L’économie Russe se porte-t-elle si bien que ça, ou est-ce de la propagande ?
La fachosphère ne tarit pas d’éloges sur Poutine. Avec le même zèle servile, que les staliniens cirant les bottes du « petit père des peuples », la langue agile du faf fait reluire celles de Poutine. Les dictateurs changent, pas les serviles.
Avec par exemple, notre ineffable C. Boutin qui loue les vertus du bilan du maître du Kremlin:
Ce tableau nous a semblé intéressant à décortiquer, voir ce qui est vrai, ce qui est faux, ce qui est manipulatoire. Alors reprenons le à zéro. Le voici posé en données:
1999 | 2013 | |
PIB en Milliards de dollars US ($) | 195 | 2113 |
PIB par personne ($) | 1320 | 14800 |
Inflation | 36,5 | 6,5 |
Réserves FOREX (en milliards de dollars $) | 12,6 | 511 |
Dette en % du PIB | 78% | 8% |
Montant des retraites (en roubles) | 499 | 10 000 |
Revenu (en roubles) | 1522 | 29 940 |
L’économie russe : le PIB
Comme le montre ce graphique:
les chiffres indiqués du PIB sont exacts. Mais In Cauda Veneneum, dit la locution, car le diable se cache dans les détails.
- Tout d’abord on s’aperçoit que les dates choisies (1999/2013) ne sont pas innocentes. En effet, c’est en 2013 qu’on enregistre la valeur la plus élevée (2 230 630 000 000) et c’est en 1999 qu’on enregistre la valeur la plus basse (195 906 000 000). Quel hasard!
- En 1989, par rapport aux données mondiales disponibles, la part relative du PIB de ce pays est de 2,52 %. En 2016, cette même part est de 1,70 %… Autant dire que si ce pays a connu une forte évolution de sa richesse produite, les autres pays du monde en ont fait tout autant… Et que relativement à ces autres pays, la Russie a fait moins bien…
- Certains l’auront remarqué, ce tableau en en dollars US courants. Or la valeur du PIB en dollars courants peut être trompeuse de plusieurs manières, en particulier lors de comparaisons entre deux ou plusieurs années. D’abord, parce qu’elle peut être gonflée à cause de l’inflation (ou l’inverse à cause de la déflation). C’est pour cette raison que l’on a souvent recours au PIB en dollars constants. Regardons donc le même tableau en dollars US constants.
On s’aperçoit immédiatement de deux faits: 1999 est une année EXCEPTIONELLE, et au final en 2013, la Russie est revenu grosso modo au stade du PIB russe en 1990. C’est donc en fait un rattrapage et non une réelle évolution. Il faut savoir que la Russie a connu une terrible crise financière qui s’est traduite également par une crise économique, et a culminé en 1998. Elle est marquée par une dévaluation brutale du rouble et un défaut sur la dette russe (les GKO notamment). Cette crise se produit à la suite de la crise économique asiatique de 1997, située au début d’un ralentissement économique mondial. L’inflation cette année-là fut de 84 % en Russie.
Quelles ont été les réformes russes qui ont permis ce redressement? Dérégulation… Flat taxe, les mêmes armes qu’en occident. Mais SURTOUT Poutine a bénéficié d’un choc pétrolier qui lui a permis de décupler ses rentrées d’argent.
D’ailleurs depuis la stabilisation des prix du cours vers 2013, le PIB s’est aussi ralenti en Russie (2013 chiffre choisi pour stopper le graphique des poutinolâtres -comme par hasard-).
L’économie russe : le PIB par personne
C’est à ,partir de maintenant que cela se corse. Tout d’abord, détail, certes, mais qui a son importance, on ne dit pas « PIB par personne », mais « PIB par habitant ». Deuxio comme l’indicateur précédent on l’indique en « courant » ou en « constant » (le « constant » étant toujours plus judicieux.). Et là non plus, on a pas idée du choix de l’hagiographe poutinolâtre.
Et puis et surtout: ces chiffres sont faux.
Le panneau indique des chiffres de 1320$ en 1999 et 14800 en 2013. Or la réalité c’est:
- en constant=> 12720 en 1999, et 25144 en 2013
- en courant => 5914 en 1999, et 25481 en 2013
Les « rapports » entre chiffres pour montrer une croissance n’ont rien à voir… Le panneau lui donne une croissance de 1000% (excusez du peu) tandis que les autres chiffres indiqueraient une croissance de 100% en $ constants et 500% en $ courants.
Précisons pour comparer réellement, qu’en France, de 1990 à 2016, le PIB par habitant en dollars US constants a augmenté de 47%. En Russie, seulement de 15% …
L’économie russe : l’inflation
A nouveau, et on le voit bien à l’examen du tableau suivant, le choix de l’année 1999 comme date de référence est particulièrement tendancieuse. En effet, c’est le moment où l’inflation CULMINE en Russie suite à la crise économique gravissime.
Quant aux chiffres du tableau incriminé, ils sont tout bonnement faux. Et on ne sait pas d’où ils sortent.
L’économie russe : les réserves FOREX
Tout d’abord: késako?
L’expression « réserves FOREX » est un anglicisme traduit par « réserves de change » (« Foreign-exchange reserves » ou « forex reserves » ou encore « FX reserves »). Ce sont des avoirs en devises étrangères et en actifs détenus par la banque centrale. Elles prennent la forme de de devises étrangères, d’or ou plus généralement de bons et obligations du Trésor d’États étrangers, ce qui permet à ces réserves de rapporter un intérêt. Elles sont utilisées par les autorités monétaires pour réguler les taux de change.
Qu’en est il?
Effectivement la Russie a acheté massivement des réserves de changes. Particulièrement en or, ce qui avait donné lieu à un autre hoax sur ce sujet. Mais est ce si exceptionnel? Au vu de la même période pour la France pas vraiment:
En fait, ce sont TOUS les pays émergents qui ont fait de même pendant cette période et particulièrement la Russie qui a profité de l’envolée des cours du pétrole.
Ce fait est donc vrai, mais n’a rien d’exceptionnel…
La dette publique
Précisons de suite que non le chiffre de 8% d’endettement en 2013 est faux. Il est en réalité de 13,1 %. Mais baste.
Le souci n’est pas le chiffre de 2013, mais le choix de 1999. Où en est la Russie à cette époque? Comme on le voit les mesures proposées par les gouvernements russes ont été tout bonnement catastrophiques. Un des effets de cette situation a été une réduction dramatique de l’espérance de vie chez les hommes, passée de 64 ans en 1990 à 57 ans en 1996. Celle des femmes, qui s’en tiraient mieux dès le départ, est passée de 74 à 71 ans. Les femmes sont nettement moins sujettes à l’alcoolisme et apparemment beaucoup plus résistantes à la détresse sociale, laquelle a cependant entraîné chez elles une baisse dramatique de la natalité, pendant que la mortalité annuelle moyenne était en hausse de 33 %. Le « Journal of the American Medical Association » a souligné qu’une telle hausse allait au-delà de toute expérience des pays industrialisés en temps de paix.
Après avoir vécu une expérience comme celle-là, pour la majorité de la population russe, les années Poutine apparaissent forcément comme la sortie inespérée d’un interminable cauchemar. Comme on l’a vu, c’est la hausse constante des prix du pétrole et autres ressources énergétiques qui est à la base du redressement économique de la Russie des dernières années. Sur le premier point, Poutine n’y est pour absolument rien. Mais – heureux hasard pour lui ! – l’augmentation continue des cours du pétrole a commencé précisément en 1999, l’année même où il est devenu premier ministre et à la fin de laquelle Eltsine a démissionné pour lui laisser la présidence. Pour saisir toute l’importance des marges de manœuvre de Poutine, il convient de rappeler que la Russie est le principal producteur de pétrole dans le monde. Comme exportatrice, elle dispute la première place à l’Arabie Saoudite qui a une consommation intérieure considérablement moindre. Même si les réserves de l’Arabie Saoudite sont plus importantes que celles de la Russie, cette dernière a compté pour 48 % de l’augmentation de la production mondiale de pétrole entre 1998 et 2004. La hausse des cours du pétrole s’est répercutée sur celle du gaz naturel dont la Russie, qui dispose des plus importantes réserves mondiales, est le premier producteur et le premier exportateur. Voyant dans les secteurs de l’énergie la clé du redressement économique de la Russie et de sa puissance internationale, Poutine y a réintroduit un rôle dominant de l’État, critiqué évidemment par Washington et l’Union européenne, mais généralement fort bien vu dans la population russe.
Poutine a pu ainsi accumuler une réserve dite « fonds de stabilisation » équivalant à 160 milliards de dollars US. Là-dessus, une faible proportion, soit 11 milliards, a été allouée à une augmentation des dépenses sociales et on débat encore de ce qu’il convient de faire avec le reste (dépenses d’infrastructures, investissements de haute technologie, garde en réserve, etc.).
Le montant des retraites
Les montants indiqués semblent juste. Mais il faudrait y ajouter les pertes d’avantages (surtout en 2005). Et que ces augmentations se sont accompagnées d’augmentation du cout de la vie. De plus le suicide des personnes âgées reste un fléau. Et que la situation s’aggrave depuis 2015.
L’ugmentation des salaires
A nouveau, les chiffres indiqués semblent juste, ou presque:
Comme on le voit, la moyenne des salaires est de 23000 roubles et non de 30 000. Le salaire aurait donc augmenté de 12 fois.
De plus nos petits malins oublient d’y intégrer une donnée: l’inflation…
Si on regarde l’évolution du pouvoir d’achat en intégrant la catastrophique année 1999 (mais dont Poutine n’est pas responsable), on arrive à un score monstrueux 766 %…. Soyons raisonnables et contentons nous de la période post 1999 à 2013. Nous arrivons à une augmentation du coût de la vie de tout de même 416 %. Soit une augmentation des salaires de 800%. Cela parait un très bon « score ».
Sauf que, sauf que. Cette donnée est tronquée, car elle ignore les inégalités particulièrement fortes en Russie. Et là nos poutinolâtres sont particulièrement discrets. Et pourtant, la Russie est un des pays champions des inégalités!
En Russie, 1 % de la population russe concentre 74,5 % des richesses nationales – et 10 % détiennent 89 % des biens! Pour comparer, en France, 1 % des Français les plus riches concentrent 17 % des richesses et les 10% les plus riches y détiennent 27,3% des richesses….
Ce qui veut donc dire que la politique Poutinienne a crée une oligarchie d’ultra riches et n’a pas arrangé les problèmes des gens les plus pauvres! Avant la crise de 2016, l’économie souterraine représentait déjà 40% de l’économie du pays…
Nous sommes donc loin du pays de cocagne que ce tableau semble annoncer!
Et ce n’est pas tout, rappelons d’autres données déjà évoquées dans un autre de nos article:
Quels sont les résultats objectifs de ce vaste programme mis en place depuis 2005 ?
- Une économie en récession, véritable talon d’Achille du pouvoir
- D’où des inégalités criantes qui contribuent à une pauvreté galopante
- Une société gangrénée par le crime et la corruption
- ✔︎ Criminalité :
- ✔︎ Corruption :
- ✔︎ Sans compter V. Poutine lui-même
- ✔︎ Un dirigeant qui serait l’homme le plus riche du monde (trois fois plus que Bill Gates)
- La répression des opposants
- La répression des médias
- Enfin, des « valeurs d’extrême droite » qui gangrènent la société
Des résultats qui ne brillent pas du tout donc. Mais comme les anciens staliniens, les adeptes de l’extrême droite française refusent de voir la réalité et soutiennent que « le bilan est globalement positif en URSS »… Pardon en Russie.
En clair l’économie Russe est l’objet de propagande.
8) Une propagande courante
Ce panneau nous a servi d’exemple, pour étudier la situation réelle, et il faut dire qu’il a du succès puisqu’on le trouve sous d’autres avatars:
Mais il n’est pas seul. D’autres exemples du même acabit fourmillent sur internet.
Sans compter ceux qui présentent Poutine sous un aspect hagiographique sur un aspect de sa politique, ceux qui « brodent » de façon générale sont aussi légions.
Ils viennent souvent de la propagande officielle russe. Comme cet article de « Sputnik » repris aussi bien par « Médiocrité et consternation », que le blog du très complotiste Berruyer.
Mais ils n’ont même pas besoin de propagande officielle pour montrer leur amour au tsar poutine.
Car le tropisme de l’extrême droite française pour Poutine n’est plus à prouver! Et cet intérêt est réciproque pour des questions d’influence géo stratégiques.
- Poutine, super héros de l’extrême droite en France
- La Russie, terre promise de l’extrême droite française
- Poutinophilie en France
- Affinités idéologiques de l’extrême droite française avec Poutine
- Les réseaux du Kremlin
- Comment le Kremlin soutient les partis d’extrême droite
Conclusion
Propagande sur l’économie russe !
Un panneau de propagande particulièrement fallacieux donc. Et qui comme la plupart du temps n’indique, ni son créateur, ni ses sources. Sans compter, que la présentation elle-même est emplis de biais qui faussent complètement la réalité statistique.
A jeter sans hésitation donc.Debunked !!!