Qu’est ce que vient faire l’IPJ (institut pour la justice) dans l’affaire du meurtre sordide de la jeune Lola ?
Il y a des articles qui s’écrivent tout seul tant nous connaissons le sujet, tant nous avons traité ces thématiques les années passées. Certes nous n’avons jamais traité de ce think tank dans un article dédié auparavant. Mais nous avons croisé depuis le début des années 2010 l’IPJ, comme notamment au côté de l’IFRAP d’Agnès Verdier-Molinié.
Enfin, nous verrons comment l’extrême droite instrumentalise cette affaire en attaquant sur l’immigration et les OQTF. Le problème dans les tragédies, c’est qu’elles ne s’arrêtent jamais.
L’institut pour la justice
Avant de sauter sur la sordide affaire Lola, l’institut pour la justice a fait parler de lui à quelques reprises. Mais soyons lucides, c’est un groupe de l’ombre qui agit en faisant des coups.
C’est quoi l’institut pour la justice ?
Crée en 2007 à la suite de l’affaire Bodein, ce tueur en série qui est passé longtemps entre les mailles du filet qui en plus fait parti de la communauté des gens du voyage, l’IPJ se présente ainsi :
L’Institut pour la Justice est une association loi 1901 composée de citoyens, de victimes et d’experts du monde judiciaire mobilisés pour une Justice qui mettent les victimes au centre.
C’est un mouvement dénué de toute affiliation politique qui ne reçoit aucune subvention publique. Ses actions ne sont financées que grâce à ses membres donateurs.
https://www.institutpourlajustice.org/institut
Concrètement, il s’agit d’un collectif qui publie une revue contenant des réflexions et des doléances sur la justice. Les thèmes sont : le laxisme de cette dernière, les victimes jamais entendues, le sentiment d’insécurité, etc…
Nous sommes dans un champ d’action que nous pouvons raisonnablement qualifier de « conservateur », qui se calque sur les discours de la droite d’appareil comme de l’extrême droite. Mais regardons de plus près, nous sommes en 2011, à l’approche des élections présidentielles (qui vont voir François Hollande battre Nicolas Sarkozy) et le climat est une instrumentalisation du discours sécuritaire depuis dix ans.
Le pacte 2012
L’IPJ publie un ensemble de doléances et appelle à en signer le contenu : c’est le Pacte 2012. Si la nature de ce texte vous paraît familier, c’est que nous en avons débunké des semblables qui relèvent plus du glurge (des textes faisant appel aux émotions afin de mieux manipuler l’auditoire). Maître Eolas et Slate en avaient à l’époque fait la critique ce qui leur a valu une longue bataille judiciaire qu’ils ont finit par gagner.
Depuis, pas grand chose ! L’IPJ publie sa revue et occupe des réseaux sociaux. Apolitiques en apparence, ils publient des interviews des candidats Zemmour, Le Pen et Pécresse avant les présidentielles de 2022. Ce qui montre à la fois le positionnement naturel du think tank et les échéances qui le font vivre.
Le collectif a pris la mesure de l’époque, pas vraiment sur le contenu mais sur la forme. Toujours disponible, Pierre-Marie Sève est régulièrement invité sur les plateaux (Sud Radio et Cnews en tête, comme par hasard). Pour le reste de son activité, l’IPJ publie quotidiennement sur ses réseaux, sans vraiment occuper un rôle de premier plan.
Les guerres intestines dans la fachosphère
Prenons les choses dans l’ordre.
- Vendredi 14 octobre 2022 : une valise est retrouvée dans la cour d’un immeuble. Macabre découverte, le bagage contient le corps d’une petite fille tuée dans des circonstances floues.
- Samedi 15 octobre : les médias révèlent que 6 personnes sont en garde à vue. Les rumeurs courent, allant jusqu’au trafic d’organes.
- Lundi 16 octobre : Une seule personne est mise en examen, on comment à en savoir plus. Elle est de nationalité Algérienne.
Premier arrivé, premier servi
C’est Reconquête qui prend la main dans cette affaire. Samuel Lafont est à la manœuvre, et c’est une vieille connaissance. Ancien de l’UMP, il s’illustre dans le traficotage honteux de photos à l’époque du mariage pour tous. Puis il quitte sa famille politique, crée le média Damoclès (qui fait aussi dans le sale), et rejoint Eric Zemmour pour sa campagne de 2022.
Samuel Lafont crée une pétition en ligne de toute urgence le 17 octobre pour le compte de Damoclès et bloque des noms de domaine équivoques. Mélange des genres oblige, Damoclès et Reconquête! font cause commune ici et Lafont ne mouillera pas le Z qui ne fait pas la promotion de la pétition.
Comment Reconquête veut "surfer" sur le meurtre de Lola, 12 ans:
1 – Achat de noms de domaine
2 – Pétition pour recueillir (illégalement) une base mail
3 – Promotion des hashtags associés aux noms de domaine achetés la veille pic.twitter.com/s2Uf3wyKDv— Raphael Grably (@GrablyR) October 18, 2022
Une manifestation apolitique… pour Lola, vraiment ?
Le mardi 18 octobre, l’institut pour la justice annonce un rassemblement pour les victimes. Quelles victimes ? De quoi? Forcément, le RN et Reconquête annoncent leur participation à ce rassemblement « apolitique ».
Malgré la demande explicite de la famille (qui a fuit les caméras) de ne pas faire de récupération politique de cette affaire, toute la fachosphère se précipite. Niveau décence, les donneurs de leçons de l’ordre et la morale peuvent se rhabiller ; parler au nom des victimes, malgré leurs avis.
Délinquance et immigration, rebelote et dix de der
Voyons le fond de l’affaire maintenant.
Ce n’est pas la première fois que la fachosphère fait des associations entre délinquance et immigration. Ça fait même partie du cœur de chauffe de la machinerie xénophobe.
Un lien indémontrable
Comme ces chiffres n’existent pas en France (pas de statistiques ethniques), l’extrême droite utilise donc des chiffres qui n’existent pas pour balancer une affirmation comme un mantra, sur la sacro-sainte base du principe scientifique reconnu dit « du doigt mouillé ».
Comme ça a été démontré et re-démontré x fois, on va juste faire une liste :
- Immigration et délinquance : attention à ces chiffres d’Eric Zemmour – Le Bien public
- LA VÉRIF – Délinquance et immigration: Marine Le Pen dit-elle vrai ? – BFM
- Désinfox #16 : Que sait-on réellement du lien entre immigration et délinquance ? – Institut Convergence Immigration
- Y a-t-il un lien entre délinquance et immigration ? – Musée de l’histoire de l’immigration
Les chiffres officiels publiés par le ministère de l’intérieur ne font pas état de l’origine des personnes interpellées, jugées, condamnées… Seul chiffre vaguement exploitable, pour peu qu’il veuille bien dire quelque chose : la nationalité.
Quitte à faire des raccourcis, on pourrait annoncer aussi que la violence ne se trouve que dans les villes. Ça serait faire fi des contextes qui expliquent la délinquance et la violence.
Enfin, le nombre d’homicides est stable depuis des années. On voit donc que l’affirmation de l’IPJ sur le danger constamment en augmentation ne repose sur rien.
La question des OQTF
La principale mise en cause dans l’affaire sordide qui nous occupe aujourd’hui est algérienne et en situation irrégulière. Contrôlée à l’aéroport, elle bénéficiait d’un visa pour ses études qui avait expiré. Elle a donc reçu une OQTF ou Obligation de quitter le territoire français.
La décision d’éloignement ou d’obligation de quitter le territoire français est prise par le préfet, notamment en cas de refus de délivrance de titre de séjour ou de séjour irrégulier : Situation d’un étranger qui ne possède pas les documents l’autorisant à rester en France en France. Si vous êtes concerné, elle vous oblige à quitter la France par vos propres moyens dans un délai de 30 jours. Dans des situations limitées, elle peut aussi vous obliger à quitter la France sans délai. Un recours est possible.
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F18362
En clair, une fois qu’un étranger s’est vu adresser une OQTF, il a un délai et des recours. Nous avons vu qu’il y a un délai de 30 jours pour faire appel (et l’appel n’est pas suspensif). C’est la loi. Dans ce délai, il n’y a aucune raison du point de vue judiciaire de placer quelqu’un en centre de rétention.
Des tueurs pas trop de chez nous
L’histoire de Dhalia B, principale suspecte dans cette affaire est racontée ici, quand d’autres sources évoquent l’absence de notification à son encontre. Pire, dans cette histoire, l’assassin n’était pas connu pour des faits de violence. Ou plutôt, soyons précis, elle était victime de violences conjugales (où était l’IPJ pour parler d’elle ? ).
Mais peu importe finalement, les tracasseries à l’égard des ressortissants extra-européens ne sont qu’un cache-nez. Et si un meurtrier était en situation légale ? Ce sont tout de même les meurtriers qui sont coupables des meurtres.
D’ailleurs, sur le meurtre lui-même nous n’avons rien à dire. Nous ne connaissons que des détails sordides, mais pas vraiment les motivations, ni ce qui a amené cette personne à enlever la vie.
Enfin nous finirons par nous demander si finalement, un meurtre commis par un français blanc en devient plus acceptable au regard de cette obsession.
Conclusion
Pour conclure, on a vu la façon dont l’institut pour la justice s’est imposé dans le concert des voix d’extrême droite autour de l’affaire Lola. Évidemment, c’était cousu de fil blanc quand on a vu que la principale suspecte ressortissante Algérienne en situation irrégulière. Avant ça, l’affaire était sordide. Dés l’annonce de l’origine de la meurtrière, elle a été tâché d’indécence et d’opportunisme.
On aura encore une fois vu l’extrême droite se distinguer avec cette affirmation fantaisiste sur un lien entre immigration et délinquance. Un rapport qui n’est pas prouvé, et qui même s’il l’était ne vaudrait rien.
Enfin, on a pu voir cette extrême droite se raccrocher aux branches en attaquant le gouvernement sur les OQTF. Un bien maigre butin après tout ce foin.
PS : L’équipe des Debunkers présente toutes ses condoléances à la famille de la jeune Lola.
Edit 20/10
- Pour en savoir un peu plus sur la famille Laarman, à l’origine de la création de l’IPJ et d’autres attrape-nigauds :
De SOS Education à la « santé naturelle », voyage dans la galaxie conservatrice des Laarman – Le Monde - Au sujet de la manifestation, le RN s’est retiré au dernier moment, organisant une minute de silence devant l’Assemblée Nationale. Une action toujours indécente, à l’encontre des volontés de la famille
- L’IPJ a organisé son rassemblement qui n’a pas fait recette. À noter un certain malaise au sujet de la présence de Reconquête! et des militants du parti qui ne se sont pas affichés. Niveau indécence, on reste au même niveau que le RN
- Le grand gagnant de l’opération est le RN : face à Reconquête! qui parle de francocide, ils opposent une France orange mécanique (Stéphane Ravier, le 20/10), et s’affichent comme plus institutionnels et même extrêmes que le sulfureux Z.