellas ou Damien Rieu) par André Bercoff.
Quant à André D, il s’agit d’un propagandiste pro-Russe à temps plein et il a déjà bien assez de fake à partager pour ne pas en rajouter.
Petit traité d’indécence
« Pendant que Monsieur Zelensky passe du bon temps à Paris, des enfants meurent sous les décombres! » Ça n’a absolument aucun rapport, bien entendu. Mais c’est ce qui ressort de certains tweets exaspérés de figures de la complosphère. Parce que tout se mélange, et surtout, il est nécessaire de relier des points pour préserver la cohérence de son discours. Après un long processus, le complotiste finit par interpréter les faits en fonction de son récit, chaque événement devient la pièce d’un puzzle.
Nous l’avions vu avec les attentats du 13 novembre, il ne faut que quelques heures pour qu’apparaissent les premières théories. Elles ont pour elles d’être générées dans l’urgence du moment. Mais pendant que la matière grise carbure à trouver ce qu’on nous cache, des gens meurent. Et ce séisme a fait, après 7 jours de recherche, plus de 35 000 morts. Excusez du peu.
Le manque d’empathie est évident. Naturellement, face à des choses qu’on ne comprend pas, nous aurons tendance à l’incrédulité. Pour la complosphère, tout est dans l’implicite, dans le choix des mots, de la ponctuation. Même devant les éléments déchaînés, il faut trouver une explication. Pourtant, le déluge fait partie de la culture millénariste du complotisme.
Bref. Nous livrons ici un billet d’humeur. Plutôt désabusés, nous prenons acte du réflexe conspirationniste, celui qui associe HAARP et des intérêts économiques comme le gazoduc, parce que l’antiaméricanisme est à la mode.
Et nous en profitons pour rappeler que ça ne suffit pas de balancer des théories en l’air juste parce que ça sonne bien. La charge de la preuve incombe à celui qui affirme quelque chose.